×

IVG

États-Unis. L’Ohio vote l’inscription du droit à l’avortement dans sa constitution

L’État conservateur de l’Ohio a voté à 55% l'entrée du droit à l'avortement dans sa constitution. Une victoire démocratique, qui ne résout cependant pas le problème de l’accès aux droits reproductifs.

Tatiana Magnani

9 novembre 2023

Facebook Twitter
États-Unis. L'Ohio vote l'inscription du droit à l'avortement dans sa constitution

Crédits photo : France 24

Ce mardi 7 novembre, les électeurs de l’État de l’Ohio ont approuvé l’inscription du droit à l’avortement dans la constitution de l’État. Le texte prévoit que tout individu “ait le droit de prendre et d’appliquer ses propres décisions” concernant l’avortement. Le « oui » à l’amendement constitutionnel en défense des droits reproductifs a ainsi remporté plus que 55% des voix dans cet État conservateur contre 44% opposé à la mesure. Cette victoire fait partie d’autres avancées sur l’accès aux droits reproductifs à l’image du Michigan.

Depuis que la Cour Suprême a abrogé l’arrêt Roe v. Wade, qui protégeait le droit à l’avortement au niveau national, cela a crée un précédent pour criminaliser les droits reproductifs ainsi que pour s’attaquer à d’autres droits, comme celui des personnes trans. Consécutivement à la criminalisation des droits reproductifs, les Républicains ont lancé plus de 200 projets de loi anti-trans à travers le pays et ont réussi à s’attaquer à la jeunesse trans, criminalisant les parents et interdisant les soins d’affirmation de genre, ils interdisaient ou limitaient le droit à l’avortement État par État, à l’image du Texas où les anti-IVG poussent pour interdire le voyage dans un autre État pour avorter.

Encore récemment, la Cour Suprême essayait de restreindre l’accès aux pilules abortives, décision qui a été finalement contestée. Les votes en faveur de l’inscription du droit à l’avortement dans la constitution de l’Ohio dans le climat réactionnaire actuel aux Etats-Unis démontre une dynamique intéressante par en bas qui s’est exprimé dans des Etats dirigés tant par des démocrates que par des républicains, comme en Ohio, et qui pourrait encore se reproduire dans d’autres régions conservatrices et des « swing states ».

Une victoire démocratique pour les droits reproductifs mais limitée par la crise du système de santé

Dans ce contexte fragile d’accès aux droits reproductifs, l’inscription du droit à l’avortement dans la constitution de l’Etat conservateur de l’Ohio constitue certes une victoire significative et progressiste mais ce droit se confronte à la crise du système de santé aux États-Unis. Par exemple, selon les données de l’Institut de Politique Sanitaire de l’Ohio, l’Etat est classé au 44e rang en matière de santé nationale. La situation n’est pas propre à l’Ohio, en effet, le pays traverse une situation de crise sanitaire qui cause une hausse de la mortalité maternelle et infantile et possède un très haut taux de maladies chroniques.

Concernant l’accès à l’avortement, ce dernier est entravé par le coût d’accès aux soins reproductifs. En effet, selon Planned Parenthood (équivalent du Planning Familial), le coût des pilules abortives s’élèvent aux alentours de 800 dollars en général, et de 580 dollars dans les centres de l’association. Pour un avortement en clinique, il faut compter autour de 800 dollars pour le premier trimestre de grossesse (ou 600 dollars dans les cliniques de Planned Parenthood). La gratuité de l’avortement ou la réduction de son coût n’est possible qu’en souscrivant à une assurance de santé payante et peut dépendre en fonction de l’État dans lequel se trouve la personne souhaitant avorter — si ce dernier ne l’interdit pas-. L’absence de sécurité sociale entraine la restriction de l’accès aux droits reproductifs à des milliers de personnes ne pouvant pas se le payer, une situation qui est amené à s’aggraver avec l’approfondissement de la crise économique. Même avant l’abrogation de Roe v. Wade, l’avortement n’a jamais été un droit universel aux Etats, sa constitutionnalisation dans certains États américains permet seulement de ralentir sa criminalisation, projet de longue date des Républicains.

