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Fraction Trotskyste

Inès, militante révolutionnaire allemande à RIO : « En Allemagne, la classe ouvrière se réveille aussi »

De nombreuses délégations internationales étaient présentes à l'Université d'été de Révolution Permanente, et ont pu échanger lors d'un atelier dédié à la Fraction Trotskyste - Quatrième Internationale. Nous relayons l'intervention de Inès, militante de RIO, une organisation révolutionnaire allemande sur le retour de la lutte des classes dans son pays et l'enjeu de construire une organisation en indépendance de classe.

30 août 2023

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 Inès, militante révolutionnaire allemande à RIO : « En Allemagne, la classe ouvrière se réveille aussi »

Camarades,

Je m’appelle Inès et je fais partie de RIO (Organisation révolutionnaire internationaliste), le groupe frère de Révolution Permanente en Allemagne. Je suis travailleuse sociale et je travaillais dans une école à Neukölln, un quartier populaire de Berlin.

Austérité en Allemagne et répression

En juin, le gouvernement allemand a annoncé des coupes importantes dans le budget national. Alors que l’armée a reçu 100 milliards d’euros l’année dernière et que l’Allemagne, comme la France, a utilisé l’invasion russe de l’Ukraine comme prétexte pour se réarmer, le gouvernement a décidé de réduire les fonds alloués à la santé, à l’éducation et à la sécurité sociale. Alors que le pays qui compte le plus de millionnaires en Europe se prépare à la guerre et à renforcer sa position en tant que puissance impérialiste centrale en Europe, nous, la classe ouvrière, les jeunes, les migrants, les femmes et les LGBT sommes supposés payer pour leurs ambitions.

Les coupes fédérales mènent à l’austérité dans les États, comme à Berlin. Ainsi, à Neukölln, où j’habite et où je travaillais, des coupes massives dans les services sociaux ont également été annoncées, ce qui va affecter principalement les enfants et les adolescents avec lesquels je travaillais ainsi que leurs familles. Parmi les conséquences, une réduction des moyens des employés chargés de distribuer les aides financières aux chômeurs et aux parents, des services de nettoyage dans les écoles ainsi que des centres pour les jeunes et les familles.

De nombreuses personnes ont décidé de protester contre ces mesures. J’ai donc décidé de mobiliser mes collègues et de leur écrire pour les informer sur ces mobilisations. Pour cette raison, j’ai été immédiatement licenciée. Aujourd’hui, je lutte pour ma réintégration, parce que je ne pense pas qu’on devrait être tenu responsable de la crise que les capitalistes ont produite ou accepter qu’on souffre la répression quand on résiste.

Dans notre lutte ces derniers mois, RP et de nombreux autres camarades de la FT ont été une grande source d’inspiration. Parce que nous ne sommes pas seulement des syndicalistes, mais aussi des socialistes révolutionnaires internationalistes. Nous avons pu apprendre des luttes que la classe ouvrière a mené dans d’autres pays, et du rôle que nous avons joué dans ces combats. Vos batailles contre la réforme des retraites, les bureaucraties syndicales, les meurtres et les violences policières ainsi que le racisme ont été une source d’inspiration pour nous, et je suis très, très fière de faire partie de la même organisation internationale que des camarades comme Anasse, Mehdi, Christian ou Rozenn, et tant d’autres encore.

Guerre en Ukraine et réarmement impérialiste

Tant d’autres qui ont aussi été témoins du fait que quand la Russie a commencé à envahir l’Ukraine, l’indignation dans toute l’Europe a été immense. Mais les capitalistes et les gouvernements ont utilisé la condamnation légitime de l’invasion pour faire avancer leur agenda. La production d’armes a augmenté, et alors que l’Allemagne a cessé d’importer du gaz russe, on chauffe maintenant nos maisons avec du gaz venu du Qatar, qui fait partie de l’alliance qui mène une guerre désastreuse au Yémen.

Ils essaient de nous faire croire que le conflit oppose un camp « démocratique » à un camp « autoritaire », que l’OTAN défend les droits de l’homme en Ukraine et dans le monde entier. Il ne fait aucun doute que la Russie et la Chine ont des régimes autoritaires terribles, qui répriment les travailleurs et les opprimés. Mais il n’y a rien qui puisse être plus cynique que ces grandes puissances impérialistes, qui ont exploité les masses pendant des siècles à travers le colonialisme, l’impérialisme et les guerres, qui ont bombardé le Vietnam, l’Afghanistan et tant d’autres pays, nous disent maintenant qu’on doit accepter l’inflation et la pauvreté pour défendre leur « démocratie ». En face, une partie de la gauche définit la Russie et la Chine comme anti-impérialistes parce qu’elles s’opposent à l’hégémonie des États-Unis.

