Le Conseil d’État a rendu, le 29 juin dernier, une décision concernant la demande d’annulation de l’article 1 des statuts de la Fédération Française de Football (FFF) qui interdit « tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale », qui sert en pratique à interdire le port du hijab par les joueuses de football. Les associations les Hijabeuses, Alliance citoyenne et la Ligue des Droits de l’Homme soutenaient que l’article 1 pouvait éventuellement s’appliquer aux joueuses de l’équipe de France et aux agents de la FFF, qui, en tant que salariées d’une structure en charge d’un service public peuvent être soumises à un principe de neutralité qui est bien établi dans la jurisprudence administrative, mais pas aux joueuses licenciées ne rentrant pas dans ces deux catégories. Le Conseil d’État a répondu en avançant que « pour garantir le bon déroulement des matchs et éviter toute confrontation, la FFF pouvait édicter l’interdiction contestée ». Une façon de pénaliser les joueuses musulmanes et de les rendre responsables de l’islamophobie qu’elles pourraient subir.

Une nouvelle décision d’Etat islamophobe

Cette décision s’inscrit en réalité dans la continuité du traitement des femmes voilées par le régime. On peut tout d’abord penser à la loi de 2004 interdisant le port de « signes religieux ostentatoires » par les élèves a marqué une première exclusion de ces femmes au sein de l’école, et sert de justification aujourd’hui au harcèlement raciste et sexiste d’élèves perçues comme musulmanes de la part des chefs d’établissement ou des enseignants qui leur demandent de rendre des comptes sur la longueur de leurs jupes, de leurs manches, de bandeaux dans les cheveux.

On peut aussi parler de la jurisprudence de 2016 du Conseil d’État, qui avait dû statuer sur plusieurs arrêtés municipaux anti-burkini, et avait estimer qu’en règle générale ces arrêtés portaient une atteinte excessive aux libertés individuelles, mais avait validé certains d’entre eux qui apparaissaient justifiés par des raisons de « sécurité » notamment dans des communes où des femmes voilées avaient été agressées en raison de leur tenue : déjà un moyen de construire les femmes portant le voile comme responsables des troubles à « l’ordre public » causés par leurs tenues.

Cette jurisprudence n’allait toutefois visiblement pas assez loin aux yeux du gouvernement macroniste puisque la loi séparatisme a permis en mai dernier de faire suspendre le règlement intérieur de la piscine de Grenoble qui permettait aux usagères de nager en maillot de bain couvrant : le Conseil d’État avait cette fois expliqué que les risques d’atteinte à « l’hygiène et à la sécurité » qui découleraient du port de ce type de maillots de bain primeraient sur la prise en compte des revendications religieuses des usagers – considération sur l’hygiène par ailleurs débattue dans la mesure où ces maillots de bain sont faits du même tissus que les autres, conçu spécialement pour nager en piscine, ce que soulignait le défenseur des droits par exemple.

On voit bien dans quel camp se trouve le Conseil d’État, celui du maintien d’un « ordre public » qui se rétablit toujours au détriment des femmes voilées mais aussi de toutes les personnes perçues comme musulmanes, dont l’oppression au contraire se trouve renforcée polémique raciste après polémique raciste, loi raciste après loi raciste. Le Conseil d’État donne un sens toujours plus large à cette notion d’ordre public, allant jusqu’à suggérer que le risque hypothétique que les germes du tissu de maillots de bain rendent l’eau de la piscine plus irritante menace cet ordre public. Les décisions concernant les différents voiles constituent des attaques spécifiques contre la communauté musulmane, mais l’extension progressive de la notion d’ordre public, qui sert à justifier des mesures limitant les droits et les libertés fondamentales, est un outil à disposition de l’État pour réprimer l’ensemble de notre classe. On a pu le voir ce printemps avec les arrêtés interdisant les rassemblements en plein mouvement contre la réforme des retraites, et en réalité dans le cadre de tous les mouvements sociaux un tant soit peu massifs de ces dernières années. On peut tout de même noter aussi que les rassemblements anti-racistes ou anti-impérialistes font l’objet d’une répression particulièrement forte, comme dans le cas de la manifestation pro-Palestine qui avait été interdite en mai 2021 à Paris, signe du caractère fondamentalement raciste des corps de répression d’un État impérialiste comme la France.

La police, la justice et l’État participent tous au maintien de l’oppression raciste et il n’y a aucun espoir à placer dans ces institutions pour contrer les décisions islamophobes d’institutions comme la FFF qui a déjà très récemment interdit de faire des pauses pour rompre le jeûne du Ramadan. Il faut au contraire que le mouvement ouvrier prenne en charge la lutte contre les lois et règlements racistes ou sexistes. C’est d’autant plus crucial dans le contexte actuel de révoltes dans les quartiers populaires, que les directions syndicales ont la responsabilité de ne pas laisser isolées, dans la contestation et face à la répression.