A. Motze

Exilé la semaine pour une raison saugrenue dans la nouvelle grande région – au nom tout aussi pompeux que ridicule – de Hauts de France, je passe par Paris Nord tous les vendredis soirs.
La gare est souvent bondée à cette heure, et d’habitude, je me faufile entre les travailleurs pendulaires pour regagner mon métro. Mais aujourd’hui, Médiagares, la régie publicitaire de la SNCF, m’avait réservé un parcours d’obstacles spécialement marqueté pour le salarié mâle de la tranche 26-34 ans.
À peine sorti de mon wagon, je tombe nez à nez avec un type hilare un rien salasse, qui semble vouloir m’inviter à « pécho » en commandant un Freecab driver, c’est à dire une voiture avec chauffeur. Éberlué, je relis à deux fois cette publicité tout aussi grotesque qu’inquiétante. « QUI C’EST QUI VA PECHO CE SOIR ? », le message s’inscrit bien en lettres majuscules. Je ne m’étais pas trompé, la nouvelle entreprise Freecab, qui entend percer dans le juteux business des VTC, invite les usagers du TGV à avoir recours à ses services pour « PECHO »… J’ignorais jusque-là que les VTC faisaient aussi dans le proxénétisme.

Quelques pas plus loin, un deuxième type, toujours hilare, mais cette fois-ci pour avoir semble-t-il décroché un CDI après avoir poireauté plusieurs années en CDD, propose de fêter cela, encore une fois avec un Freecab Driver… Pour quoi faire ? La pub ne le dit pas, mais c’est toujours aussi affligeant.

Dix mètres plus loin, un type barbu entre 35 et 40 ans plonge dans une piscine : c’est AIR BNB, qui me propose d’aller vivre le rêve californien « chez Judith » : « VIVEZ LA BAS, MEME SI C’EST JUSTE POUR UNE NUIT »… Toujours la même cible visée et les messages pleins de sous entendus.

Agaçant, le mot est sans doute un peu faible. Si l’on prend le temps de s’y arrêter deux secondes, le formatage publicitaire est permanent. Ainsi s’imposent comme allant de soi les stéréotypes sexistes les plus crasseux…

Au kiosque de la chaîne RELAY apparaissent en gros les titres de la presse bourgeoise qui se scandalise pour quelques bris de vitres.
À voir la merde que des publicitaires ont spécialement conçu pour nous, je me dis qu’au moins, sur le fond, celles et ceux que l’on nomme les « casseurs » n’ont pas tort.