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Essequibo

L’escalade avec le Venezuela continue au Guyana après l’arrivée d’un navire de guerre impérialiste

Nouvelle montée en tension dans le conflit qui oppose le Venezuela et Guyana au sujet de la région pétrolière de l’Essequibo. Après l’envoi d’un navire britannique dans les eaux de Guyana, le Venezuela a déployé plus de 5 600 soldats et des avions et navires de guerre à la frontière.

Antoine Weil

31 décembre 2023

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L'escalade avec le Venezuela continue au Guyana après l'arrivée d'un navire de guerre impérialiste

HMS Trent à Portsmouth

En cette fin d’année, le conflit qui anime la République bolivarienne du Venezuela et la République coopérative du Guyana connait une nouvelle montée en tensions. Alors que le président du Venezuela Nicolás Maduro revendique la souveraineté sur la région riche en pétrole de l’Essequibo, les dirigeants des deux pays multiplient les provocations et discours va-t-en-guerre. Le 24 décembre la Grande-Bretagne a annoncé l’envoi du navire de guerre de la Royal Navy « HMS Trent » pour participer à des exercices avec Guyana, dans une mesure de soutien de la puissance impérialiste à son allié dans la région. En réponse, le Venezuela a annoncé le 28 décembre déploiement de 5600 homes et d’avions de guerre à la frontière.

Navire de guerre britannique : les puissances impérialistes poussent à l’embrasement de la région dans un conflit réactionnaire

Après la tentative de négociation entre les deux parties et la signature d’accord de non-agression le 14 décembre dernier, la tension a rapidement repris entre Venezuela et Guyana.

Le 24 décembre, c’est donc le gouvernement britannique lui-même qui a annoncé l’envoi de forces dans la région. Un porte-parole du ministère de la défense a ainsi déclaré que « le HMS Trent se rendra en Guyane, alliée régionale et partenaire du Commonwealth, dans le courant du mois, dans le cadre d’une série d’engagements dans la région au cours de son déploiement pour des missions de patrouille dans l’Atlantique ». Si le Royaume-Uni cherche à normaliser cet envoi en le présentant comme une décision déjà planifiée pour des opérations régulières, la mobilisation de ce navire de guerre, équipé de canons, d’un contingent de soldat et à partir duquel peuvent se déployer des hélicoptère et aéronefs de combat, constitue clairement une provocation. Ce même navire a par exemple été déployé en Ukraine en juillet 2021, dans un contexte d’affrontement militaire latent.

Une intervention impérialiste de la part de l’ancienne puissance coloniale et alliée de Guyana, qui survient alors que les Etats-Unis avait déjà réalisé des exercices militaires le 8 décembre dernier.

En réaction, le président du Venezuela Nicolás Maduro a annoncé l’organisation d’exercices militaires dans les Caraïbes orientales et sur la côte atlantique, à savoir dans les zones frontalières avec Guyana et la région de l’Essequibo, au coeur du litige entre les deux Etats. Le Venezuela a ainsi déployé 5 600 soldats, 28 avions (dont des F-16 étatsuniens, des Sukhoi russes et des chasseurs chinois) et 16 navires, dont des navires de guerre, des patrouilleurs et véhicules amphibies, d’après ce qu’a déclaré Nicolás Maduro, dans ce qu’il a décrit comme la première phase de l’opération.

Des exercices qui interviendraient en « réponse à la provocation » de Guyana. Dans la foulée de l’annonce britannique, le ministre vénézuélien de la défense et général Vladimir Padrino López déclarait déjà qu’il s’agissait d’une décision contraire à « l’engagement de bon voisinage et de coexistence pacifique ». En réaction à l’action des puissances impérialistes dans la région, le Venezuela cherche ainsi à donner une dimension « anti-impérialiste » de façade à sa politique chauvine et agressive pour prendre le contrôle de l’Essequibo. Une situation à l’image de la dynamique générale du conflit.

Un litige frontalier ancien, attisé par l’exploitation pétrolière en Essequibo

La controverse entre Venezuela et Guyana pour la région, vaste de 159 000 km², regroupant plus des deux tiers du territoire de la République coopérative du Guyana et 20% de sa population, est loin d’être ancienne. Elle est directement héritée de la colonisation et de la présence impérialiste en Amérique latine, alors que les frontières actuelles sont issues d’une décision d’un arbitrage réalisé à Paris en 1899, et pour lequel le Venezuela n’avait pas de représentation propre, mais était représenté par des fonctionnaires états-uniens. La Guyana n’a connue son indépendance qu’en 1966, et fait toujours partie du Commonwealth.

