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Meeting contre les violences policières, le racisme et l’islamophobie à l'université Paris 1

Assa Traoré : « Mon frère est mort dans les locaux de la gendarmerie, il ne faut pas l’oublier »

Près de 600 personnes ont assisté au meeting contre les violences policières, le racisme et l’islamophobie, jeudi soir, à l’université Paris 1-Tolbiac. Après les matraques du printemps qui se sont abattues sur les manifestants mobilisés contre la loi Travail, la mort d’Adama qui s’ajoute à une longue liste de décès dans les mains des gendarmes, l’escalade dans la criminalisation des luttes syndicales comme dans le racisme d’État, la répression permanente, l’humiliation et la stigmatisation quotidiennes dont souffrent les populations des quartiers populaires, ce meeting a constitué une première réponse unitaire face à la répression. Nous relayons ci-dessous la transcription de l’intervention durant ce meeting d’Assa Traoré, sœur d’Adama, tué des mains des gendarmes.

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Bonjour à vous tous. C’est vraiment impressionnant, je ne pensais pas qu’il y aurait autant de monde. Je n’ai pas préparé grand-chose, je n’ai pas préparé de discours. En tout cas, je tenais à vous remercier, aujourd’hui, c’est moi qui suis là. C’est moi qui parle, au nom de toute la famille, on est une grande famille, on vous remercie tous.

Depuis le début de ce combat, ça fait que quelques mois aujourd’hui, on a ce soutien énorme qui nous donne vraiment beaucoup de force, sans vous aujourd’hui, tout ce qu’on fait aujourd’hui, on ne pourrait pas le faire. Vous nous donnez tellement de la force, que même quand on veut lâcher quand on est fatigué, quand on dit « on arrête », vous êtes derrière nous, vous nous envoyez des messages.

Aujourd’hui, cette fac nous accueille. Thabitha, franchement, je la remercie beaucoup, parce que pendant toute la durée de la préparation, elle nous a appelé, tout le temps avec notre famille pour qu’on soit là aujourd’hui à vos côtés. Merci beaucoup au nom de toute la famille. Je remercie toutes ces associations, qui ont pu nous aider, ces collectifs, le collectif d’Amal Urgence Notre Police Assassine qui était là dès le début, mais vraiment tout le monde et sans oublier personne. C’est important pour nous.

Ce qui nous est arrivé le 19 juillet, ça nous est tombé dessus, on n’y était pas préparé. Adama, il est mort dans des conditions atroces. Vous savez, quand le pompier nous donne certaines déclarations et qu’il nous confirme dans quel état il est mort, bien sûr ça fait avancer l’enquête, mais nous, ça nous meurtri encore plus. Mon frère, il est mort dans des conditions atroces, seul et comme un chien. Il faut dire les mots, il ne faut pas les peser. C’est ce qui s’est passé.

Mon frère, il est mort dans les locaux de la gendarmerie, et ça il ne faut pas l’oublier. Et c’est important de le dire. Il n’est pas mort dans la rue. Même s’il serait mort dans la rue. Mais il est mort dans un endroit symbolique dans l’État français. Que ce soit la police ou la République. Ça appartient à qui, ça appartient à la République, ça appartient à cet État-là qui aujourd’hui reste muet et ne fait rien.

On va dire les choses, tout en restant politiquement correct. C’est comme donner une autorisation à tuer. Parce qu’aujourd’hui, ils ont tué mon frère. Avant ça il y a eu d’autres victimes. Il ne faut pas qu’il y ait d’autres victimes. Il ne faut pas qu’il y ait d’autres morts. Parce que ce que vous savez ce que nous on vit aujourd’hui, on le souhaite à personne, car c’est quelque chose de très dur, très dur à porter.
En tuant notre frère - c’est vrai qu’il est parti, il n’est plus là -, ils ont tué quelque chose en nous, il y a vraiment quelque chose en nous qu’ils nous ont enlevé. On parle avec vous, on est assez fort, et on se dit : je fais tout ça pour mon frère. On se lève chaque jour, chaque matin, pour faire ça pour mon frère, mais on le reverra plus.

Et on se dit : est-ce que tout ça a un sens, est-ce qu’on doit le faire ? Après on dit : si, ça a un sens, il faut le faire, il ne faut plus qu’il y ait de victime, il ne faut plus que ça arrive et il ne faut plus que ça continue. Pour ne plus que ça continue, il faut qu’il y ait une mobilisation assez forte. Et cette mobilisation-là, il faut que tout le monde, pour faire plier la France pour faire plier la République, il faut que tout le monde se lève.

