Mercredi 28 février, au tribunal administratif de Toulouse, une audience doit décider de l’expulsion, ordonnée par le maire Jean-Luc Moudenc, de 200 mineurs isolés qui occupent un gymnase scolaire du centre-ville, depuis leur expulsion de l’université Paul Sabatier quelques jours plus tôt. M., un mineur isolé d’origine malienne, assiste à l’audience qui laisse peu de doutes quant à l’autorisation d’expulsion par le juge.

A la sortie du tribunal, des mineurs isolés menacés d’expulsion et leurs soutiens attendent le verdict sur le parvis. Une voiture de police et quatre policiers sont présents de l’autre côté de la route. Un militant d’AutonoMIE, le collectif des mineurs isolés et leurs soutiens, décrit M. « stressé par la présence de la police » et « choqué depuis le non-lieu de son recours en minorité et l’expulsion de l’université ». M., tout en restant de l’autre côté de la route, échange des paroles avec les policiers qui sortent de leur véhicule. Puis M. tombe en pleurs, s’énerve et jette son téléphone qui atterrit sur la portière de la voiture de police. Il est immédiatement arrêté et embarqué.

Le soir-même, M. écope d’une OQTF (Obligation de quitter le territoire français) et est placé en CRA. Mardi 5 février, le tribunal administratif s’est prononcé pour son maintien en CRA. Le juge s’est appuyé sur un rapport de la Police aux frontières (PAF) qui émet un avis défavorable sur la validité des documents M., et sur le non-lieu de son recours en minorité. Pourtant, M. a fait appel de ce non-lieu et sa reconnaissance de minorité est encore possible. M. passera minimum 28 jours en CRA dans des conditions déplorables et risque l’expulsion du territoire français. En plus de M, selon Mediapart ce sont cinq autres jeunes qui sont aussi placés en rétention administrative. Une répression et une criminalisation qui s’inscrivent dans la continuité de celles que vivent ces jeunes depuis maintenant plusieurs mois de la part de l’Etat français.

Lors d’un rassemblement contre les expulsions qui a réuni plus de 300 personnes et démontré un début de résistance face à la politique d’expulsions menée par le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc, vendredi 1er mars, une militante de Toulouse Anti Cra (TAC) rappelait le rôle central des CRA dans la répression des immigrés. Un rôle prenant encore plus d’importance depuis la promulgation de la loi Immigration.

En effet, la loi prévoit la construction de 10 nouveaux CRA sur le territoire, s’ajoutant aux 28 existants. Elle prévoit aussi de réduire le délai entre deux placements en CRA de 7 à 2 jours, d’augmenter la durée de validité d’une OQTF de 1 à 3 ans, de limiter les possibilités de défense contre les OQTF, ou encore de faciliter les expulsions en cas de "menace à l’ordre public”.

Toutes ces mesures, qui s’ajoutent à l’allongement de la durée maximale de rétention en CRA de 45 à 90 jours votée en 2018, auront pour conséquence de faciliter la répression des étrangers et d’aggraver le “continuum de l’enfermement” (allers-retours entre la prison et le CRA), dénoncé par de nombreuses associations.

Comme l’expliquait la militante de TAC, « les CRA sont des prisons pour les personnes qui n’ont pas les bons papiers, où elles subissent des humiliations racistes et des violences de la part de la Police aux frontières (PAF) ». En effet, les CRA sont de zones où tout est permis et servent à enfermer et discipliner les étrangers, avant de les expulser du territoire.

Les prisonniers y subissent des violences policières à l’image de ce policier qui a récemment été condamné pour avoir enfoncé ses pouces dans les yeux d’un prisonnier au CRA de Toulouse, en novembre 2022->https://www.streetpress.com/sujet/1706176119-policier-condamne-enfonce-yeux-etranger-centre-retention-violences-policieres]. A cela s’ajoute des conditions de vies très dures comme la politique de la “camisole chimique” (insertion de psychotropes dans la nourriture) ou la privation de nourriture.

Les expulsions comme celle qu’ont vécu les jeunes de Paul Sabatier, ne cessent d’augmenter à Toulouse comme partout en France à l’image des 400 mineurs isolés expulsés des quais de Seine à Paris. Une violence d’Etat qui ne va que s’accentuer avec la fin de la trêve hivernale le 31 mars. Alors que le rassemblement du 1er mars a montré un début de mobilisation unitaire contre les expulsions, il faut s’appuyer sur cette dynamique pour exiger la libération de M., la fin des expulsions et revendiquer un plan de relogement pérenne immédiat, la suppression de toutes les lois racistes et la régularisation de tous les sans-papiers.