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Répression

Témoignage. « Les policiers l’ont déshabillé et humilié alors qu’il était en urgence psychiatrique »

Pour la campagne contre la répression lancée par Le Poing Levé, nous relayons le témoignage de Chloé, manifestante interpellée pendant la manifestation du 1er mai, à Lyon.

Le Poing Levé

14 juin 2023

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Témoignage. « Les policiers l'ont déshabillé et humilié alors qu'il était en urgence psychiatrique »

[Crédits photo : Dorian M.]

Ce témoignage a été recueilli dans le cadre de la campagne anti-répression menée par Le Poing Levé, le collectif de jeunesse de Révolution Permanente. Pour y participer également et témoigner, vous pouvez remplir ce formulaire.
 
Le Poing Levé : Bonjour, merci de nous accorder ton témoignage. Peux-tu commencer par te présenter ?

Je m’appelle Chloé, j’ai 31 ans, je suis tatoueuse. Je suis militante dans le sens où je suis politisée, mais je ne fais pas partie ni d’une association ni d’un collectif. Cela fait longtemps que je ne suis plus dans une vie militante active. Je ne me mobilise en manifestation que depuis cette année avec la réforme des retraites. Avant, je ne faisais que les manifestations du 8 mars et la Pride. J’ai retrouvé cette année des mobilisations qui m’ont remotivées, parce que j’ai observé une convergence des luttes. Je ne me sentais plus étrangère et aliénée à tout ce que je voyais. Enfin, on concevait les luttes féministes et queer en lien avec les autres causes, enfin les combats féministes et queer voyaient plus larges que leurs propres combats. Je suis aussi sur les réseaux sociaux Révolution Permanente ou Lyon Insurrection et d’autres comptes qui concernent les mobilisations à Lyon pour me tenir informés.
 
Le Poing Levé : Depuis quand te mobilises-tu contre la réforme des retraites ?

Je me mobilise depuis fin mars-début avril. Ce n’était pas évident au début pour moi de me mobiliser, parce que je ne suis pas concernée par la retraite, je n’en aurais pas puisque je suis auto-entrepreneuse. Donc je sais ce que c’est l’ultra-libéralisme, je le vis au quotidien. J’ai la chance d’avoir des privilèges qui font que quand je serais vieille, ça devrait aller. Ce qui m’a mobilisé contre la réforme, c’est que la seule réponse que le gouvernement nous apporte face à la crise écologique, économique et sociale c’est « allez bosser deux ans de plus ». C’est ça les réponses que nous apportent le gouvernement ? Je ne lui faisais déjà pas confiance, mais là c’est aberrant.
 
Le Poing Levé : Peux-tu nous raconter comment s’est déroulée ton arrestation et ta garde-à-vue ?

J’ai été arrêté le 1er mai au niveau de la place Bellecour, à Lyon. J’ai vu à un moment que les policiers me regardaient et se rapprochaient de moi, j’ai réussi à les éviter mais ils m’ont attrapé la deuxième fois, parce que j’étais habillée en noir et que je portais des gants. Ils m’ont soupçonné d’avoir commis des violences. Je n’étais pas menottée, mais tous les hommes racisés avec moi l’étaient. La préfète est arrivée avec un autre policier, à qui je dis « bonjour », il me regarde dans les yeux et me répond « je ne dis pas bonjour aux gens comme vous ». Je voyais qu’ils essayaient de me provoquer.

Ils nous ont envoyé au commissariat du 8ème arrondissement de Lyon et nous ont mis dans une cellule où on était une vingtaine. J’ai demandé à voir un avocat et un médecin mais je ne les ai vus que beaucoup plus tard, quand j’ai été transférée dans un autre commissariat. Il n’y avait plus de place dans les commissariats parce qu’on a été une centaine à être interpellé·es ce jour-là à Lyon. Vers 23 heures, on nous a transféré·es dans un autre commissariat en fourgon, avec un policier qui conduisait comme un fou et qui s’en vantait. C’était franchement dangereux.

Quelque chose m’a particulièrement mis en colère durant ma GAV. L’homme à côté de ma cellule était en situation d’urgence psychiatrique, il avait besoin d’être emmené à l’hôpital, mais il a subi des violences policières et n’a pas été emmené à l’hôpital. Les policiers l’ont déshabillé, l’ont insulté, humilié, je soupçonne même qu’ils l’aient frappé. L’homme se réveillait et faisait des crises, il tapait sur les murs, faisait des sortes de crises d’épilepsie, et ensuite il s’arrêtait. Et dans ces moments de pause, les policiers venaient le réveiller et l’insulter. Ils ont retiré son matelas de la cellule pour le faire dormir à même le sol. Le lendemain matin, un policier est passé devant sa cellule et a demandé aux autres policiers « pourquoi il est à poil ? ». Leur réponse a été « il a fait chier toute la nuit ». Il ne fallait pas avoir un doctorat en médecine pour se rendre compte que cet homme était dans un état psychiatrique critique, dans une énorme détresse, pas du tout conscient de ce qu’il faisait, et que personne ne s’en occupait. Ça a été assez traumatisant pour moi. Au final, je suis sortie au bout de 20 heures de garde-à-vue, sans avoir pu manger au passage, et je suis convoquée devant le procureur en septembre.
 
Le Poing Levé : Tu es retourné en manifestation depuis ? Comment te sens-tu depuis ton arrestation ?

J’ai tout de suite travaillé avec mon thérapeute sur mon arrestation, ce qui m’a aidé. Et je suis retournée en manifestation pour le carnaval populaire de Lyon, notamment parce que je ne voulais pas tomber dans la peur. Malgré tout, j’ai fait des cauchemars, je suis plus tendue quand je croise des policiers, mais je tenais absolument à retourner en manifestation. 
 
 Le Poing Levé : Après cette arrestation, est-ce que ton rapport avec la police a changé ?

C’est étrange, parce que ça fait longtemps que je suis pour le démantèlement de la police, mais jusque-là, je n’avais pas de haine envers elle, maintenant j’en ai.
 
Le Poing Levé : Tu vas continuer à te mobiliser ?

Oui, toujours. Mais je sens que j’ai une plus grande fatigue malgré tout, même si je compte bien continuer à me mobiliser. Depuis que j’ai recommencé à me reconnecter au monde militant, c’est la question de comment me mobiliser que je me pose. Je suis contente d’aller en manifestation mais je sens que ce n’est pas une fin en soi, j’ai une sensation de frustration. Il faut trouver d’autres moyens plus durs car on a bien vu que le gouvernement ne nous écoute pas.


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