Votre attitude fait à mes yeux jurisprudence, j’entends au plan moral, en tant qu’elle inscrit une rupture qu’on ne pouvait escompter plus claire dans les relations entre un président et ses (anciens) collègues, lesquels devront bien désormais se résoudre – d’abord dans votre établissement, mais l’on peut espérer que ce n’est qu’un début – à se
nommer et se penser pour ce qu’ils sont vraiment : des subordonnés, des vassaux, voire de simples soldats devant leur général d’armée, soldats auxquels nulle forme de solidarité, de loyauté, de correction autre que de façade ne relie plus leur guide suprême, comme il se doit dans toute hiérarchie bien comprise. Les gouvernés n’ont que des devoirs, quand leur gouverneur a tous les droits.

J’attendais depuis des années que le président de quelqu’une de nos universités nationales ose quelque geste fort, propre à marquer que les temps ont changé. Jusqu’ici, vos consoeurs et confrères président-e-s – lorsque telle ou tel de leurs sous-ordres renâclait à s’enthousiasmer de l’excellence de leur gouvernance éclairée par la soumission, responsable et autonome, aux diktats gouvernementaux – tergiversaient mollement, trop pusillanimes sans doute.

Enfin vous leur ouvrez la voie, avec panache et détermination, sans craindre de passer pour parjure, ou félon, ou traître à je ne sais quelles valeurs surannées, ni de vous attirer l’opprobre de la communauté dont vous fîtes naguère – un naguère devenu aussitôt jadis – partie. Vous vous placez ainsi au-dessus de la plèbe de vos sujets, inaugurant une ère nouvelle. Que, de surcroît, vous ayez semble-t-il agi au nom de votre université en faisant fi de l’aval de son conseil d’administration élève la beauté de votre geste à la hauteur auguste du paradigme. Car, je ne crains pas de le dire, monsieur le Président, et d’y compter une raison additionnelle de vous louanger, votre exploit exemplaire condense à lui tout seul le caractère des temps nouveaux. Il est, entre autres vertus, comme la traduction objective, et qui plus est pédagogique, de l’esprit qui régit les réformes en cours depuis quelques années, notamment – mais non exclusivement – dans le champ de l’enseignement, de la maternelle au supérieur ; et je ne doute pas qu’en haut lieu tôt ou tard on vous en saura gré ; de même que fut semble-t-il apprécié, en son temps, le signalement au Parquet, par votre présidentiel prédécesseur, d’un courriel dérogeant de manière patente à l’obligation implicite mais sans appel de révérer tout Supérieur en tant qu’il est un Supérieur, et à l’interdiction subséquente pour un subalterne d’émettre aucun jugement sur l’action ou les propos publics d’un Haut Gradé, qu’il soit ministériel ou local : M. Emmanuel Éthis, désormais Recteur, a certes été l’initiateur du processus ayant mené aux poursuites, mais c’est bien vous qui l’avez magistralement conduit à son accomplissement suprême, et il ne serait que justice que vous en fussiez récompensé.

Il n’est hélas guère en mon pouvoir de vous aider, autrement que par cet éloge public, à accélérer votre prometteuse carrière. Sachez combien je le déplore. Sachez aussi, cependant, que vous occupez désormais une place de premier plan dans mon panthéon personnel, au côté des grands de ce monde, et je gage que nous serons fort nombreux à vous vouer durablement une manière de culte laïque. S’il ne tenait qu’à moi, j’inventerais les Palmes, spécialement conçues à votre intention, de la Légion Républicaine d’Urgence (LRU).

La France manque en effet d’hommes de votre trempe, qui savent, lorsque la nation est mise en danger par les séditieux de tout poil, se mobiliser au pied levé pour faire rempart de leur autorité.

Croyez, monsieur le Président, en la révérence, ne dédaignant point de versifier à l’occasion ses tropes ( voir annexe 2), d’un quelconque enseignant-chercheur.

ANNEXE 1
Pour mémoire, je retranscris ci-après les courriels que vous avez fait envoyer à vos administrés que vous appelez, avec un humour qui m’enchante, « collègues »), le 18 décembre 2015 et le 8 Janvier 2016.
Je n’étais pas, et je le regrette, destinataire de ces beaux textes, qui ne prennent leur pleine saveur qu’après coup, mais la chance les a mis entre mes mains. Je les relis chaque jour, tâchantmodestement de prendre exemple sur votre art.

Le 18/12/2015, vous écriviez :
« Message du Président de l’Université d’Avignon
Chères collègues, chers collègues,
Suite au courrier de Monsieur Mezzadri en date du 27 mai 2015, qui semblait tomber sous le coup de l’outrage à personne dépositaire de l’autorité publique, le Président de l’université s’est conformé à son obligation d’en informer le procureur de la République comme l’y contraint l’article 40, al. 2, du code de procédure pénale. Le Recteur, chancelier des universités, a également été informé des faits et a rappelé
M. Mezzadri à ses obligations par courrier.
Il ne s’agit donc aucunement d’une plainte de la part du Président ou de l’établissement.
En ce qui concerne le procès, la décision de poursuivre ou non, ainsi que la qualification juridique des faits, dépend du procureur de la République. L’université n’a pas porté plainte, n’est pas victime et ne s’est pas portée partie civile. Les poursuites engagées par le procureur relèvent d’une affaire personnelle dans laquelle l’UAPV n’est pas partie, dans laquelle elle n’est ni présente, ni représentée et dans laquelle elle n’interviendra
donc pas. Il n’appartient pas à l’UAPV de commenter la décision judiciaire de poursuivre Monsieur Mezzadri. L’UAPV ne commentera pas davantage la décision de justice qui sera rendue, quelle qu’elle soit.
Souhaitons que l’UAPV soit désormais à l’abri de tels incidents.
Bien cordialement,
Philippe Ellerkamp
Président de l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse
 »

