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Après la Manif pour Tous...

Les intégristes de Civitas veulent former un parti avant la présidentielle de 2017

C'est officiel. Civitas, le groupuscule catholique traditionaliste, est désormais considéré comme un parti politique depuis le 23 avril dernier, comme en atteste l'avis du Journal Officiel datant du même jour, dans lequel figure bel et bien l'agrément de la commission des comptes de campagne. En réalité, ce changement de statut validé à la sous-préfecture d'Argenteuil, resté jusqu'ici plutôt discret, pourrait bien engendrer quelques conséquences sur la scène politique française.

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Paul Carson-Saher

Connu pour avoir mené plusieurs campagnes chocs contre l’avortement, ou encore pour avoir participé à la Manif pour tous en 2013 (avec notamment plusieurs prières de rue en latin), l’institut Civitas se lance dès à présent dans la politique à travers l’élaboration d’un nouveau parti d’extrême-droite, visiblement déterminé à s’implanter durablement dans le paysage politique français.

Fondée dans les années 2000, l’association, proche de la fraternité sacerdotale Saint Pie X, fréquentait déjà étroitement les mouvances d’extrême-droite et rassemblait d’anciens nostalgiques de Vichy, des catholiques intégristes, des royalistes convaincus, ainsi que plusieurs sympathisants des cercles soraliens. Des personnalités comme Jacques Bompard, président de la Ligue du Sud et co-fondateur du Front National, ou encore Michel Fromentoux, militant royaliste et rédacteur en chef d’Action Française 2000, ont par ailleurs largement contribué à diffuser leur influence dans la fachosphère. En France d’abord, mais aussi en Belgique, avec l’appui significatif d’Alain Escada, ancien porte-parole du Front Nouveau de Belgique (parti dissident du FN belge dans les années 1990), aujourd’hui président du mouvement nationaliste Belgique et Chrétienté et secrétaire général de Civitas.

L’association, nouvellement parti politique donc, regroupe aujourd’hui entre 1500 et 2000 membres actifs, dont les méthodes musclées s’appuient sur une réelle volonté de se présenter comme les « vrais défenseurs de l’Église catholique face à l’Islam menaçant ». Selon Alain Escada, l’annonce de cette naissance politique se fera en grande pompe dès septembre, véritable point de départ d’un tout nouveau virage réactionnaire sur l’échiquier politique français, cherchant plus que jamais à s’enraciner dans le monde de l’entreprise et à se rapprocher de certains élus locaux.

« Rechristianniser la France »

Avec pour projet global d’initier une reconquête des valeurs chrétiennes en France, Civitas se propose de réintroduire sérieusement la question du divin dans le système politique, dans une logique de dépendance et de soumission au Créateur, tout en chassant l’infidèle qui blasphème et caricature la foi. Escada ajoute : « À la rentrée de septembre, nous allons présenter une stratégie pour tenter de mieux faire entendre une voix catholique dans le débat politique », précisant en outre que Civitas serait « une alternative entre le socialo-marxisme et le libéralisme capitaliste ». Une posture idéologique qui fera sans doute très plaisir à Christine Boutin, présidente du Parti chrétien-démocrate, qui se lamentait déjà depuis longtemps face à la déchéance de nos sociétés impies.

Rechristianiser la France, voici donc le cœur du projet sacré de Civitas, luttant par la même occasion contre le péril du progressisme et de la modernité. Pour ses représentants, l’enjeu du parti serait avant tout de « promouvoir et défendre la souveraineté et l’identité nationale et chrétienne de la France, s’inspirant de la doctrine sociale de l’Église, du droit naturel et des valeurs patriotiques, morales et civilisationnelles indispensables à la renaissance nationale ».

Une position qui révèle somme toute une nostalgie de l’Église catholique toute puissante, capable d’influencer les politiques intérieures, culturelles, éducatives, mais aussi d’étendre toute son emprise à l’internationale.

Intérêt idéologique ou... intérêt financier ?

Une telle candidature interroge. Pourquoi le groupuscule - d’inspiration théocratique - a-t-il choisi d’élargir son secteur d’influence au point d’opérer cette métamorphose en parti politique ? Pour Libération, il s’agit avant tout d’exploiter un intérêt économique, car la constitution d’un parti s’accompagne également d’un avantage financier non négligeable. En effet, une déduction fiscale de 66% sera d’ores et déjà accordée à tous les donateurs qui verseront de l’argent au mouvement intégriste. Une véritable aubaine qui tombe littéralement du ciel pour Civitas, quand on sait que Bercy lui avait autrefois retiré ce privilège, tout en lui réclamant 55 000€ en guise de remboursement.

Sur cette question, Alain Escada avait pourtant tenté de désamorcer la pique, affirmant que «  ce n’[était] pas pour l’avantage fiscal, [et qu’ils avaient] une vraie démarche politique », mais c’était sans compter la déclaration contradictoire du porte-parole François-Xavier Peron, moins adepte de la langue de bois : « La déductibilité fiscale, nous l’avions avant. On a fait une demande pour qu’elle soit rétablie. […] Nous n’avons pas forcément vocation à présenter un candidat, nous continuerons surtout à fonctionner sur le modèle d’un groupe de pression  ».

Préparation d’une nouvelle offensive réactionnaire

Dans un contexte où la pensée conservatrice, la xénophobie et l’hystérie identitaire poursuivent tranquillement leur chemin sur la scène politique française, la candidature de Civitas enfonce à son tour un peu plus le clou, à grand renfort de propos réactionnaires et de saillies homophobes. Sans complexe, Alain Escada annonce la couleur : « Que le lobby LGBT et les organisations laïcistes se rassurent. Nous n’allons pas seulement utiliser notre avantage fiscal, nous allons les ennuyer beaucoup plus que cela !  » Des propos détestables, mais qui ont au moins le mérite de mettre en lumière les propres contradictions d’Escada sur la question fiscale.

Mais qu’on se rassure, il est peu probable que Civitas réunisse les 500 signatures nécessaires pour les prochaines présidentielles. D’ailleurs, même si son inscription dans la vie politique témoigne d’une volonté de construction sur la durée, Escada tempère sur 2017 : « Notre objectif n’est pas à ce stade la présidentielle. Nous envisageons d’autres échéances, des élections législatives, municipales et européennes par la suite. Notre calendrier n’est pas à court terme, il est à long terme  ». La messe est dite.

Reste à savoir si Civitas se ralliera d’une manière ou d’une autre au FN pour les présidentielles en tant que microstructure, ou s’il se proposera d’élargir encore plus le spectre de l’extrême-droite durant les prochaines décennies. Car à la question de savoir s’il préfère participer aux élections ou soutenir des candidats, le leader de Civitas se contente de répondre de manière évasive : « les deux hypothèses sont envisageables ». Autant dire que les voix d’Escada sont aussi multiples qu’impénétrables.


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