Ce lundi, le tribunal administratif de Paris a validé l’expulsion de l’imam de Bagnols-sur-Cèze, Mahjoub Mahjoubi, ordonnée par Gérald Darmanin, et a rejeté son recours déposé après sa brutale arrestation et son expulsion vers la Tunisie les 22 et 23 février derniers.

Estimant que les « propos tenus par l’intéressé sont soit de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État, soit constituent des actes de provocation explicite à la haine ou à la violence », le tribunal administratif a repris à son compte la version de l’extrême droite et du gouvernement. Ces derniers, en se basant sur des extraits tronqués et déformés d’un prêche eschatologique – évoquant la disparition à la fin des temps des nationalismes qui divisent les musulmans – ont fait passer les propos de l’imam pour un appel à la haine anti-Français, justifiant ainsi une campagne islamophobe violente.

La juge, pour motiver sa décision, a également estimé que la famille de l’imam était en capacité de se « refaire » en Tunisie : « la femme de M.Mahjoudi étant Tunisienne, sans emploi lucratif, aucun de ses enfants mineurs n’a la nationalité française et l’état de santé de l’un de ses enfants ne nécessite qu’une surveillance deux fois par an ». Le tribunal administratif ratifie donc une expulsion sommaire, sans passage devant un juge et sur la base d’une simple décision ministérielle, permise par un arsenal législatif toujours plus fourni et violent à l’encontre des immigrés, renforcé par la loi immigration de 2024.

« Le traitement réservé à M. Mahjoubi est particulièrement violent. Cette procédure est le résultat de certaines dispositions de la loi Immigration, qui permet notamment des perquisitions administratives pour prendre le passeport de l’étranger directement à son domicile et l’augmentation légale du délai de deux à quatre jours avant le passage devant un juge. Le gouvernement a profité de ces mesures et de la facilité avec laquelle la Tunisie, son pays d’origine, délivre des laisser passer consulaires pour l’expulser le plus rapidement possible avec un contrôle a posteriori par les tribunaux. On assiste en l’occurrence à une expulsion « éclair » permise par la loi Darmanin et toutes les lois antérieures qui sont venues faciliter toujours plus la rétention et l’expulsion des étrangers », dénonce Prisca Ancion, avocate au barreau de Seine-Saint-Denis.

Quoi qu’on pense des positions de l’imam, son expulsion et la campagne réactionnaire de ces dernières semaines doivent être largement dénoncées. Plus largement, le « cas Mahjoubi » est une illustration inquiétante des nouvelles prérogatives et possibilités d’expulsion des étrangers pour l’Etat français face auxquelles il faut faire front.