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Renault, Fiat-Tofaş, Ford, Valeo, Delphi, Mako, Coşkunöz, Türk traktör. Une vague de luttes intenses

Turquie. Les ouvriers de l’automobile mettent le feu à la plaine de Bursa

Vincent Duse Renault, Fiat-Tofaş, Ford, Valeo, Delphi, Mako, Coşkunöz, Türk traktör, autant d’entreprises qui sont, aujourd’hui, synonyme de lutte en Turquie. Non seulement à Bursa, l’une des locomotives économique du pays, mais également dans d’autres villes comme Izmit, Ankara ou Eskişehir, les travailleurs du secteur auto ont entamé un mouvement historique à partir de la mi-mai. Face à eux, la Fédération Turque des Entreprises de la Métallurgie (MESS), soutenue par le gouvernement islamo-conservateur d’Erdogan et alliée à la bureaucratie syndicale de Turk Metal. Selon les entreprises, certains ont repris le travail ou ont suspendu les débrayages, comme chez Renault, alors que d’autres sont encore en grève, comme chez Ford. Une chose est sure : rien ne sera plus comme avant.

29 mai 2015

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La classe ouvrière et les classes populaires de Turquie ont fait les frais, des années durant, d’une politique néolibérale acharnée. Depuis 2013, cependant, la situation a commencé à changer, avec toute une séquence d’affrontements. Il y a d’abord eu la mobilisation de Gezi Park et la lutte de la jeunesse de la Place Taksim, ainsi qu’ailleurs dans le pays ; le drame et le mouvement des mineurs de Soma, meurtris par la mort de plus de 300 des leurs ; le mouvement de la jeunesse kurde en octobre 2014, en solidarité avec Kobanê : autant de mobilisations qui ont poussé le gouvernement dans les cordes. Aujourd’hui, ce même gouvernement fait face a un conflit d’envergure avec plus de 15.000 ouvriers qui ont débrayé, dans tour le pays, à commencer par Bursa, pour une augmentation de salaires de 60% et la reconfiguration de la durée des conventions collectives, de trois à deux ans.

Aux origines de la grève de mai

Déjà le 29 janvier, la grève appelée par Birlesik Metal-Is avait entraîné 20.000 travailleurs et concerné une quarantaine de sites, dont ceux de nombreuses entreprises multinationales allemandes, japonaises, italiennes, brésiliennes, mais aussi des groupes français Schneider et Alstom dans 22 régions du pays. Les revendication de Syndicat Birleşik Metal-İş, déjà, portaient sur les revendications salariales et les conventions collectives, la MESS n’ayant rien voulu lâcher dans un secteur où le salaire plancher est de 390 euros par mois (l’équivalent du salaire minimum) et la semaine de 45 heures. Les deux syndicats de collaboration, Turk Metal et Celik Is, avaient eux accepté la convention proposé par la MESS et au deuxième jour de grève, le gouvernement turc a choisi de mettre la grève hors-la-loi au nom de la sécurité nationale.

Mais la lutte dans le secteur de la métallurgie n’a pas pris fin pour autant. Le 8 avril, ce fut au tour des travailleurs de Bosch de rentrer en grève, réussissant à arracher 60% d’augmentation, même si la durée de la convention collective, également dans la ligne de mire des grévistes, est restée inchangée. Parallèlement, il y a un mois, plusieurs travailleurs de l’usine Renault de Bursa ont quitté le syndicat Turk Metal, signataire de la convention proposée par la MESS pour le site. Le Groupe Renault-Turquie a licencié 16 travailleurs, considérés comme des meneurs. Aussitôt, la solidarité s’est mise en place, avec des rassemblements devant le site, et un appui d’autres syndicats au niveau international. Renault a dû reculer et réintégrer les licenciés. C’était, en réalité, les prémisses de la grève de mai.

Retour de flamme chez Renault

Tout est parti de l’équipe du soir des ouvriers de l’usine Renault-Oyak, dans la nuit du 14 au 15 mai. Très vite, les autres équipes se sont jointes à ce premier débrayage, 5.000 grévistes entrant dans la danse. L’objectif ? Obtenir les mêmes revendications que pour l’accord réalisé entre le patronat et Bosch.

Malgré la volonté de la MESS de ne pas communiquer sur cet accord, la nouvelle avait pourtant vite fait le tour de toutes les usines et des sous-traitants dans la zone industrielle de Bursa, suscitant quelques vocations. A Renault, donc, les travailleurs décidèrent le 15 au matin de bloquer et d’occuper l’usine et les chaînes de montage où est fabriquée la Renault Clio, sur un site dont sortent plus de mille véhicules par jour.

Une grève qui s’étend comme une traînée de poudre

Les grévistes de Renault sont vite rejoints par 4.500 autres qui débrayent sur le site de Fiat-Tofaş, puis par un équipementier de niveau 1, Coskunoz, où des centaines d’ouvriers sont spontanément entrés en lutte, ainsi que 1.200 autres travailleurs de Mako. Avec ce premier coup d’arrêt, notamment chez les équipementiers du groupe Renault, c’est un mouvement d’ampleur inédite qui s’est lancé, avec plus de 15.000 ouvriers en grève, sur des revendications communes, notamment le fameux « nous aussi nous voulons 60 % d’augmentation comme chez Bosch et des conventions collectives de deux ans ». A Fiat-Tofaş la grève a pris fin le 25 mai, avec l’ensemble des revendications acceptées par le patronat, alors que le même jour la grève démarrait à Ford Eskişehir.

La bureaucratie du syndicat Türk-metal, qui joue contre la grève, en grande difficulté

La bureaucratie de Türk-Metal, premier syndicat du secteur avec 170.000 adhérents et très proche du pouvoir, a joué contre la grève… et perdu. Au vu des discussions, des milliers de travailleurs adhérents de la centrale, à Bursa, ont démissionné, déchirant leur carte, alors que partout où elle le pouvait la bureaucratie aidait le patronat à casser le mouvement.

Sans pour autant que Birleşik Metal İş, syndicat plus à gauche, rattaché au DISK (Conféderation des Syndicats Révolutionnaires) mais ne comptant que 20.000 adhérents n’ait été en mesure d’intervenir dans la grève, cette dernière s’est structuré autour de comités pour organiser la lutte et l’étendre aux autres usines du secteur mais également dans d’autres secteur que l’automobile. Ce début d’auto-organisation est l’un des points forts du mouvement actuel.

Répression et solidarité ouvrière

Le patronat, bien entendu, n’est pas resté l’arme au pied. Usine par usine, cependant, en fonction du niveau de conflictualité, il a pu être contraint à reculer.

C’est toute une vague de solidarité qui s’est mise en place entre ouvriers, notamment chez Delphie ou Valeo, ainsi qu’entre les familles de grévistes, appuyant les leurs.

Le 27 au matin, les ouvriers de Renault, à l’origine du mouvement, ont voté la reprise du travail. En échange, ils ont obtenu du patronat la garantie qu’aucun travailleur ne sera sanctionné pour sa participation à la greve, 1000 livres turques (soit environ 350 euros d’avance, payées en une fois, à titre exceptionnel), la direction de Renault-Bursa s’engageant à étudier les autres revendications, notamment autour de l’augmentation substantielle du salaire mensuel.

Indépendamment de cette suspension du mouvement sur le site qui a été au coeur de la grève tout au long de cette seconde partie du mois de mai, c’est bien toute une génération qui a émergé, laissant apparaître une avant-garde des plus prometteuses à partir de cette lutte de la plaine de Bursa.

27/05/15


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