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Sarkozy et l’UMP

Les « Républicains ». Nouveau format, mêmes magouilles, mêmes problèmes

Damien Bernard Ce samedi 30 mai 2015 à Paris, porte de la Villette, se déroulait le congrès de refondation de l’UMP, dorénavant appelé « Les Républicains ». Pour Nicolas Sarkozy, président de la formation de droite, plus qu’un meeting, cette version française d’une convention à l’américaine, doit lui permettre de lancer sa course à la primaire pour 2016 et marquer l’union de la droite derrière sa personne. Le pari est-il réussi ?

1er juin 2015

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De l’UMP aux « Républicains », l’objectif de Sarkozy : apparaître comme le candidat naturel de la droite

Après le retour mouvementé de Nicolas Sarkozy, élu président de l’UMP, en novembre 2014, avec 60% des votes face à Bruno Le Maire, ce meeting de refondation avait pour but de consolider la soi-disant grande transformation. La mue du parti de droite, dénommé depuis samedi « Les Républicains », offre à Nicolas Sarkozy la possibilité de tourner la page d’une formation en crise, engluée depuis trois ans dans les divisions internes, les scandales et les affaires judiciaires.

Ce meeting couronne une stratégie visant à présenter Sarkozy comme le seul rassembleur possible d’une UMP en pleine décomposition, marquée par la guerre Copé-Fillon et l’affaire Bygmalion. Pour l’ancien président, en campagne, ce changement ne peut être que cosmétique, un faux-semblant de renouveau politique censé non seulement unir mais renouveler la démocratie à l’intérieur du parti. En acceptant, non seulement le vote des adhérents, mais aussi la désignation du candidat à la présidentielle par une primaire en novembre 2016, Nicolas Sarkozy, sorti renforcé de la victoire de la droite aux élections départementales, doit faire acte pratique et tente de tirer leçon de sa défaite aux présidentielles de 2012.

Pour réussir cette grande mue, en vue des primaires pour 2016, le meeting de samedi des « Républicains » se devait d’être une démonstration de force militante, permettant d’unir la droite, tout en faisant passer pour des figurants, non seulement les outsiders, Bruno Lemaire et Nathalie Kosciusko-Morizet, mais également François Fillon et surtout le principal opposant de Sarkozy, l’ex-premier ministre et ancien ministre des affaire étrangère, Alain Juppé. L’objectif était ainsi de faire oublier que Nicolas Sarkozy est loin de faire l’unanimité, aussi bien à l’UMP mais aussi dans les secteurs les plus concentrés du patronat, notamment en raison de son virage très à droite et des affaires qu’il traîne, que ce soit par rapport au « dossier libyen » que sur le reste.

Pour Sarkozy, qui entend incarner le candidat naturel des « Républicains », il s’agissait de montrer qu’il reconstruit le parti, qu’il apaise la « ?famille ? », qu’il unit au-delà « des clivages ». Pour cela, il n’avait pas hésité à opérer un véritable old-up sémantique sur la ligne juppéiste, en insistant sur la « République de la confiance », tout en ébauchant le portrait d’une société fondée sur des valeurs comme la famille « première institution de la société », et dans une moindre mesure sur, « l’autorité », développée ces dernières semaines. Hold-up, également, sur l’offensive des valeurs républicaines mises en avant par le gouvernement depuis le 11 janvier : sécurité, défense des intérêts impérialistes par la lutte contre le terrorisme, réaffirmation d’une laïcité qui cache mal un climat islamophobe et nationaliste, tout en accusant, bien entendu, les socialistes de ne pas être à la hauteur. « Les Républicains », c’est aussi cette opération de communication pour rappeler l’ancrage historique à droite et dans la réaction des valeurs républicaines et ne pas se faire spolier d’une étiquette qu’il fait bon d’afficher à l’heure de la montée du FN et de la peur du terrorisme.

Un pari réussi ?

