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Plan de licenciement à La Voix du Nord : merci loi travail

Rassemblement devant le siège de La Voix du Nord, sur la Grand-Place de Lille, le 18 janvier 2017 afp.com/FRANCOIS LO PRESTI Depuis le débat du jeudi 12 janvier dans le cadre de la primaire de la gauche, une controverse agite politiques et médias quant au plan de licenciement prévu pour le journal La Voix Du Nord. Benoît Hamon a pointé la responsabilité de la Loi El Khomri grâce à laquelle ce plan a été rendu possible. Depuis, la ministre du Travail Myriam El Khomri n’a cessé de nier toute implication de la loi dans la mise en place du « plan social » qui menace aujourd’hui les employés du journal, à grand renfort de tweets et d’une lettre ouverte adressée au candidat à la primaire, dans laquelle elle écrit que « la loi travail n’introduit aucun nouveau motif de licenciement économique ». Alors que Manuel Valls, pour défendre la Loi El Khomri dans les débats de la primaire, est obligé de mettre en avant les coquilles vides que sont le Compte personnel d’activité ou la Garantie Jeune, jusqu’à quels mensonges le gouvernement est-il prêt à aller pour ne pas être éclaboussé par ce plan social ? Gherasim Bataille

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Des centaines de licenciés et des millions de profit…

Le plan de licenciement qui touche aujourd’hui La Voix du Nord, quotidien régional du nord de la France, menace 178 emplois, un quart des employés de l’entreprise, qui embauche aujourd’hui 710 personnes. Une réduction drastique pour le troisième journal régional de France après Ouest-France et Sud Ouest, aux comptes largement bénéficiaires. Le journal appartient à l’heure actuelle au groupe belge Rossel-La Voix, qui possède une centaine de sociétés et a enregistré un chiffre d’affaires de 253,9 millions d’euros en 2015, en prévoyant 256 millions pour 2016. La Voix du Nord vend 200 000 journaux par jour et en 2015 seulement, a engrangé 5,4 millions d’euros de bénéfice ! Le plan est motivé par une sauvegarde de compétitivité. Aujourd’hui, 200 personnes se sont réunies à Lille devant le siège du journal pour protester contre la suppression de ces 178 emplois.

… grâce au passage de la loi travail

Le débat est aujourd’hui de savoir si la loi travail a permis ce plan de licenciement. Ce que Myriam El Khomri s’acharne à démentir. C’est Benoît Hamon, lors du premier débat de la primaire de la gauche, qui a lancé la controverse en affirmant que le plan social prévu pour La Voix du Nord, refusé cet été par la Direction du travail, avait été accepté depuis la mise en application de la loi travail. Alors que Myriam El Khomri prétend que la Direction du travail vient à peine d’avoir vent du Plan de Sauvegarde d’Emplois (PSE) en question, il est prouvé au contraire qu’il était déjà dans les dossiers du ministère du Travail depuis juillet 2016. Un communiqué de presse de la DIRECCTE (Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi) atteste que la direction de La Voix du Nord a bien saisi la DIRECCTE cet été, pour leur soumettre un plan, alors refusé. Si El Khomri le nie c’est que ça reconnaîtrait que, depuis cet été, la législation a changé de telle sorte qu’il est désormais possible que la vague de licenciements soit autorisée. Elle affirme au contraire que la loi travail ne concerne en rien les PSE, ces hypocritement nommés « Plans de Sauvegarde D’emplois », qui aurait tout aussi bien pu advenir il y a six mois.

Or, si la loi travail ne prévoit rien quant aux PSE, contrairement aux dires de la ministre, elle facilite par son article 67 les licenciements économiques en les autorisant chez une entreprise bénéficiaire, mais aux profits en baisse depuis au moins quatre trimestres consécutifs dans les entreprises de plus de 300 employés. L’exemple de La Voix du Nord est un cas d’école : entreprise de plus de 700 employés, aux millions de bénéfices, mais pouvant justifier d’une baisse de son chiffre d’affaires depuis 2011. C’est ainsi que le directeur général délégué de La Voix du Nord, Gabriel d’Harcourt, justifie le plan à France 3 Nord-Pas-de-Calais : « Nous gagnons de l’argent actuellement. Nous sommes une entreprise rentable. Mais nous savons que si nous ne faisons rien, dans deux ans, nous en perdrons. ».

Si en juillet la direction du groupe pouvait craindre un blocage juridique de la vague de licenciements massive qu’elle veut mettre en œuvre, elle est aujourd’hui parfaitement légale et les recours des travailleurs ont très peu de chances d’aboutir. L’intersyndicale explique que l’annonce du plan social, prévue en septembre, a été consciemment retardée à janvier, après la mise en vigueur de l’article 67 de la loi travail, le 1 décembre 2016. Selon les syndicats, le report aurait été conseillé par la DIRRECTE elle-même.

Quels enjeux du débat entre El Khomri et Hamon ?

À l’heure de la primaire de la gauche, l’héritage du quinquennat Hollande, et en particulier la détestée loi travail rejetée par plus de 70 % des Français, passée au forceps grâce au 49.3, est particulièrement difficile à assumer pour les candidats du PS. Aujourd’hui l’exemple de La Voix du Nord illustre à merveille la véritable fonction de la loi. Si en effet Myriam El Khomri continue à s’évertuer de dire qu’elle ne facilite en rien les licenciements, on constate que c’est exactement ce qu’elle a permis dans le cas du journal du Nord. Il est particulièrement amusant de voir Mme El Khomri dans sa lettre publique à Benoît Hamon, à l’instar de Manuel Valls lors des débats de la primaire de la gauche, faire appel au Compte Personnel d’Activité ou à la Garantie Jeune, pour justifier de l’ensemble de la loi : bien maigres arbres pour cacher une forêt de mesures de casse sociale (inversion de la hiérarchie des normes, baisse de la rémunération des heures supplémentaires, référendum d’entreprise…). Benoît Hamon tire son épingle du jeu en persévérant dans son rôle de frondeur face à Manuel Valls et en se positionnant plus à gauche que ses adversaires. S’il affirme aujourd’hui vouloir abroger la loi travail, son programme pour le moins timoré reste de l’ordre de l’illusion d’optique.


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