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Edito

Meurtre policier à Nanterre : après le choc, construire la riposte par en bas

Ce mardi matin a eu lieu à Nanterre un énième meurtre policier pour « refus d’obtempérer ». Tandis qu’à Marseille, Macron promet de nouvelles mesures sécuritaires dans les quartiers populaires, et que la colère s'est exprimée hier soir dans différentes villes de France, il faut construire une riposte par en bas face aux violences policières dans le cadre d’un mouvement d’ensemble.

Adèle Chotsky

27 juin 2023

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Meurtre policier à Nanterre : après le choc, construire la riposte par en bas

Crédits photos : Manifestation appelée par le Comité Adama devant le TGI de Paris le 03 juin 2020 / O Phil des Contrastes

Ce matin la police a tué, une nouvelle fois, en toute impunité. Naël, lycéen de 17 ans, a été exécuté à bout portant à Nanterre, sous les yeux de plusieurs témoins lors d’un contrôle routier. Une affaire qui s’inscrit dans la longue et terrible litanie des meurtres policiers et racistes pour « refus d’obtempérer », devenu un véritable permis de tuer pour la police ces dernières années. Contrairement aux autres meurtres du même genre, celui-ci a cependant été filmée, démasquant la version policière et le récit habituel de la « légitime défense ».

La scène, limpide et atroce, vue des centaines de milliers de fois depuis hier, montre au grand jour ce que sont les meurtres policiers pour refus d’obtempérer : des exécutions sommaires, visant systématiquement des habitants de quartiers populaires, le plus souvent jeunes et noirs ou arabes. « Je te tire dans la tête » entend-on même le flic menacer sur la vidéo prises par un témoin, avant de tirer. Un nouveau meurtre policier qui a suscité de larges réactions et pourrait devenir un symbole du durcissement du régime envers les classes populaires et des conséquences des politiques sécuritaires des gouvernements successifs.

En 2017, c’est par exemple sous Hollande qu’a été assoupli le cadre d’usage d’armes à feu par la police et inauguré la possibilité de tirer dès que les policiers constatent un « refus d’obtempérer », une date depuis laquelle le nombre d’homicides policiers a été multiplié par cinq. Dans le même temps, les lois successives concernant la police, de la Loi sécurité globale en 2020 à la LOPMI en 2022, n’ont fait qu’augmenter les moyens répressifs. En parallèle, ce qui est qualifié de « refus d’obtempérer » par les chiffres officiels, donc ceux fournis par les policiers et gendarmes eux-mêmes, a augmenté de 50% en dix ans et au moins 13 morts ont été causées par la police lors de contrôles en 2022. Quant aux tirs sur des véhicules en mouvement, ils ont augmenté depuis 2017.

Des meurtres policiers en hausse qui s’accompagnent d’une impunité totale pour les policiers, voire d’offensives d’une brutalité incroyables contre les victimes, à l’image de Nordine, condamné à de la prison après avoir été criblé de balle par la BAC. Ce nouveau meurtre policier est en ce sens une expression supplémentaire de la politique d’un régime qui lâche de plus en plus la bride aux forces de police, bras armé d’un État prêt à tout pour maintenir l’ordre établi. Un meurtre dans lequel la responsabilité de Darmanin, Macron et leur politique est claire.

Un drame qui résonne avec les récentes sorties du président, en séjour à Marseille pour annoncer plus de répression et de policiers. Face à la misère et pour mater la jeunesse des quartiers populaires, Macron a annoncé l’arrivée d’une compagnie de la CRS-8 sur la ville, la création d’une « task force interministérielle pour lutter contre les caïds » ou encore la possibilité de payer directement des amendes pour la consommation de drogues, conçue pour renforcer le harcèlement répressif dans les quartiers populaires. Pendant ce temps, Darmanin faisait de Wuambushu la vitrine de la politique anti-migrants de la France, en renforçant l’appareil militaro-policier pour « lutter contre la délinquance ».

Face à ces offensives, une politisation croissante s’exprime cependant sur la question des violences policières ces dernières années, depuis la mort de Rémi Fraisse en 2014 et celle de Adama Traoré en 2016. En juin 2020, des dizaines de milliers de jeunes en France se sont mobilisés contre le racisme d’État, et pour réclamer Justice et Vérité pour les victimes de la police. De façon croissante, les violences policières se sont dans le même temps imposées dans les mouvements sociaux, de la Loi travail aux Gilets jaunes, dont les centaines de mutilés et la mort de Zineb Redouane ont été un révélateur de la violence crue de l’État. Plus récemment, de nombreux manifestants ont vécu la répression du mouvement contre la réforme des retraites post-49.3 et son nombre impressionnant de garde à vue et de poursuites judiciaires.

Alors que des explosions de colère s’expriment déjà à Nanterre, la mort de Naël qui a reçu un immense écho pourrait ouvrir la voie à de nouvelles mobilisations sur ces questions brûlantes. Une dynamique dans laquelle la jonction entre organisations du mouvement ouvrier et de la jeunesse et quartiers populaires sera décisive. En 2006 durant la bataille contre le CPE, celle-ci ne s’était pas faite avec celles et ceux qui s’étaient mobilisés lors de la révolte des banlieues de 2005 suite à la mort de Zyed et Bouna. Pour faire ce lien aujourd’hui, il est essentiel que les organisations du mouvement ouvrier et de la jeunesse se solidarisent de toutes les mobilisations contre ce meurtre et reprennent les revendications des familles des victimes des violences policières, en se mobilisant à leurs côtés.

Mais pour stopper le cours autoritaire du régime, dont le renforcement de la police est un élément central, il faudra opposer un mouvement d’ensemble. Une perspective dans laquelle le mouvement ouvrier, dont les travailleurs des quartiers populaires sont une composante à part entière, a un rôle central à jouer pour imposer un rapport de forces à même de battre en brèche l’offensive sécuritaire, la répression policière, et faire reculer le gouvernement et le patronat sur les retraites et les salaires.

Lire aussi : Dissolution des Soulèvements de la terre : faire front contre le durcissement autoritaire du régime


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