En effet, cet arrêt ne pourra pas empêcher non plus les différents gouvernements conservateurs de s’attaquer au déjà fragile droit à l’avortement, avec des lois plus restrictives comme la loi sur l’autorisation parentale, la période d’attente imposée de 24h avant de pouvoir avorter ou encore l’interdiction du remboursement de l’IVG à travers les assurances privés dans quelques États. C’est notamment le cas du Michigan où la semaine dernière, malgré la constitutionnalisation de l’avortement en 2022, les Démocrates, qui sont majoritaire dans les instances politiques comme le Sénat et le gouvernement d’Etat, ont échoué à supprimer deux restrictions importantes aux droits reproductifs : l’utilisation du Medicaid pour payer les soins abortifs et la restriction qui oblige les patient·e·s à attendre 24h avant la prise en charge médicale.

Contre l’instrumentalisation électorale des droits reproductifs, un grand mouvement par en bas est nécessaire !

La codification d’une loi garantissant le droit à l’avortement avec les mêmes dispositifs que Roe v. Wade a été longtemps agité par les Démocrates, y compris par Biden, lors des échéances électorales pour gagner le soutien de sa base de gauche qui soutient massivement le droit à l’avortement quand il craignait de perdre et l’oubliant aussitôt quand le parti démocrate voulait attirer les électeurs les plus modérés.

C’est ainsi que Biden affirmait sur X (anciennement Twitter) après la victoire en Ohio que son gouvernement « va continuer à protéger l’accès aux soins reproductifs et faire un appel au Congrès pour restaurer les protections de Roe v Wade dans une loi fédérale une bonne fois pour toutes ». Mais même lorsque les Démocrates détenaient à la fois la présidence et le congrès, comme aujourd’hui, cela n’a pas empêché la codification de Roe v Wade d’échouer face à l’obstruction parlementaire. En ce sens, les droits reproductifs ne peuvent dépendre des calculs électoraux du parti démocrate et cela montre plus largement que cette lutte ne peut pas se cantonner à une lutte parlementaire, État par État avec ses différentes législations.

Nous devons refuser cet état de fait. La victoire pour les droits reproductifs en Ohio doit être la première pierre pour la construction d’un mouvement féministe d’ensemble qui lutte sur les lieux d’études et de travail pour une augmentation des moyens alloués aux hôpitaux et aux plannings familiaux ainsi qu’une augmentation des salaires conséquente pour réagir face à l’inflation rampante. Seul un rapport de force conséquent, en nous organisant par en bas, pourra arracher la légalisation pleine et entière de l’avortement ainsi que son accès plein et entier sans limitation économique ou politique !


Facebook Twitter
Enquête Streetpress : le patron d'UNSA-Police a couvert un policier condamné pour violences conjugales

Enquête Streetpress : le patron d’UNSA-Police a couvert un policier condamné pour violences conjugales

Education sexuelle à l'école : le nouveau terrain de jeu de l'extrême-droite

Education sexuelle à l’école : le nouveau terrain de jeu de l’extrême-droite


8 mars : non, le collectif Nous Vivrons n'avait rien à faire dans la manifestation !

8 mars : non, le collectif Nous Vivrons n’avait rien à faire dans la manifestation !

Bordeaux Montaigne : la mobilisation proche de la victoire sur la gestion des VSS après 7 mois ?

Bordeaux Montaigne : la mobilisation proche de la victoire sur la gestion des VSS après 7 mois ?

MeToo Hôpital. Des travailleuses de la santé dénoncent les violences sexistes et sexuelles au travail

MeToo Hôpital. Des travailleuses de la santé dénoncent les violences sexistes et sexuelles au travail

Tribune. Les soutiens d'un État génocidaire n'ont pas leur place dans nos luttes féministes !

Tribune. Les soutiens d’un État génocidaire n’ont pas leur place dans nos luttes féministes !

Acharnement : l'État porte plainte contre une lycéenne qui avait dénoncé une agression islamophobe

Acharnement : l’État porte plainte contre une lycéenne qui avait dénoncé une agression islamophobe

Affection de longue durée : l'offensive du gouvernement menace les personnes trans et séropositives

Affection de longue durée : l’offensive du gouvernement menace les personnes trans et séropositives