La chaîne CNN a transmis mardi soir le premier débat démocrate, tenu à l’hôtel Wynn à Las Vegas et modéré par le journaliste Anderson Cooper. Dès le début, Hillary Clinton, la favorite des sondages, a dominé la discussion et réussi à se maintenir en position favorable. Le sénateur du Vermont Bernie Sanders a lancé des diatribes contre Wall Street et le pouvoir des entreprises multinationales mais n’a pas affronté Hillary Clinton en ce qui concerne la politique étrangère ou le financement multimillionnaire de la campagne de l’ancienne secrétaire d’État.

Au contraire, comme de nombreux médias l’ont fait remarquer, la cordialité et l’échange amical ont régné entre les candidats, y compris aux moments les plus « tendus » de la soirée, lorsque Sanders a fait référence au scandale des messages électroniques de Clinton pendant qu’elle était au premier plan de la diplomatie états-unienne. Le tableau était complété avec trois autres candidats : l’ancien gouverneur du Rhode Island Lincoln Chafee, l’ancien sénateur Jim Webb et l’ancien gouverneur de Maryland Martin O’Malley.

Des dynasties peu enthousiasmantes


Pourtant, Clinton n’a pas réussi à inverser la courbe de sa campagne dont la candidature suscite jusque-là très peu d’enthousiasme. Dans le dernier numéro d’Ideas de Izquierda, on signale que « le signe le plus concret d’un potentiel problème est qu’aucune des deux candidatures de l’establishment ne bénéficie du soutien majoritaire de la base. Hillary Clinton n’arrive pas à inverser l’apathie démocrate et Jeb Bush n’attire pas la base républicaine. »

À la différence de Jeb Bush, frère de l’ancien président G. W. Bush, Clinton est la candidate la plus forte du Parti démocrate, suivie par le Sénateur du Vermont, Bernie Sanders qui, au contraire, organise des meetings importants dans diverses villes et rencontre dans les mouvements sociaux, la jeunesse et le progressisme une base pour sa candidature. Il reste à savoir si l’actuel vice-président Joe Biden rejoindra la course à la Maison-Blanche, devenant un concurrent direct de Hillary Clinton.

Tout comme Donald Trump dans le camp républicain, Sanders est l’« outsider » favori qui tranche avec l’élite qui gouverne le pays et, qu’elle soit de couleur démocrate ou républicaine, rend d’énormes services aux riches, aux banques et aux grandes entreprises. Que le gouvernement de Barack Obama, un démocrate, soit le dernier de cette longue série ne facilite pas la candidature de Clinton qui est perçue par beaucoup, avec raison, comme une membre de cette même élite.

Cependant, ni Trump ni Sanders ne représentent pour l’instant un défi sérieux pour le bipartisme. De fait, le sénateur du Vermont a déjà annoncé que s’il perd la primaire, il appuiera la candidature de Clinton comme il a soutenu Obama dans les deux dernières présidentielles. Pour cette raison, sa candidature ne fonctionne en dernière analyse que comme une bouffée d’oxygène pour un bipartisme en branle.

Clinton n’est pas de gauche, mais Sanders ?


Beaucoup d’encre a coulé sur le profil populiste et la course à gauche de la campagne de Clinton. Mais beaucoup de secteurs qui s’attendaient à ce que Sanders pousse le débat plus à gauche lors des primaires étaient déçus du débat de Las Vegas.

Clinton a sans doute changé plusieurs de ses positions et tenté d’apparaître comme la candidate des familles ouvrières, faisant appel à la base historique du parti, et des femmes (par exemple en défendant le programme Planned Parenthood qui est aujourd’hui attaqué par les Républicains). Ceci était peut-être le message le plus direct adressé par Clinton au secteur progressiste de la base démocrate : « Sé que puede haber licencia por maternidad paga, porque vamos a hacer que los acaudalados la cubran ». Mais ce changement avait déjà été remarqué avant même que la candidature éventuelle d’Elizabeth Warren, avec un profil radical et critique, préoccupât l’establishment démocrate.

Le moment le plus délicat pour Clinton était la discussion sur la guerre en Irak, mais ce n’était pas Sanders qui l’a le plus mise en difficulté (il a lui-même des explications à donner concernant son implication dans la soi-disant « guerre contre le terrorisme »). C’était l’ancien gouverneur Chafee, qui en tant que sénateur républicain à l’époque avait voté contre la guerre, qui a exigé des explications de Clinton à ce sujet.

Même s’il s’agit du premier débat de la primaire et qu’une variable importante comme la candidature de Joe Biden reste à fixer, mardi soir ne nous a réservé aucune surprise ni aucun changement dramatique des coordonnées actuelles. Et bien qu’une enquête Facebook donne Bernie Sanders gagnant, tous les médias et firmes de consultation confirment que Clinton maintient son avance. De fait, Hillary et l’establishment démocrate ont salué la présentation de Sanders parce qu’« en ne se présentant pas comme indépendant, il permet au Parti démocrate de tenter de récupérer la marque qu’il a perdue, d’une part par les promesses non tenues du président Barack Obama, et d’autre part par son incapacité à maintenir sa direction hégémonique au sein des mouvements sociaux » (Ideas de Izquierda 24, octobre 2015).

Si Sanders suscite beaucoup de sympathie avec son discours contre l’inégalité sociale et les banques, et même s’il a attaqué le racisme institutionnel, il a permis à Clinton de se présenter comme une candidate pragmatique avec quelques gestes progressistes et la plus à même de représenter le parti en 2016.

Traduction par Ivan Matewan.