Yano Lesage

Les discussions devraient être tendues à Bruxelles. Pendant deux jours, et deux sommets de négociation, les ministres de l’intérieur et chefs de gouvernement se réunissent à 28 pour tenter de trouver une résolution à la crise migratoire qui touche actuellement l’Union Européenne, phénomène inégalé par son ampleur depuis la Seconde Guerre Mondiale.

Les tergiversations de Merkel n’y sont pas pour rien. Après avoir essuyé ses larmes, Merkel a retourné sa veste. Désormais, l’heure n’est plus à l’accueil, mais bien à chercher des solutions de contention de cette pression migratoire sur l’Europe de l’Ouest, pour lesquelles la simple fermeture des frontières au sein de la zone Schengen, appelé désormais par l’ensemble des gouvernements européens, ne semble pas suffire.

La question des quotas en dispute

Afin de limiter cet afflux dans l’Europe de l’Ouest et du Nord, l’UE compte bien partager, avec les pays les moins « attractifs », comme la Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie, etc…, ce « devoir d’humanité » dont elle se revendique, en accueillant quelques 120 000 réfugiés répartis dans les différents pays européens. Déjà sur cette question des quotas, les gouvernements s’écharpent : la République Tchèque et la Slovaquie ont d’ores et déjà annoncé qu’elles refusaient de prendre en charge des migrants qui, initialement comptaient rejoindre l’Allemagne ou la France, mettant en péril la possible conciliation d’un accord.

La possibilité de payer une compensation financière pour s’acquitter de l’accueil de réfugiés, mesure favorisant explicitement les pays de l’Ouest se déchargeant sur la périphérie européenne, ne devrait pas être évoquée tant elle divise et risque de faire échouer toute possibilité de concertation entre l’Ouest et l’Est.

« Hot spots », des camps de concentration dans les pays frontières de l’UE

Autre étape de la négociation : faire accepter l’instauration de « hot spots », des camps de réfugiés installés sur les pays d’arrivée (Grèce, Italie, Hongrie, en première ligne) permettant d’assurer l’identification et le tri entre « réfugiés » et « migrants ». Ces camps, réellement pensés comme des camps de concentration sans utiliser le nom, seraient destinés à contenir les flux d’arrivées et à assurer leur gestion en attendant la répartition dans les autres pays européens ou bien le renvoi dans le pays d’origine.

Là aussi, il y a des réticences, notamment de la part de la Hongrie qui refuse d’être considéré comme un pays en première ligne, mais qui déjà offre à l’Europe un avant-goût des méthodes de gestion de la misère qu’elle appelle de ses vœux.

Ce nouveau dispositif pourrait créer des situations inattendues et renforcer les crispations au sein de l’espace européen. En effet, jusqu’alors, la Grèce et notamment la Hongrie étaient essentiellement des points de passage des migrants. Avec ce nouveau dispositif elles devraient devenir des zones de rétention, à l’image de l’Italie qui sert actuellement à éponger les flux à destination du nord de l’Europe.

Les tensions au sein de l’Union Européenne, comme le révèlent la ré instauration d’un contrôle aux frontières au sein de l’espace Schengen, vont déjà bon train. Avec ce nouveau dispositif, elles pourraient même se renforcer voire menacer l’unité de l’Union Européenne de plus en plus divisée entre la politique d’imposition impérialiste des pays de l’Ouest et les dissidences exprimées, par des gouvernements populistes et réactionnaires, de plus en plus ouvertement à l’Est.