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Grève du 6 février dans l’éducation : contre le tri social et la mise au pas de la jeunesse, il faut un plan global !

Après une première journée de grève massive le 1er février, une nouvelle mobilisation aura lieu ce mardi. Alors que la ministre de l'Education est fragilisée, il est temps de passer à la contre-offensive en opposant le front le plus large possible contre le projet réactionnaire de Macron pour l'école.

Joël Malo

6 février

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Grève du 6 février dans l'éducation : contre le tri social et la mise au pas de la jeunesse, il faut un plan global !

Crédit photo : Cortège de l’éducation pendant la réforme des retraites, Révolution Permanente

Macron a fait de l’éducation un chantier de destruction prioritaire : mise à mort du collège unique, réforme du lycée professionnel, uniforme obligatoire, gloriole patriotique dès l’école primaire… Mais des failles se dessinent dans ce plan machiavélique. La catastrophe ambulante Oudéa-Castéra a soufflé sur les braises. Son mépris affiché pour l’école publique a largement alimenté la contestation de la grève très suivie du 1er février. Le lendemain, à propos d’un projet de réforme local, le recteur de Paris (proche de Blanquer), claque la porte, en forme de désaveu public de la ministre. Les rumeurs vont bon train pour savoir si celle qui incarne les deux priorités de Macron (l’école-caserne et les JO) survivra au remaniement.

Par en bas, la colère est profonde, et a poussé le SNESS-FSU, la CGT Éduc’action et Sud Éducation à appeler à une nouvelle journée de grève dès ce mardi. Dans un appel plus large (FSU, SGEN-CFDT, CGT Educ’action, UNSA et Sud Educ), les directions syndicales de l’éducation appellent à ce que cette journée marque un temps fort dans le cadre d’un « plan d’action dans la durée » pour exiger l’ouverture de négociations sur les salaires et l’abandon des dernières mesures ciblant le collège.

Une colère particulièrement vive dans les collèges

La grève du 1er février a montré une colère particulièrement forte dans les collèges, appelés à organiser dès la rentrée prochaine des groupes de niveaux en mathématiques et en français. Il s’agit là de la mesure phare du projet « choc des savoirs » annoncé par le gouvernement, perçu par le corps enseignant comme une attaque inédite contre le principe du collège unique. « La grève du 1er février était appelée de longue date sur les questions de salaires et de moyens, mais ce qui a massivement mobilisé les profs c’est le refus de cette école du tri social que promet Attal avec les groupes de niveaux », constate Diane, enseignante en collège.

Au cœur des attaques, le collège a effectivement porté la mobilisation du 1er et sera certainement encore massivement mobilisé le 6. Les enseignants dénoncent le flou dans lequel ils sont laissés, mais savent que ces groupes de niveaux se feront à la place « de temps en demi-groupes, ou de temps consacré à des projets » témoigne l’enseignante.

Alors que le gouvernement ne consent à lâcher des moyens que s’ils permettent d’accompagner des attaques, chaque équipe prend conscience des effets pervers induits par cette mesure inégalitaire. « Dans mon établissement, il se discute que les groupes seront les mêmes pour les maths et le français. C’est bien une volonté de séparer définitivement et partout les meilleurs élèves de ceux qui ont des difficultés », se désole un assistant pédagogique de région parisienne.

Expérimentés de la 6ème à la 5ème dès septembre 2024 avant d’être étendus à la 4ème et à la 3ème l’année suivante, tout le monde dans l’Education Nationale a bien conscience que les élèves seront attachés à ces groupes toute leur scolarité, qui marquera au fer rouge la différence entre les « nuls » et les « forts ». « Après des programmes différenciés en math et en français, ce sera au tour d’autres matières puis certaines matières disparaîtront tout simplement pour les élèves en difficulté, et en premier lieu pour les enfants des classes populaires », prévoit Diane.

Un programme global pour l’éducation

« Ces attaques au collège sont la suite logique des réformes du bac et du lycée professionnel » témoigne Juliette, enseignante en histoire et en français dans un lycée professionnel. C’est en effet à une mise à jour systématique de l’ensemble du système scolaire à laquelle se prête Macron : fin de l’automaticité de l’entrée à l’université avec le baccalauréat, fin du bac comme diplôme national, lycée à la carte, lycée pro toujours plus adaptés aux besoins locaux du patronat, multiplication des stages etc. « Les groupes de niveaux au collège visent à mettre les « bons » et les « mauvais » dans des cases et à leur faire intérioriser ce statut le plus jeune possible. On veut trier socialement les enfants pour en faire la main d’œuvre corvéable de demain » poursuit l’enseignante.

