Hier encore, c’était opération « università morta » à l’Université Pascal Paoli de Corte. Après l’accalmie de jeudi, les trois syndicats étudiants nationalistes appelaient à nouveau à la paralysie des cours et des bâtiments en raison de la condamnation à dix mois de prison, dont cinq fermes avec mandat de dépôt, du jeune Rémi di Caro, interpellé mardi et incarcéré après son procès expéditif à la prison de Borgo. « À la bavure policière succède la bavure judiciaire », pouvait-on lire dans leur communiqué.

Ironie du calendrier, le jour même de son incarcération coïncidait avec un débat organisé à Ajaccio par Sulidarità, avec le soutien des membres de la majorité territoriale, sur le sort des prisonniers politiques corses, dont Rémi fera désormais partie, à sa façon.

Pour la journée de vendredi, le Rectorat avait aussi décidé la fermeture administrative du Lycée professionnel et du Lycée technique de Bastia, où les blocages s’étaient multipliés ces derniers jours, accompagnés, jeudi également, d’échauffourées .

Pour aujourd’hui (samedi), une nouvelle manifestation est organisée à Bastia, à 14h30. Le principal club de supporter du FC, Bastia 1905, réclame la clarté dans l’enquête sur les blessures infligées à Maxime Beux, la levée des poursuites contre les supporteurs du club interpellés à Reims et qui devraient passer en procès le 22 mars, la démission du procureur de Reims ainsi que de Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur.

Sur le second territoire le plus pauvre après le Nord, où le niveau de chômage dépasse de loin la moyenne nationale et qui compte le plus fort niveau d’inégalité, le niveau de légitime colère est au plus haut. Alors que les dirigeants et les notables nationalistes, qui sont aujourd’hui aux commandes de l’île, appellent à la retenue, on ne peut qu’exprimer toute notre solidarité à l’égard d’une manifestation contre les violences policières et pour la démission d’un Cazeneuve qui porte déjà sur la conscience la responsabilité de trop nombreux crimes policiers et de plusieurs meurtres, à commencer par celui de Rémi Fraisse.

Alors bien sûr, le scénario est couru d’avance, et bien rôdé. Aux débordements probables de samedi-après-midi qui, le cas échéant, seront filmés et retransmis en boucle, les médias vont crier au vandalisme. La « gauche » de gouvernement, bien pensante pour une fois, fera le lien entre la mobilisation actuelle et les manifestations racistes d’Ajaccio de cet hiver, à la seule différence qu’il s’agissait alors de mouvements en soutien aux forces de l’ordre.

La jeunesse de Corse a toutes les raisons de se révolter. Elle devrait également avoir toutes les raisons de se méfier de ceux qui, après avoir bradé leur combat pour le droit élémentaire à l’autodétermination, en échange de quelques strapontins institutionnels, veulent instrumentaliser sa révolte à des fins politiciennes. Cette bataille-là ne fait que commencer, et elle est inséparable du combat pour que justice soit faite pour Maxime Beux et pour la relaxe des huit ultras et de la libération immédiate de Rémi Di Caro. Elle est également inséparable de la bagarre à mener, avec l’ensemble des forces du mouvement social et du monde du travail, en Haute-Corse et au-delà bien entendu, contre ce gouvernement, son état d’urgence qui augmente le sentiment d’impunité des forces de police, qui criminalise le mouvement social et transforme la justice d’exception en règle.