« Freestyle » est une chanson assez naze. Elle est truffée de clichés virilistes consternants. Cela fait au moins vingt-cinq ans que le rap a « mauvaise réputation », mais il serait tendancieux de soutenir qu’il a le monopole des paroles de merde. Tous les genres musicaux sont concernés et comme toute production artistique, la chanson est le reflet d’une société, en l’occurrence violente et machiste.

En tout cas, le rap, genre populaire s’il en est, est tout particulièrement soumis à la censure. Les censeurs ne sont pas bêtes ; ils bâillonnent en premier ceux qui ont l’outrecuidance de s’attaquer au pouvoir et à ses bras armés. En 1995 déjà, le Ministère A.M.E.R. s’est pris 250 000 francs (40 000 €) d’amende pour la chanson « Sacrifice de poulet ». L’année d’après c’était NTM qui était condamné en appel à verser 50 000 francs (8000 €) pour son « Nique la Police ! » [woop, woop]

Pour le clip de nos deux collégiens, il semble que ce soit l’utilisation d’un hachoir et d’un opinel sur la vidéo qui a conduit leur chef d’établissement à les dénoncer à la Police, alors que la vidéo a été réalisée pendant les vacances de Noël. Quand on sait le traitement que les condés réservent aux jeunes des quartiers, on peut douter que cette mesure soit des plus pédagogiques.

Les censeurs de tout poil, ont beau faire la morale, ça n’en changera pas pour autant le contenu des chansons, quand « c’est bourbier », difficile d’être politiquement correct. Le quotidien y est raconté tel qu’il est, c’est-à-dire plutôt violent. Quant aux délires en mode kalash ou hachoirs… l’art n’est-il pas toujours fantasme et déformation de la réalité ? N’est-ce pas justement ce que l’on nomme la transgression ?

Les paroles peuvent aussi être revendicatives et exprimer un rejet viscéral d’une société pourrie, qui ne fait d’autres cadeaux que des contrôles d’identité systématiques et une stigmatisation permanente. Et c’est surtout là que ça emmerde les donneurs de leçon, qui sont d’ailleurs assez mal placés pour l’ouvrir… Qu’on songe aux discours martiaux de Valls et à sa sortie glaçante en plein JT de 20 h sur TF1, le 16 novembre : « Il faut anéantir les ennemis de la République ! »

Les représentants de l’État reprochent aux jeunes leurs propos violents, pour mieux exalter l’État comme monopole de la violence légitime. Qu’un flic tue un jeune, pas de soucis, il est dans son rôle. Mais qu’un jeune ose, en chanson, s’en prendre aux keufs, alors il faut, pour son bien, qu’il s’en prenne plein la gueule. Ça lui apprendra…

Et sur ce débat autour de la violence du propos, justement, voici un petit jeu de comparaison. D’un côté les paroles de la Marseillaise, que tout bon collégien doit apprendre, ici chantée par les Parlementaires en Congrès à Versailles, le 16 novembre 2015 pour fêter la mise en place de l’État d’urgence et les restrictions des libertés. De l’autre, différents clips de rap réalisés par des jeunes, de la maternelle au collège. La musique n’attend pas le nombre des années. La subversion non plus.

La Marseillaise chantée en chœur à Versailles :

Sarcelles lites :

S1F l’arso / les cloclo

3 Zone - Arroser les (Clip Officiel) // Dir. by Krysko Films