Et de réitérer le 8 janvier 2016 :
« Message de l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse
Chères collègues, chers collègues,
Le 27 mai 2015, le Président de l’université a adressé un message aux personnels afin de les informer des résultats positifs pour l’université d’Avignon du CPER, ainsi que de la visite du Premier Ministre pour la signature de ce dernier. Le soir même, Monsieur Mezzadri a adressé à la communauté universitaire un courriel intitulé « Doctissimo ».
La teneur de ce courriel a conduit le Président à se conformer à l’obligation légale d’aviser le Procureur de la République. Cette procédure ne correspond en rien à un dépôt de plainte et nous est régulièrement rappelée à chaque visite de sécurité qui précède le déplacement d’une autorité.
Dans le cadre du déplacement sur notre territoire du Premier ministre le surlendemain, en vue de la signature du CPER, le Préfet de Vaucluse et le Recteur, Chancelier des Universités de l’académie d’Aix-Marseille ont également été informés de ce courriel. Le 24 juin, le Recteur, Chancelier des Universités de l’académie d’Aix-Marseille, a adressé un courrier à M. Mezzadri lui rappelant ses obligations.
Au-delà de cette démarche légale obligatoire effectuée par le Président, celui-ci n’a engagé aucune procédure disciplinaire à l’encontre de M. Mezzadri. En outre, le Président a pris l’initiative de donner toutes les directives internes nécessaires pour que l’avis donné au Procureur ne se traduise pas par des poursuites pénales ; il a pris soin de rappeler ces directives internes le 31 juillet au moment de quitter ses fonctions.
Convoqués le 1er octobre au commissariat, les représentants de l’UAPV ont demandé qu’aucune suite pénale ne soit donnée, ce dont M. Mezzadri a été informé lors de sa rencontre avec l’administrateur provisoire.
Toutes ces démarches ont été décidées et mises en oeuvre bien avant la réception de la citation à comparaître de M. Mezzadri. Elles témoignent du souci évident de protéger la liberté d’expression relative au champ universitaire.
La citation à comparaître et la qualification des faits relèvent directement du procureur de la République. Il n’appartient donc pas à l’UAPV de commenter ni de remettre en cause ces décisions. Il appartient en revanche au Président et à chacune et chacun des collègues de veiller au respect de tous les principes républicains nous permettant de vivre ensemble au sein de notre établissement.
Soyez assurés que l’équipe présidentielle souhaite vivement que la meilleure issue soit rapidement donnée à cette affaire. Elle souhaite tout autant que soit préservée la liberté d’expression à laquelle nous tenons tous résolument, dans le cadre de la légalité républicaine et avec le souci du respect de tous.
Le Président de l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse
Philippe ELLERKAMP
 »

Je ne le croyais pas possible, mais mon admiration pour vous vient encore de franchir un cap.
Après la nouvelle de la relaxe, le 10 février, de M. Mezzadri , vous auriez affirmé devant votre conseil d’administration que l’avocat par vous dépêché au Tribunal le 27 janvier avait plaidé à charge contre la partie défenderesse en raison d’un malentendu, quand vous eussiez au contraire voulu qu’il témoignât en sa faveur. Vous savez forcément que quiconque, à dire peu, en doutera lourdement, soupçonnant plus sûrement que vous cherchez ainsi à faire oublier que la justice – je cite – « déclare irrecevable la constitution de partie civile » que vous avez tentée... mais foin du vraisemblable ! vous le dites quand même.
Cornegidouille, monsieur le Président, quel talent !

ANNEXE 2
Sonetto caudato à M. Philippe Ellerkamp

Monsieur le Président, je vous fais une lettre
que vous lirez peut-être... ou plutôt un sonnet,
c’est le moins que je puisse, à vous vouloir donner
gage qu’en vous je vois un gouverneur, un maître.
Un maître ? Allons, que dis-je ? Un titan, un prodige,
être plus que parfait, et pourtant d’avenir,
dont les mille talents feront bientôt venir
lauriers, gloire et splendeur, honneurs jusqu’au vertige.
Las ! Comme d’Avignon mes collègues j’envie,
lesquels sans le savoir – ingrats que sont les gueux –
sont sous un tel patron, qu’on voudrait à l’envi
s’arracher : sans fléchir, vous sur-veillez sur eux
intraitable, et jamais tant d’ardeur on ne vit
dans l’art de mener paître un troupeau de laineux.
Quatorze vers c’est trop peu.
Car la hauteur de vos vues vous vaut de trôner
à la cime hors d’atteinte où Zeus aime à prôner