L’idée est belle et ambitieuse. Le point de départ sera le Centre de Rétention Administrative à Calais, en bordure du Tunnel sous la Manche, pour arriver à la nouvelle « jungle de Calais » en passant par le centre-ville, ses commerces, ses habitants. Une marche forte de symboles et de rencontres plus ou moins positives. A travers les grilles du Centre de Rétention les manifestants envoient leurs cris de solidarité sous le regard de la police. De l’autre côté, par de minces interstices, on aperçoit des mains sortir des fenêtres des cellules, seul signe possible d’un échange entre dehors et dedans.

Commence alors une marche de plusieurs kilomètres, à travers le Centre Commercial Europe et les routes menant à Calais Centre. Nous croisons en bordure des routes des migrants, dans l’attente d’un départ prochain. Certains se joignent à notre marche.

Entrée dans la ville. Le contact avec les habitants se fait plus direct. Depuis les maisons ou les trottoirs, on nous regarde. Quelques regards solidaires, beaucoup de regards interrogatifs sur cette marche d’un genre peu commun. Et puis aussi, des insultes qui traversent les âges. « Calais aux calaisiens » nous lancera un jeune enfant sur son vélo. La distribution de tracts et la vente de T-shirts sont une tâche bien difficile sur ce chemin.

Et puis la ville s’éloigne, la jungle se rapproche. Les migrants se font de plus en plus présents, à pied ou à vélo, ils nous regardent intrigués par ce cortège qui se dirige vers leur campement. Chaque rencontre est l’occasion d’une poignée de main fraternelle et d’une explication sur le pourquoi de notre présence.

A notre arrivée un autre cortège nous attend et se mélange au notre. L’espace d’un instant, les différences qu’on nous impose entre migrants, réfugiés et sans-papiers n’existent plus, la barrière des langues non plus. On nous propose alors de parcourir la jungle tous ensemble, affiches et banderoles à la main en scandant « We have rights, we want to cross the border ! We want freedom » (Nous avons des droits, nous voulons traverser la frontière ! Nous voulons la liberté).

Une énergie et une force qui contrastent avec l’impuissance générée par le panorama de la jungle, son étendue, ses conditions, sa précarité. Difficile d’imaginer depuis le centre-ville de Calais, qu’à quelques kilomètres de là survivent plus de 3000 personnes venus d’Afghanistan, du Soudan, du Tchad, de Somalie ou d’Érythrée, dans l’attente d’une possible traversée vers l’Angleterre.

Ce type d’initiative est sans aucun doute très important pour construire le nécessaire mouvement de solidarité avec l’ensemble des migrants qui fuient guerres et misère.