Un projet d’offensive contre les enfants des classes populaires qui passe également par la généralisation du SNU promise en seconde. « Il va y avoir une véritable inégalité » affirme une autre enseignante en lycée professionnelle, « un élève pourra esquiver le SNU s’il formule un projet Erasmus ou qu’il trouve un stage. Mais pour les enfants qui ne trouvent pas de stages, dont les parents n’ont pas le réseau pour leur en trouver un, tu iras faire le SNU ». Ce qui a profondément mobilisé le 1er février et qui alimente la colère pour la journée du 6 février, c’est bien le fait pour le corps enseignant de voir voler en éclats toute idée « d’égalité des chances », dans une école qui bat déjà des records d’inégalité parmi les pays de l’OCDE.

De fait, l’école publique est déjà à deux vitesses, selon les établissements, selon les classes, selon les options, selon l’origine sociale. « Le collège a toujours été une institution du tri social », insiste Diane. « Ce qui fait la profondeur de la colère des enseignants à propos du collège, c’est que la réforme d’Attal ne s’embarrasse plus des illusions égalitaires et assume ouvertement ce tri social ». Pour Macron et Attal, cet état de fait doit servir à enfoncer des coins dans les acquis arrachés par les classes populaires dans l’accès à l’instruction ou contre le statut de fonctionnaire.

Face aux problèmes des conditions de travail et de rémunération, il n’a à proposer que la mise en concurrence des profs entre eux (le néo-libéralisme a déjà mis les universités et les lycées en concurrence) et une rémunération au mérite. Dans la continuité de la réforme très contestée du pacte enseignant, celle de la fonction publique annoncée par Macron promet ainsi de généraliser ce « salaire au mérite ». Pour gagner plus, il faut travailler plus et permettre ainsi de ne pas renouveler des postes. Et pour masquer les disparités socio-économiques, il faut mettre la jeunesse au pas, contrôler ses vêtements, imposer l’uniforme et lui faire saluer le drapeau.

L’offensive de Macron et d’Attal contre l’école dépasse en fait de loin une simple question de moyens à l’école, mais a une portée politique et idéologique qui vise une adaptation brutale de l’école aux nécessités immédiates du patronat, c’est-à-dire à la formation d’une main-d’œuvre flexible, peu chère (apprentissage) et formée a minima pour que son savoir-faire ne pèse pas trop dans le rapport de force salarial face au patronat. En ce sens elle est la continuité de l’existant, mais marque un véritable saut.

Pour Diane, loin d’entretenir des illusions sur le système actuel, la lutte contre les offensives macronistes à l’école doit faire le lien avec les inégalités dans toute la société : « Même avec des moyens en plus, l’école dans son ensemble est façonnée par l’inégalité de classe. Tu ne pourras jamais faire bien cours quand il y a de la misère à côté. L’école telle qu’elle est ne peut pas être une baguette magique qui efface que certains enfants ne voient pas leurs parents parce qu’ils travaillent de nuit, que certains ont faim, n’ont pas chauffage ou dorment dans la rue ».

Au programme global de Macron, les travailleuses et les travailleurs doivent opposer un programme global. De ce point de vue la lutte contre la réforme Attal ne peut être posée sur un terrain uniquement salarial ou corporatif, mais doit se déployer dans toute sa dimension politique : la mobilisation des enseignants se fait dans l’intérêt de l’ensemble des classes populaires et pourrait ainsi chercher à les rassembler dans une lutte pour une école au service des enfants des classes populaires et contre l’inégalité socio-économique, l’inflation et la hausse de la misère.

L’éducation peut-elle être l’étincelle pour une mobilisation d’ensemble ?

Le 1er février, la colère contre la mise à mort du collège unique a débordé des mots d’ordre uniquement sectoriels alors avancés par l’intersyndicale. Si les revendications sur les salaires et les moyens sont essentielles et alimentent une grande partie de la colère des profs, incapables d’assurer leur travail dans des conditions décentes, elles sont insuffisantes pour faire face à l’ampleur des attaques que Macron déchaîne. Et c’est l’ampleur de ces attaques qui explique la massivité de la grève du 1er février. Dans les cortèges de la semaine dernière, de nombreux personnels de l’éducation s’étonnaient qu’il n’y ait pas eu de réaction plus précoce face à la hargne de Macron.