Ce n’est pas que les quartiers populaires qui vivent tout ça, qui doivent se lever aller dans les rues, ou comme on l’a vu pour la loi Travail, c’est une autre partie de la population qui y va. C’est tout le monde qui doit se lever. Le jour où tout le monde aura compris ça, et que tout le monde va se lever et va marcher dans les rues de France, pour arrêter toutes ces violences qu’ils sont autorisés à faire ; tant qu’on n’aura pas compris ça et que tout le monde ne va pas se lever ensemble, ils vont continuer à le faire.

Aujourd’hui, si nous on est la, on est à la fac, c’est très bien, on n’est pas dans un quartier populaire, on n’est pas forcément qu’avec des jeunes issus des quartiers populaire, on est avec vous aujourd’hui. Et cette force là, il faut la donner à eux aussi, comme eux peuvent vous la donner : si on n’est pas ensemble on peut rien faire. Si une partie de la population se lève et que l’autre non, ce n’est pas grave : diviser pour mieux régner. Mais si on y va tous ensemble… la révolution on l’a eu comment ? En France elle s’est faite comment la révolution ? Tout le monde s’est levé, tout le monde est parti : on doit la faire ensemble la révolution !

Je ne vais pas revenir sur cette dure nuit du 19 juillet et toutes ces injustices qu’on a pu vivre, parce qu’on a pu en vivre des injustices, et heureusement qu’on a pu se défendre, et ce qui est important aujourd’hui, et ce que j’ai envie de dire aux jeunes, c’est qu’il est important de connaître ses droits. Parce ce quand on ne sait pas se défendre, quand on ne connaît pas ses droits, quand on ne sait pas s’exprimer, on bafoue nos droits, on nous utilise, et on fait comme si de rien était : le droit doit être accessible à tout le monde. Il faut propager cette idée, parce que quand on ne connaît pas ses droits, on ne peut pas avancer, ce n’est pas possible. On est en France, dans un pays de droit, et il faut utiliser ces droits.

Je dis ça parce qu’il y a eu énormément de mensonges dans le dossier d’Adama, et on a toujours contre-attaqué derrière, avec les avocats. Un autre mensonge amène à une autre vérité, et on va continuer dans ce sens là, car on sait qu’il va y avoir de nouveaux mensonges qui vont sortir.

On attend le dépaysement, donc le procureur n’est plus sur l’affaire ; une fois qu’on aura ce dépaysement, nous, ce qu’on veut, c’est la mise en examen des gendarmes. On nous dit « vous rêver, il n’y aura pas de mise en examen », moi je répond que « oui, il y en aura une », mais on pourra pas la faire seule : il faudra la faire avec vous. Quand ils vont nous dire qu’on ne pourra pas la faire, il faudra tous sortir, parce que s’il n’y a pas de mise en examen de ces gendarmes là, d’autres vont continuer à tuer. Il faut sortir dans les rues, parler, se défendre, pour toutes les affaires qui sont en cours, parce qu’il y a des affaires qui sont encore là, qui sont peut-être prises à la légère et qui ne sont pas jugées comme elles devraient être jugées : tout cela doit donner une force, et qu’on retourne cette force dans le sens de la justice et de la vérité.

Pour finir, on a déposé l’association Au nom d’Adama, qui est quelque chose qui nous tenait à cœur avec notre famille. Faire quelque chose au nom de mon frère, c’était fort et symbolique pour nous. À travers cette association, on veut qu’il y ait un accès au droit et à la justice ; tout le monde a le droit à la justice, peu importe son histoire. Si nous, à travers d’Adama, on peut aider ces personnes-là, ces jeunes-là, ou vous, ou d’autres personnes arrivez à des droits, une justice et une vérité ; si on peut le faire à travers le nom d’Adama, on aura gagné. Cette association ne sera pas que sur des bavures policières, des crimes policiers : Adama est parti à 24 ans, il était jeune et avait un bel avenir devant lui, il avait plein de belles choses.

Vous savez, le soir de son anniversaire, il avait prévu d’aller manger au restaurant avec ses amis et ses frères, et le week-end il devait partir dans le sud à Valence rejoindre sa sœur jumelle et descendre en Espagne. Il aimait énormément voyager et a fait presque tous les pays d’Europe. À travers cette association, on veut que tous les jeunes, qui ont encore un avenir devant eux, puissent le vivre à travers le nom d’Adama parce que lui n’a pas pu le faire. Et nous, si on peut le faire à travers d’autres jeunes qui ont cet espoir-là, en disant « regardez devant vous, prenez un chemin où mène votre avenir, il sera beau et bon » ; si on peut le faire à travers le nom de mon frère, Adama, qui est toujours dans nos cœurs, vivra pour tout le monde. Aujourd’hui, mon frère est un symbole pour nous, mais je pense c’est aussi un symbole pour vous tous : j’espère qu’à travers son nom, on pourra avoir une justice et une vérité, pour lui, et pour toutes les affaires qui vont arriver et toutes celles qui sont derrière nous.


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