L’armée israélienne cible depuis plusieurs semaines de très nombreuses infrastructures civiles de Gaza, notamment des habitations, des écoles, des hôpitaux, ou encore des camps de réfugiés, prétextant que des « caches » du Hamas s’y trouveraient.

Une doctrine de guerre totale et de terreur

Selon plusieurs observateurs, la « doctrine Dahiya » serait actuellement mise en œuvre à Gaza et à l’origine de ces frappes. Mediapart la définit ainsi dans un article : « Formulée au moment de la guerre du Liban de 2006, cette doctrine repose sur des principes simples, sinon simplistes : le caractère disproportionné, dévastateur, des frappes, y compris sur les structures et infrastructures civiles, et le refus explicite de distinguer les cibles militaires des cibles civiles ». Cette doctrine tire en effet son nom d’un quartier de la banlieue sud de Beyrouth, qui avait été complètement rasé en 2006 par l’aviation israélienne dirigée par Gadi Eizenkot, actuellement ministre dans le gouvernement israélien.

L’homme, qui était alors général, déclarait en 2008 que « Ce qui est arrivé à Dahiya arrivera à toutes les localités qui serviront de bases à des tirs contre Israël. Nous ferons un usage de la force disproportionné contre ces zones et y causerons de grands dommages et destructions. Ce n’est pas une recommandation, c’est un plan, et il a déjà été approuvé. » D’après le colonel Gabriel Siboni, sous ses ordres à l’époque, « face à un déclenchement d’hostilités, l’armée doit agir immédiatement, de manière décisive, avec une force disproportionnée, par rapport aux actions de l’ennemi et à la menace qu’il constitue », car selon lui « une telle réplique a pour but d’infliger des dégâts et des pertes considérables, de porter la punition à un niveau tel qu’il exigera un processus de reconstruction long et coûteux. »

Une doctrine devenue centrale dans les opérations de répression et de « pacification » coloniale menées par Israël

Cette doctrine a depuis été appliquée par Israël à de nombreuses reprises, comme le dénonce le chercheur Fuad Gehad Marei « la doctrine Dahiya a guidé les opérations de l’armée israélienne à Gaza en 2008, 2012 et 2014. Au cours de chacune de ces guerres, les organisations de défense des droits humains et les organisations de la communauté internationale ont critiqué Israël pour son usage disproportionné de la force et l’étendue des dommages infligés. Il est clair que l’intention explicite d’infliger d’immenses destructions et de ne pas distinguer les cibles militaires et civiles constitue une violation des lois et conventions internationales ».

Le massacre de non-combattants et la destruction systématique d’infrastructures civiles en cours à Gaza semble donc s’inscrire dans la continuité de cette doctrine : massacrer un maximum de civils et raser un maximum d’infrastructures constituent l’objectif militaire en tant que tel de l’armée israélienne. Il s’agit de rendre les actes de révolte si douloureux pour la population qu’elle n’osera plus en tenter avant longtemps, c’est-à-dire comme le note Mediapart de « [montrer aux Palestiniens] qui est le plus fort pour qu’ils comprennent qu’il est inutile de résister ».

En arrière-plan, l’objectif est aussi psychologique. Il s’agit d’infliger un traumatisme à toute une population, dans l’objectif non pas de la pacifier définitivement (au contraire le gouvernement israélien sait pertinemment que ce genre d’opération est de nature à renforcer à long terme l’influence notamment du Hamas), mais de gagner du temps avant un prochain affrontement jugé inévitable.En effet, Mediapart rappelle également que cette doctrine est « fondée sur l’idée que la guerre se déroule en phases, cette doctrine n’a pas vocation à être décisive quant à l’issue du conflit mais seulement à retarder et à tenter de dissuader le déclenchement, inévitable, de la phase suivante ».

La nature de la guerre que mène Israël est au final parfaitement évidente pour ceux qui la font et pour ceux qui la subissent. Cependant, elle ne l’est pas forcément en dehors du Proche-Orient : de nombreux militants pro-israéliens en occident et dans le monde entier multiplient ainsi les tentatives de justifier le massacre en cours en reprenant à leur compte tous les mensonges les plus grossiers des agents de la diplomatie israélienne. La réalité de la doctrine Dahiya actuellement à l’œuvre à Gaza, est de nature à rappeler l’évidence face aux éditorialistes et aux politiciens qui continuent d’affirmer que les civils palestiniens tués par Tsahal n’en sont que des victimes collatérales : à Gaza, l’armée israélienne mène bien une lutte coloniale.