G.Gorritxo

Cette semaine, c’est sous l’averse que les spartiates ont fêté leur victoire. Les spartiates, ce sont les 300 travailleurs en lutte depuis plus de 20 mois, contre leur patron, Coca-Cola. Les sourires, les chants et slogans célèbrent la réintégration de 85 travailleurs à l’usine de Fuenlabrada. C’est un précédent dans la lutte contre les PSE massifs dans l’Etat Espagnol, et ils ne comptent pas en rester là. « La lutte continue, il en reste encore 135 à réintégrer » explique un travailleur près du piquet de grève, baptisé « Campement de la Dignité ». D’autant que Coca-Cola Iberian Partners a transformé l’usine de production en un Centre d’Opérations Industrielles et Logistiques (COIL), plus proche en fait du centre de distribution, avec des postes d’électricien, de maintenance… qui n’existent pour l’instant que sur le papier. Les travailleurs, en plus de la réintégration de tous, se battent pour retrouver leur poste d’origine, comme l’a acté d’ailleurs la sentence du Tribunal Suprême, qui en juin 2014 avait annulé le plan de Coca-Cola consistant en la fermeture de 4 usines et 1100 licenciements. Faire appliquer cela à Coca, c’est une autre histoire.

Retour sur une lutte exemplaire

Quand le mouvement ouvrier est en recul, des luttes comme celles de Panrico (8 mois de grève), Coca-Cola ou Movistar redonne du courage. « 0 licenciement, 0 baisse de salaire », c’était le slogan phare des travailleurs de Panrico, près de Barcelone. De même, plutôt que de viser des indemnités les plus hautes possibles, les travailleurs madrilènes de Coca ont compris que « les postes de travail ne doivent pas se vendre, mais se défendre ! ». Les deux luttes n’ont d’ailleurs pas tardé à converger, bien que distante de plusieurs centaines de kilomètres. Dès le début de la lutte des spartiates, les grévistes de Panrico ont apporté leur soutien par un tract, diffusé sur leur piquet. Peu après, les grévistes chantaient ensemble « Panrico y Coca-Cola, la lucha es una sola ! ». En s’affrontant à la fois au patronat, à l’Etat et à la bureaucratie syndicale des Commissions Ouvrières (CCOO) et de l’Union Générale des Travailleurs (UGT), c’est en véritables « écoles de lutte » que se sont converties ces deux grèves.

Même si la lutte n’est pas terminée, les travailleurs en ont déjà tiré de nombreuses leçons. La recherche constante de la convergence des luttes, que nous venons d’évoquer, s’est aussi traduit par le soutien de milliers de personnes à la campagne de boycott de Coca en soutien à la grève. Du rôle traître joué par les bureaucraties syndicales, les travailleurs en ont déduit l’auto-organisation. De même pour l’Etat et ses institutions, même pilotées par la « gauche radicale », qui ont montré une fois de plus que si elles sont dessinées par la classe dominante, c’est évidemment dans ses propres intérêts. Les « podemistes de gauche » de Saragosse, la liste « Zaragoza en Común », ont bien spécifié que leur motion de soutien aux grévistes de Coca-Cola ne se traduirait par aucune rupture de contrat ni parrainage avec la grande marque. Une fois de plus, la stratégie du soi-disant « un pied dans les institutions, 1000 dans les luttes » se casse les dents face aux institutions avec lesquelles elle ne veut pas rompre.

S’il doit y avoir une reprise de confiance, et de conscience, du mouvement ouvrier espagnol, ce sont des luttes comme Panrico, Coca-Cola, Movistar, ou plus tôt les mineurs d’Asturies qui peuvent en être le point de départ. Pour reprendre un slogan des indignés de la Puerta del Sol accueillant 10.000 mineurs asturiens en grève, « Eux oui, ils nous représentent ! ».