Comme nous l’a dit le révolutionnaire allemand Friedrich Engels, nous sommes persuadés que la classe ouvrière n’a pas de patrie, que nous sommes une seule classe internationale. On ne peut gagner qu’en perdant nos chaînes et on ne peut que perdre en choisissant un camp dans une guerre réactionnaire. C’est pourquoi, dès le début de la guerre, on est intervenu avec RIO avec le programme « Ni Poutine, ni OTAN : pour une réponse indépendante de la classe ouvrière en Ukraine, en Russie et dans les pays impérialistes ».

La guerre en Ukraine ainsi que les multiples crises (économique, politique, écologique, mais aussi, comme nous avons pu l’apprendre lors de cette université d’été, la crise de la santé mentale parmi beaucoup d’autres) sont deux des trois éléments qui nous ont amené, en tant que FT, à la conclusion l’on vit une réactualisation de l’époque de crises, de guerres et de révolutions dont parlait Lénine.

Un réveil de la lutte des classes jusqu’en Allemagne

On ne voit pas encore de révolutions, mais ce que l’on voit, c’est un retour de la lutte de classe, en particulier en Europe. En Allemagne, la classe ouvrière se réveille aussi, après des décennies sans combats dans certains cas. Des grèves massives ont eu lieu dans les ports, dans l’industrie métallurgique, dans les aéroports, dans le secteur public, à la poste, de même que chez les profs et les cheminots.

Même si ces grèves sont toujours contrôlées par la bureaucratie syndicale et le gouvernement, il y a de plus en plus d’opposition à leur politique. Car ces dernières séparent les luttes les unes des autres, et les augmentations de salaire qu’elles ont négocié ont toutes été inférieures au taux d’inflation. Les dirigeants des syndicats essaient de nous vendre l’aggravation de la situation de vie de millions qui en résulte comme une victoire.

Mais de plus en plus de salariés dans tout le pays ne croient plus à cette légende. En mars, ils ont forcé la bureaucratie à convoquer une « méga grève », une grève en commun, interrompant le trafic ferroviaire et aérien pendant 24 heures. Ce sont ces travailleurs qui constituent l’avant-garde avec laquelle on converge et on veut continuer à converger dans un courant anti-bureaucratique. Dans ce processus, vos expériences avec le Réseau pour la grève générale nous inspirent pour construire une direction alternative.

L’enjeu de construire des organisations d’indépendance de classe

Par ailleurs, on peut aussi tirer des leçons des luttes passées contre la militarisation et les guerres impérialistes. Comme au début de la première guerre mondiale, quand quelques socialistes ont résisté aux pressions exercées pour soutenir « leur » gouvernement capitaliste. Ils ont eu raison. En Allemagne, les socialistes menés par Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht sont restés des internationalistes convaincus et ont rompu avec le SPD chauviniste, qui soutenait la guerre, pour fonder le Parti communiste quelques années plus tard.

Mais peu après, ils ont été assassinés sur ordre de leurs anciens camarades contre-révolutionnaires. Si seulement les socialistes internationalistes avaient rompu plus tôt et fondé un parti qui aurait servi à attirer les travailleurs les plus avancés et les plus révolutionnaires, cela aurait peut-être changé le cours de l’histoire.

En Allemagne, comme ici en France, il existe aujourd’hui de nombreux groupes de gauche qui, au lieu de suivre la voie de l’indépendance de classe, collent à des réformistes comme Mélenchon. Des partis entiers comme le NPA perdent leur droit d’exister en s’adaptant au réformisme de Mélenchon. En Allemagne, le plus grand parti de gauche, Die Linke, défenseur du « socialisme de gouvernement » et de la « gouvernance rebelle », connaît sa plus grande crise, divisé entre des libéraux de gauche et une populiste chauviniste qui s’appelle Sahra Wagenknecht.

A RIO, on a toujours critiqué les militants qui suivent Die Linke, et, en janvier, avec 150 travailleurs et jeunes, on a aidé et soutenu les dizaines de membres de Die Linke et de sa jeunesse qui organisaient une « rupture révolutionnaire » avec le réformisme. On est très fiers de dire que beaucoup d’entre eux sont maintenant nos camarades. Vos expériences avec La France Insoumise ainsi que votre combat politique avec le NPA ont été une grande inspiration pour beaucoup d’entre eux pour rompre avec un projet sans issue et participer à la construction d’un parti révolutionnaire, comme vous en construisez un ici.


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