Depuis 2015, la découverte d’importants gisements pétroliers et gaziers a renforcé la compétition pour le contrôle de la région, avec pour point d’orgue la tenue d’un référendum consultatif le 3 décembre dans tout le Venezuela pour que les électeurs se prononcent sur le statut de la région d’Essequibo et entérinent son annexion.

Afin d’apaiser les tensions, un premier accord avait été trouvé le 14 décembre dernier à Kingstown, dans lequel les deux gouvernements vénézueliens et guyanais s’accordaient pour s’abstenir de tout recours à la force. S’ils ont convenu d’un nouvel échange dans trois mois, les participants ne sont cependant parvenus à aucun accord sur le fond, signe des divergences d’intérêts des deux Etats et de leurs objectifs géopolitiques.

Contre l’ingérence impérialiste et la politique belliciste du Venezuela et de Guyana

Du côté de la Guyana en effet, l’exploitation du pétrole de l’Essequibo revêt un rôle central. Grâce à ces ressources, l’Etat caribéen serait en passe de devenir le quatrième producteur mondial de pétrole offshore, avec l’équivalent de 11 milliards de barils dans ses réserves.

Dans ce contexte, si la Guyana multiplie les déclarations pour présenter l’opération avant tout comme défensive, à l’image du vice-président du Guyana, Bharrat Jagdeo, affirmant « Nous n’avons pas l’intention d’envahir le Venezuela. Le président Maduro le sait et ne doit pas s’inquiéter », elle est déterminée à garantir militairement l’exploitation des hydrocarbures. Loin de profiter à la population locale, cette dernière servira surtout aux grands groupes pétroliers liés à l’impérialisme, comme le géant mondial ExxonMobil, très présent dans la zone de l’Essequibo.

C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre la préoccupation des britanniques et des Etats-Unis pour défendre la Guyana, ce qui passe par la multiplication les ingérences. A cet égard, l’annonce des exercices militaires états-uniens a été faite directement par l’ambassade américaine à Georgetown et non par le gouvernement guyanais, de même que pour l’arrivée du navire HMS Trent, annoncée directement par le gouvernement londonien.

Du côté du Venezuela, la politique agressive du gouvernement Maduro pour réclamer la région s’accompagne de la mobilisation d’une réthorique anti-impérialiste trompeuse. Il met en effet en scène la volonté de récupérer une partie du territoire national, l’Essequibo, qui va être livré aux grands groupes pétroliers. En réalité, l’Etat vénézuélien souhaite accueillir ces mêmes multinationales, comme Chevron réintroduit dans le pays à la suite d’un allégement des sanctions étasuniennes- et qui compte de forts liens capitalistiques avec ExxonMobil. Davantage encore, ces dernières années le gouvernement Maduro, qui se réclame du socialisme, multiplie les réformes néolibérales, a renforcé les privatisations à l’aide de décrets et mesures discrétionnaires, et mis en place de zones économiques spéciales pour favoriser les investissements étrangers.

Pour Maduro, l’objectif de la manoeuvre est alors de ressouder la population derrière lui autour d’une lutte « patriotique », après des années de crise économique et une corruption généralisée. Le referendum consultatif survenait ainsi en parallèle du début de la campagne pour l’élection présidentielle, lors de laquelle l’opposition de droite devrait présenter une candidature unique avec María Corina Machado. Alors que les élections doivent se tenir au second semestre 2024, le président en fonction risque donc de mobiliser la question de l’Essequibo jusqu’au scrutin.

Dans ce contexte, une action aventureuse de part et d’autre ou une montée en tension non-contrôlée pourrait déboucher sur un conflit ouvert, bien que cela ne soit pas l’option la plus probable pour l’heure. Un risque particulièrement alarmant pour les travailleurs et les secteurs populaires du Venezuela et de Guyana, et un signal de plus de l’accélération des tensions inter-étatiques à l’échelle internationale. En ce sens, l’intervention des puissances impérialistes américaines et européennes n’a pour seul objectif que la défense de leurs intérêts réactionnaires et de spoliation des richesses de la région. Pour y faire face, une lutte des mouvements ouvriers du Guyana et du Venezuela seront essentiels, pour refuser toute ingérence des impérialistes dans la région.


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