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Militarisme

Sommet Etats-Unis et Japon : une intensification des tensions dans l’Indopacifique

Le président américain, Joe Biden, a accueilli son homologue japonais Fumio Kishida à la Maison Blanche pour discuter de l’intégration du Japon dans le pilier II de l’alliance AUKUS, de leur coopération en matière de défense et du conflit latent entre Etats-Unis et Chine.

Tommaso Luzzi

12 avril

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Sommet Etats-Unis et Japon : une intensification des tensions dans l'Indopacifique

Crédits : Wikicommons

Le président des Etats-Unis, Joe Biden, a accueilli, mercredi 10 avril, en grande pompe son homologue japonais Fumio Kishida à la Maison Blanche, en visite d’Etat. À l’ordre du jour, l’intégration du Japon dans l’alliance AUKUS, le développement de la coopération bilatérale entre les deux états, le conflit latent entre Etats-Unis et Chine… et bien sûr, un dîner d’État avec un concert de Paul Simon et de nombreux invités comme Jeff Bezos, PDG d’Amazon.

AUKUS est un accord de coopération militaire pour l’indo-pacifique entre les États-Unis, le Royaume-uni et l’Australie, signé en 2021. Cet accord se donnait, pour premier pilier, la livraison de sous-marins nucléaires à l’Australie et le partage de leurs technologies, annulant ainsi le précédent accord signé avec la France. Dans une conférence de presse conjointe avec Kishida, Biden a annoncé que le « partenariat de défense avec l’Australie et le Royaume-Uni explore la manière dont le Japon peut se joindre à nos travaux dans le cadre du deuxième pilier ». Ce deuxième pilier est axé sur le partage de technologies telles que l’hypersonique, la guerre anti-sous-marine et les cyber-armes, ainsi que l’informatique quantique et l’intelligence artificielle. L’intégration partielle du Japon dans cet accord ouvre la voie à une assimilation plus complète dans le futur. « Rien n’a été décidé » a tempéré Kishida : la proposition d’élargissement est en effet bloquée par le gouvernement Australien. Il est, cependant, probable que l’alliance s’élargisse à d’autres états, comme la Corée du sud où le Canada. Elle pourrait prendre la forme d’un « OTAN asiatique », comme la dénomme certains analystes, destiné à ceinturer la Chine.

Le sommet entre Biden et Kishida a aussi ratifié le renforcement de la présence États-unienne dans la région, grâce à extension des accords bilatéraux. Premièrement, à travers une structure de commandement commune, et le développement, avec l’Australie d’un réseau de défense anti-missiles aérien. Les Etats-Unis prévoient également de moderniser la structure de commandement de l’armée étatsunienne au Japon, qui désormais, collaborera plus étroitement avec le gouvernement japonais qui s’est engagé, de son côté, à s’acquitter de l’entretien des navires de guerre étatsuniens dans ses chantiers navals. Comme le souligne le Monde, « en cas de conflit dans le détroit de Taïwan, il est essentiel pour la marine américaine de disposer de bases de réparation dans l’archipel afin d’éviter d’avoir à traverser le Pacifique. Ce qui suppose que le Japon aura des pièces détachées stockées sur son territoire et que ses industries d’armement produiront davantage ». Ainsi, Biden a ainsi affirmé qu’il s’agissait de « l’évolution la plus importante de [leur] alliance depuis sa création ». L’approfondissement de la coopération entre le Japon et les Etats-Unis s’inscrit dans la continuité de la politique régionale des Etats-Unis.

Alors que les Philippines ont donné aux Etats-Unis quatre nouvelles bases militaires, en février 2023, le président philippin a été convié, le 11 avril, aux échanges entre le Japon et les Etats-Unis. À cette occasion le président Biden a précisé les termes du traité de Défense signé en 1951 entre Manille et Washington : alors que les Etats-Unis se montraient volontairement flous et se refusaient à préciser la nature de la réponse qu’ils apporteraient en cas d’agression contre les Philippines, le président étatsunien a indiqué que « toute attaque contre un avion, un navire ou les forces armées philippines en mer de Chine méridionale déclencherait la mise en œuvre du traité de défense mutuelle ». Cette clarification se soutient d’une coopération accrue entre Seoul et Manille qui forment, comme l’analyse Brice Pedroletti et Philippe Pons, corresponds du Monde à Bangkok et Tokyo, « les deux extrémités de l’arc de défense de Etats-Unis en Asie du Nord-Est ».

Cette coopération densifiée participe de l’aggravation des tensions entre Etats-Unis et Chine, et du renforcement militaire des Etas-unis et ses alliés dans la mer de Chine. Le point chaud de la région reste Taïwan : la Chine considère sa réunification avec l’île comme une nécessité pour sa puissance économique et maritime régionale. De son côté, l’impérialisme étatsunien perçoit la perte de Taïwan comme une menace pour son hégémonie. Depuis la présidence de Barack Obama, les États-Unis se concentrent de plus en plus sur l’Asie et considèrent la Chine comme leur principale adversaire sur la scène économique et militaire mondiale. L’intégration partielle du Japon dans le pilier II de l’accord AUKUS, après sa participation au dialogue quadrilatéral sur la sécurité - une alliance de fait avec les États-Unis, l’Australie et l’Inde -, montre la volonté des Etats-Unis d’encercler la Chine et de renforcer ses positions dans la région.

En réaction, la porte-parole du ministère des affaires étrangères de Pékin, Mao Ning, a déclaré que la Chine était « gravement préoccupée » par l’adhésion partielle du Japon à AUKUS. « Nous nous opposons à ce que les pays concernés constituent des groupes exclusifs et attisent la confrontation des blocs » a-t-elle déclaré. Le Président Kishida en dénonçant les velléités expansionnistes de la Chine, a malgré lui résumé la stratégie des Etats-Unis dans la région : « En ce qui concerne l’agression de l’Ukraine par la Russie ... L’Ukraine d’aujourd’hui pourrait être l’Asie de l’Est de demain ».


              
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