Que ce soit une charge en règle contre le gouvernement, il ne fait aucun doute. Que ce soit une offensive déclarée contre François Hollande, certains hésitent. Dans sa tribune publiée dans Le Monde, Aubry n’épargne pas Manuel Valls, mais n’étrille pas complètement Hollande. Mais même s’il s’agit d’un appel implicite à l’Elysée pour qu’un changement de Premier ministre soit opéré, le coup est rude.

Jamais dans l’histoire de la Vème République on n’aura vu l’ancienne secrétaire du parti au pouvoir attaquer avec autant de violence son propre gouvernement. Non pas que Martine Aubry soit devenue une véritable bolchévique, mais dans le cadre du pacte de négociation capital-travail qui a toujours été sa pierre de touche, il lui semble que le projet de loi El Khomri est des plus dangereux. En brisant les coordonnées politiques traditionnelles, en faisant aussi ouvertement le jeu du Medef, Aubry et les siens craignent que ce soit la gauche de gouvernement dans sa version post-mitterrandienne et jospiniste qui soit définitivement rayée de la carte avec cette réforme que « même la droite n’a jamais envisagé de faire voter ». Et ils en savent quelque chose, eux qui ont « perdu le Nord » au profit de Xavier Bertrand, après avoir perdu leur fédération au profit de Patrick Kanner, un affidé de Valls.

Mais ce qui rassure Valls, c’est que Martine Aubry se caractérise surtout par son inconstance. Ce n’est pas la première fois qu’elle pointe les reculades du gouvernement (Pacte de responsabilité, macronnades, etc.), mais toujours elle a été fidèle, en dernière instance, au parti et à Hollande. Et le plus souvent, après l’effet gueulante, elle se rendort. Mais peut importe Aubry, car elle n’est qu’un symptôme.

Ce que cette tribune révèle, ce n’est pas seulement que la loi El Khomri, en l’état, ne passerait ni auprès de la base socialiste (ou ce qu’il en reste), ni auprès des Premiers fédéraux du PS, ni même vis-à-vis des membres du Conseil Politique de la rue de Solferino. La tribune, en tant que telle, cosignée par plusieurs partisans de la primaire à gauche et autres frondeurs, indique surtout que « l’après-Hollande », virtuellement, a commencé. A sa gauche comme à sa droite, c’est à une grande fébrilité qu’il faut s’attendre, dans les semaines à venir. Et par en bas, le mouvement ouvrier et la jeunesse pourraient en tirer un sérieux parti, s’ils rentraient en mouvement. C’est aussi pour cela qu’il faudra imposer la mobilisation, dans une échéance rapprochée, à nos organisations.