Dans une consultation interne organisée par la FSU envers ses adhérents, de même que dans les heures d’information syndicale et les assemblées générales qui ont pu se tenir autour du 1er février, la base syndicale a signifié très clairement sa fatigue des journées isolées, dont la réforme des retraites a été l’énième démonstration de l’inefficacité.

En réponse, l’intersyndicale de l’éducation reconnaît dans son dernier communiqué que « une journée de grève ne suffira pas pour gagner » et appelle à « un plan d’action dans la durée » : « semaine d’actions » (avec un simple « temps fort » ce 6 février « selon les contextes ») ; lancement d’une pétition intersyndicale pour demander l’abandon des mesures « choc des savoirs » ; annonce d’un « rebond fort et durable de l’action en mars pour le service public de l’éducation » (la date du 19 mars étant posée d’autre part par les syndicats de la fonction publique)... Mais derrière ce « plan de bataille » fourni, qu’en est-il des objectifs politiques fixés par les directions syndicales ?

Ce qui est posé par le rejet des journées de grève isolées n’est pas qu’un problème de calendrier, mais de logique politique pour faire reculer les attaques de Macron. D’un côté, comme l’explique le communiqué, la stratégie syndicale vise clairement à « obtenir l’ouverture de discussions immédiates sur les salaires ainsi que l’abandon des mesures choc des savoirs », la grève étant abordée dans une stratégie de pression pour des négociations avec l’exécutif. Cette stratégie de lutte a déjà prouvé qu’elle était une impasse : alors que le gouvernement est en guerre contre les travailleurs et les classes populaires, la perspective politique des enseignants ne peut être d’espérer recevoir de nouvelles « revalorisations salariales » marginales ni un retrait partiel du projet mortifère de Macron.

Si les enseignants s’enferment dans une démarche sectorielle, cela ne peut apparaître au reste de la population que comme le défense du statu quo d’une école dégradée. Or, face à la crise de l’école, les solutions démagogiques d’Attal sont pour l’heure perçues positivement dans la population. Jusque chez les enseignants, si ce qui choque massivement est la fin du collège unique, « les autres attaques comme le SNU, l’uniforme ou le brevet comme examen d’entrée au lycée sont moins au cœur des discussions. Pourtant toutes ces mesures se tiennent entre elles et doivent être combattues d’un même bloc », constate Diane.

Une autre perspective serait que les équipes syndicales combatives, les assemblées d’établissement ou de ville cherchent à formuler un programme nécessairement politique pour enrayer l’inégalité scolaire et s’adressent aux secteurs du monde du travail dont les enfants se retrouvent d’ores et déjà dans les filières les plus malmenées. Cela passe notamment par une hausse drastique des moyens et des effectifs alloués aux équipes éducatives et par le retrait des mesures annoncées, mais aussi par un programme de lutte générale contre la misère : à rebours de la logique de salaire au mérite que veut imposer le gouvernement, il faut exiger l’augmentation de tous les salaires et leur indexation sur l’inflation ; le retrait de tous les mécanismes de sélection sociale (en premier lieu Parcoursup et le bac Blanquer) et des lois autoritaires et racistes qui visent à diviser le personnel et à mettre au pas la jeunesse. La haine généralisée contre Oudéa-Castéra dans la population et l’exposition au grand jour d’un système d’éducation pour les riches, occulte et financé sur l’argent public, est une occasion pour faire entendre ce discours et ce programme massivement.

Mais une telle orientation nécessite de rompre avec la stratégie de journées isolées de pression en vue d’ouvrir des négociations salariales : elle oblige à penser la construction d’une grève large et dure, en se mobilisant largement dans les établissements et en se tournant vers les autres secteurs (à commencer par la fonction publique qui se mobilise le 19 mars prochain pour les mêmes raisons que l’éducation nationale), et à interpeller, derrière le « parent d’élève », le salarié qui est lui aussi impacté par le projet néolibéral de la macronie. Le 6 février doit être l’occasion de préparer une telle mobilisation et d’imposer la question politique de l’école et la lutte contre toute forme de sélection sociale comme sujet de premier plan. Après la séquence des agriculteurs, et face à la crise sociale béante dans le pays qui n’attend que d’exploser, le gouvernement craint toute initiative sur le terrain de la grève. « Ça donne l’impression que c’est à celui qui va crier le plus fort qui va avoir gain de cause » déplore un macroniste auprès du journal patronal L’Opinion. Défi accepté !


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