Le tram s’arrête à nouveau. Et à nouveau la mélodie. Quelqu’un hurle en direction du musicien improvisé. Ils discutent fort dans une langue que je n’arrive malheureusement pas à distinguer. Ils sont, sans aucun doute, de quelque part dans la région Inde-Pakistan-Bangladesh-Sri Lanka. Le ton monte. Trop. Je ne comprends que « Pakistan » au milieu de cet échange. L’un s’énerve. Menace de frappe. Il descend. Le chanteur reste dans le tram et dit quelque chose. Non moins énervé. L’autre revient et essaye de le frapper, cette fois pour de bon. Il lance un coup de poing et rate la cible. Mais il ne rate pas la machine pour valider son ticket. Ça doit faire mal. Il lance un coup de pied cette fois. Il touche à peine le chanteur qui s’énerve mais ne répond pas.

Dans le tram, les gens regardent. Certains demandent d’arrêter la bagarre. D’autres disent au chanteur de répondre. La situation se calme à peine. Une femme, âgée de plus de 60 ans, aussi pauvre que les autres passagers, maghrébine, voile sur la tête, s’indigne : « c’est les Roumains [les rroms] ! Ils volent, ils frappent. Qu’est-ce que vous voulez, on leur a laissé la porte ouverte ».

Je n’ai aucune idée de l’origine de ces deux personnes, ni de la raison pour laquelle elles se sont disputées. Mais je sais au moins une chose : elles n’étaient pas Rroms. Je sais peut-être une autre chose : la propagande raciste, le racisme d’État, pénètre profondément dans la population. Même parmi les plus pauvres. Même parmi certaines victimes directes de ce racisme ambiant. L’heure est grave.