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Enseignement supérieur

Sélection. À Paris 8, des centaines de jeunes mis en concurrence pour le droit d’étudier

Pendant que la plupart des étudiants font leur rentrée, des dizaines de milliers de jeunes sont sur le carreau, et plusieurs centaines cherchent encore une inscription à l’université. À Paris 8, une commission spécifique est chargée de faire un choix entre ces étudiants, en grande majorité des jeunes des quartiers populaires ou des étudiants étrangers. Il faut refuser cette mise en concurrence pour le droit d’étudier : université gratuite et ouverte aux enfants d’ouvriers et aux étudiants étrangers !

Le Poing Levé Paris 8


et Noah Rapa

12 septembre 2023

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Sélection. À Paris 8, des centaines de jeunes mis en concurrence pour le droit d'étudier

Crédits photos : Le Poing Levé Paris 8

Pendant que la plupart des étudiant·es font leur rentrée, des centaines de jeunes qui aspiraient à entrer à l’université sont sur le carreau. La semaine dernière, Emmanuel Macron a annoncé que plus de 2000 candidat·es sur Parcoursup n’avaient toujours pas d’affectation, alors que la phase complémentaire de la plateforme se terminait ce mardi. Shayna, 18 ans, tout juste diplômée du baccalauréat et venue de Vitry-sur-Seine, témoignait auprès de nous de l’angoisse que constitue le fait de ne pas avoir de certitudes sur son avenir : « J’aimerais faire des études de droit, mais aucun de mes vœux n’ont été retenus. Et l’année prochaine, si on ne fait pas d’études cette année, l’inscription à la fac sera encore plus dure. »

De plus, cette année, plusieurs centaines d’étudiant·es étranger·es ont été refusé·es par les universités françaises ou n’ont pas réussi à boucler les lourdes démarches d’inscription à temps. Ibticem, étudiante marocaine, nous rappelle les difficultés qui s’imposent aux étudiant·es étranger·es. « Pour le visa, il faut avoir une certaine somme d’argent en banque. Il faut aussi payer un test de français, et dans les autres universités de France, les frais d’inscription sont exorbitants ! » explique-t-elle, en référence à la loi « Bienvenue en France » prévoyant l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiant·es extra communautaires, c’est-à-dire non européen·nes, que l’université de Paris 8 refuse toujours d’appliquer.

Alors dans l’espoir d’obtenir une inscription au dernier moment, plusieurs centaines de jeunes font la queue depuis le 31 août devant le bureau de dérogation à Paris 8 pour y déposer leur dossier. La commission de dérogation, une instance qui a pour fonction d’inscrire les étudiants en L1 au cas par cas en dehors des procédures habituelles et qui doit se réunir à partir lundi prochain, est ensuite chargée d’examiner un à un les dossiers et de rendre une décision : acceptation ou refus. Marius, 18 ans, a fait le chemin depuis Créteil pour tenter d’obtenir une inscription en cinéma, la filière qui le passionne. Mais il n’a pas beaucoup d’espoir : « C’est profondément injuste, on se sent impuissant face à ce système qui nous empêche d’étudier ce que l’on veut. » Une désillusion et une démoralisation qu’exprime également une étudiante algérienne : « C’est mon rêve de pouvoir étudier en France. Cela fait 10 ans que j’essaye de m’inscrire en France. Trois mois après mon installation en France, la seule opportunité que j’ai, c’est la commission de dérogation, qui on le sait, repêche très peu d’étudiants. »

Et pour cause : d’après nos calculs faits à partir des dossiers auxquels nous avons eu accès, environ 80% des demandes ont été rejetées l’année dernière ! Or, les critères de sélection sont complètement opaques et des informations essentielles telles que le nombre total de dossiers sont inaccessibles pour les élu·es étudiant·es qui siègent au sein de la commission. Ces dernier·es n’ont qu’un rôle de « consultation » et la décision revient en dernière instance à l’appréciation de la direction de l’université.

La création de la commission et le refus d’appliquer la loi « Bienvenue en France » sur l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiants extra-communautaires sont un acquis de la lutte des étudiant·es de Paris 8 et du mouvement de 2018. Mais la situation actuelle, dans laquelle des centaines de jeunes, en majorité des quartiers populaires ou venus de pays pour la plupart anciennement colonisés par la France, sont mis en concurrence les un·es avec les autres avec une chance infime d’obtenir une inscription, montre l’impasse de la voie institutionnelle et rappelle le caractère de classe de l’université ; une université dans laquelle les enfants d’ouvriers, les jeunes des quartiers populaires et les étudiant·es venus de pays anciennement colonisés par la France ne sont pas les bienvenu·es. Et le gouvernement Macron a eu à cœur de nous le rappeler ces dernières années, en faisant passer les réformes Parcoursup, Mon Master et « Bienvenue en France », au mépris des conséquences parfois graves sur la vie de ces centaines de jeunes. Un étudiant réfugié d’Ukraine nous confie ainsi : « D’ici un mois, si je n’ai pas d’inscription à l’université, je risque l’expulsion de mon logement et du territoire. »

« Le droit d’étudier ne doit pas être un privilège, c’est un droit qui appartient à tout le monde », estime Marek*, lui aussi étudiant étranger. Alors que les politiques de sélection, desquelles les étudiant·es étranger·es et des quartiers populaires sont en première ligne, ne font que s’accentuer, il est plus actuel que jamais de revendiquer une université ouverte à tous·tes, sans condition de nationalité ou de diplôme, l’abrogation de toutes les réformes sélectives. Mais cette bataille doit aller de pair avec une lutte pour exiger davantage de moyens dans les universités, que ce soit pour adapter les infrastructures aux besoins des étudiant·es ou pour embaucher plus de personnel. Enfin, cette lutte ne peut être détachée d’un combat d’ensemble contre les politiques antisociales, précarisantes et racistes du gouvernement, dont les habitant·es des quartiers populaires et les immigré·es sont également en première ligne. Les politiques de sélection à l’université et l’interdiction de l’abaya dans les écoles font partie d’un seul et même projet du gouvernement, qui cherche à stigmatiser, réprimer et précariser toujours plus la jeunesse et certaines parties de la population. C’est en ce sens que Le Poing Levé cherche sur les facs à défendre le droit à étudier mais mène également un combat en dehors des universités contre l’avenir que le gouvernement veut nous imposer.

*Les prénoms ont été modifiés


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