À Agen (Lot-et-Garonne) trois jeunes femmes ont été agressées verbalement dans une boîte de nuit samedi soir, puis tabassées par plusieurs personnes à la sortie, du fait de leurs origines maghrébines pour deux d’entre elles et la troisième pour avoir « osé » les accompagner. « Ça a commencé dans la boîte de nuit par des insultes du style : “Rentre chez toi l’Arabe”. Puis ça a continué dehors au fumoir. Les videurs nous ont mis dehors avec nos agresseurs et là, il y a eu les coups […] Ils chantaient la Marseillaise en faisant le salut nazi. » Elles ont porté plainte après s’être vu prescrire chacune cinq jours d’ITT. Elles comptent également envoyer une lettre au préfet, au maire et au procureur pour dénoncer les actes racistes et sexistes dont elles ont été victimes. Car il s’agit bien d’une agression qui traduit la double oppression que subissent les femmes maghrébines ou assimilées : le racisme ambiant et le sexisme engendré par une société éminemment patriarcale.

Cet événement a été classé dans la rubrique « fait divers » et traité comme tel par tous les médias qui en ont fait un article. Ce traitement médiatique, même s’il est loin d’être inhabituel, a tendance à invisibiliser ce genre d’agression et à en faire des cas isolés alors qu’il s’agit d’un véritable marqueur de l’intensification de la stigmatisation des personnes d’origines maghrébines ou assimilées, et de la déferlante islamophobe qui a cours actuellement.

En plus des coups et insultes qu’elles ont reçus, Fouzia et Ouarda se voient dans l’obligation d’attester leur adhésion aux « valeurs françaises ». C’est ainsi qu’on peut lire dans la plupart des articles que ces deux jeunes femmes ont dit à leurs agresseurs qu’elles étaient « aussi françaises [qu’eux] », affirmations réitérées par les journalistes de La Dépêche qui tiennent à préciser qu’elles sont françaises depuis deux générations. Comme si une agression raciste était plus facilement justifiable lorsqu’elle était commise à l’encontre de personnes qui n’ont pas la nationalité française.

La Dépêche va beaucoup plus loin dans l’ignominie lorsque les journalistes décrivent Fouzia et Ouarda comme «  deux jeunes femmes belles et libres, comme peuvent l’être toutes les jeunes femmes françaises, ce que le monde nous envie  ». Outre le présupposé violemment sexiste qui voudrait qu’une « belle » femme, au sens du dictat de la « beauté » imposée par la société, ait moins de risque de se faire agresser qu’une autre, cette phrase tend à établir une distinction basée sur un jugement de valeur entre les femmes françaises et les autres. De plus, la fin de la phrase (« ce que le monde nous envie  ») va dans le même sens que les déclarations de ceux — le gouvernement, la droite et l’extrême droite — qui voudraient nous faire croire que si des attentats ont été commis à Paris, ce ne serait pas la politique du gouvernement qui serait en cause mais « notre mode de vie français », toujours dans la théorie du choc des civilisations, « parce que nous sommes bons vivants et que les Françaises sont des bombes sexuelles ». Mais les bombes françaises sont bien réelles pourtant, et sèment chaque jour sur leurs passages des morts, le chaos et la misère.