Suresnes, le laboratoire de la réforme ?

Ainsi dès le 1er avril, les 1.300 agents municipaux verront leur rémunération fluctuer en fonction de la qualité de leur travail. « Il s’agit de faire en sorte que ceux qui sont moins motivés le soient davantage. Et que ceux qui sont déjà motivés ne se démotivent pas », a expliqué le maire Christian Dupuy étiqueté « Les Républicains ».

Une note variant de « très insuffisant » à « exceptionnel » viendra sanctionner dès l’an prochain le salaire de ces fonctionnaires. Ainsi, un agent de catégorie A dont le régime indemnitaire était de 100 euros par mois, pourra toucher 135 euros en cas de bonne note et 85 euros dans le cas contraire. Comme dans le privé, il ne fait aucun doute que les notes les plus élevées, comme leur nom l’indique, resteront « exceptionnel[les] », tandis que les mauvaises notes feront légion : un « mérite » qui après le gel du point d’indice depuis 2010 préfigure encore une baisse de salaire déguisée.

Au maire de Suresnes de justifier ensuite que ces mesures ne coûteront pas cher. Christian Dupuis pense tout au contraire que « c’est une bonne nouvelle, parce-que nos agents s’impliqueront d’avantage et que par conséquent, avec les départs en retraite, on ne sera pas obligé de renouveler tout le monde, et on pourra faire aussi bien, voire mieux avec moins d’agents ». 

Les objectifs sont limpides. Baisse des salaires, pression au rendement, baisse du nombre d’effectifs, tout ça à coup de « dialogue social » pour appliquer à l’échelle des collectivités locales le plan d’austérité acte 3 du budget 2017.

Suresnes. Capitale française du « dialogue social »

Suresnes n’a pas été choisie par hasard. Reconnue par l’Organisation Internationale du Travail (OIT) pour ses « bonnes pratiques », notamment en « dialogue social », le maire de Suresnes a su construire des relations « sociales apaisées et constructives ».

Pour ce faire, la solution miracle du maire de droite a consisté à « valoriser » la « fonction » de syndicaliste et ce en « investissant dans leur formation ». Chaque année, il enjoint des syndicalistes, triés sur le volet, les moins combattifs et les plus malléables, à passer une certification de « culture économique et sociale » sur les bancs de Sciences Po, l’ancienne école du ministre Macron.

Dix jours de formation, sanctionnés par un diplôme, qui leur permettent « d’accroître leur connaissance des enjeux sociaux, et d’améliorer leur propre technique de négociation », autrement dit apprendre à collaborer pour faire passer les contre-réformes à l’échelle de la collectivité.

Le résultat est édifiant. « Les représentants syndicaux qui ont suivi cette formation ont une approche complètement différente ». « Dialoguer, ça s’apprend », reconnaît un syndicaliste de la direction locale de la CGT, force majoritaire à Suresnes. « C’est un travail sur soi-même, ça se construit ». « On ne fait pas grève pour discuter après », se félicite aussi, la secrétaire générale adjointe de la direction locale de FO. « Ce sont des accords gagnants-gagnants » termine-t-elle.

En faisant le choix de former, sur les bancs de Sciences Po, des syndicalistes peu combatifs et triés sur le volet, qu’il reconnaissait ensuite matériellement à travers un parcours plutôt glorieux dans la hiérarchie locale, le maire de droite de Suresnes a fait du « dialogue social » son cheval de bataille, s’inspirant par la même des méthodes du privé utilisées notamment chez l’assureur Axa. Un « dialogue social » qu’il a notamment déjà fait fructifier par le passé, en imposant le travail du dimanche dans la médiathèque et l’accroissement de la flexibilité horaire des agents. Pour les salariés, des « accords » « gagnants-gagnants » ou « gagnants-perdants » ?