Dans le meilleur des cas, pour les analystes de la presse les plus bienveillants, qu’ils écrivent pour L’Opinion ou Le Figaro, le pari tenté par Sarkozy n’est rempli qu’à moitié. Tout en ayant tout de même réussi à créer la polémique et à désarçonner la gauche sur un terrain qu’elle pensait acquis depuis l’union nationale, la République, Nicolas Sarkozy n’a pas réussi à mobiliser largement et à apparaître comme la voie du rassemblement et le candidat naturel de la droite qu’il souhaite incarner. Il s’agit donc plutôt d’un demi-échec.

Sur les 20.000 militants annoncés, seule la moitié s’est effectivement déplacée pour écouter les 5h45 de discours des ténors de la droite. La grande tente censée accueillir une partie des congressistes est, elle, restée déserte tout au long de la journée. Tandis que Sarkozy souhaitait faire la différence avec les socialistes dont à peine 70.000 des quelque 130.000 encartés a voté, la semaine passée, la démonstration est ratée pour l’ex-président.

Pour ce qui est de la posture du rassembleur, le pari, là encore, n’est qu’à moitié rempli. Bien que le public lui était acquis, la situation lui a échappé des mains lorsque des militants ont hué tout d’abord François Fillon puis Alain Juppé. Pour Sarkozy, cela laisse apparaître de nouveau le parti pour ce qu’il est, en l’occurrence une machine de guerre personnaliste pour les primaires, alors qu’il s’échine à prêcher, depuis novembre, l’unité autour de sa personne, et s’évertue à calmer les tensions.L’entourage de Francois Fillon, tout aussi conscient des enjeux, a souligné combien « c’est peut-être orchestré. Si ça l’est, ça ne doit pas venir de Sarkozy, qui a tout intérêt à ce que ça se passe bien. »

Cette guerre des chefs s’est poursuivie, dimanche, sur I-Télé et c’est Alain Juppé qui a relancé les hostilités, faisant savoir que si Sarkozy avait le parti, lui, Juppé, avait de son côté « l’opinion ». Nicolas Sarkozy a vainement tenté de recoller les morceaux, malgré la tribune offerte par TF1 au 20h, sans convaincre pour autant son principal rival qui a menacé de ne pas participer aux primaires si celles-ci n’étaient pas ouvertes au centre pour jouer « l’alternance ». Non, le candidat naturel n’est pas Sarkozy. La course aux primaires et les dissensions sont bien à l’ordre du jour chez les « Républicains »

Une route encore longue avant les présidentielles

Pour Sarkozy, la marche est encore longue avant les primaires. Il lui faut tout d’abord constituer une équipe à droite, tout en restant consensuel, mais aussi essayer de gagner du temps au niveau judiciaire. Tandis que, pour l’instant, son discours se focalise autour de concepts et de valeurs, notamment illustrées par le dernier clip de promotion des « Républicains » où retrouve égrenée une longue succession de thématiques faites de « République, démocratie, justice, liberté, laïcité, travail, responsabilité, diversité, autorité, ordre, effort », il lui faudra, par la suite, construire un projet politique qu’il est loin d’avoir défini.

Bruno Lemaire, l’outsider, gagne, lui, des voix, tout en se montrant à la pointe au niveau des propositions politiques, comme l’a démontré sa proposition d’une autre contre-réforme des collèges, qu’il nomme le « collège diversifié ».

Alain Juppé, très haut dans les sondages joue, lui, la carte de l’unité large, de la responsabilité, de l’union avec le centre, unité à la hauteur de la gravité de la situation, faisant passer Sarkozy pour un obstacle à cette recomposition.

De son côté, le FN jubile, tandis que le PS pense qu’il sera suffisant d’avoir en face un remake de Sarkozy, ainsi qu’une Marine Le Pen forte dans les sondages, pour jouer une fois de plus le jeu de la diabolisation, faire peur à son électorat et refaire la scène de « l’union sacrée » contre le FN. Mais rien n’est moins sûr. La conférence de Sarkozy de ce week-end et surtout l’énième symptôme du fait que le bipartisme socialo-gaulliste traditionnel qui continue à faire eau de toutes parts.

01/06/15


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