Dans la télé lobotomisée en mode 2.0 par les Hanouna et consorts, Cyrille Eldin, bouffon au sens presque classique du terme, détonne. Il agace toujours, mais surtout les politiques dont il donne à voir toute la vacuité, alors souvent c’est plutôt comique. Daniel Schneidermann, pourtant jamais tendre avec les trublions en fait « un croque-mort pervers et impeccable du hollandisme, et de la politique en général ». On lit çà et là dans la presse qu’il serait le dernier à incarner l’« esprit Canal ». À voir la mine déprimante de la chaine depuis qu’elle a été reprise d’une main de fer par Bolloré, on cherche en vain ce fameux esprit de dérision osé et décalé, dont les Nuls avaient été les précurseurs. Yann Barthès, en premier de la classe un rien polisson, ne fait pas vraiment rire. Il se prend trop au sérieux. Les Guignols nouvelle mouture sont assez has been, ils n’ont jamais vraiment survécu à la fin de la Chiraquie. Groland persiste, en mode Papy fait de la résistance, mais on ne les regarde plus. Le style beauf, ça lasse.

Il n’y a guère que le Zapping qui se montre encore un tant soit peu séditieux, comme lorsque le 8 avril, la petite équipe a consacré un épisode entier au grand patron. Peu lui en chaut, l’entrepreneur colonial menace aujourd’hui de laisser tomber purement et simplement les programmes en clair, jugés pas assez rentables dans un groupe dont les bénéfices se chiffrent en centaines de millions.

Cyrille Eldin, sangsue lettrée des puissants reste pourtant trop prudent. Et quand il fait dans la flagornerie hors scène comme dans cette interview pour VSD, on rigole moins : « On lui fait des procès d’intention un peu imbéciles. Sur la droite, sur Sarko. Je crois qu’il s’en fout. Lui, il gère une boîte, il est milliardaire, il en a rien à foutre de qui est président de la République ou pas, il est dans son délire. Je pense que Bolloré, c’est l’occasion d’amener quelque chose de neuf. »

On se marrait bien tout de même quand il raillait la politicaille. Quand il se rend le soir Place de la République, c’est assez piteux. Nuit Debout a certes des travers qui confinent parfois au ridicule. Son petit montage essaye penaudement de tourner en dérision un mouvement qui n’en a pas besoin : il interroge des types bourrés, coupe le moindre propos un peu censé. La ficelle est trop grosse, il se répète et patauge, on ne rit plus.

L’industrie du divertissement fait somme toute peu rire, ça n’a d’ailleurs sans doute jamais été réellement sa fonction.

Heureusement, l’actualité laisse toujours sa place à l’impromptu et le « gnagnagna » de l’immortel Finkie est hilarant, au moins proportionnellement à l’étendue de sa cuistrerie… Le rire n’est pas mort, rira bien qui rira le dernier.