Le 6 avril dernier, le département de l’éducation de l’administration Biden a présenté un projet de loi fédérale visant non pas à interdire mais à encadrer l’exclusion des personnes trans de compétitions sportives. Le projet, qui doit encore passer de nombreuses étapes avant d’être approuvé, prévoit d’inscrire que les interdictions totales pour les personnes trans de participer aux compétitions sportives seraient contraires à la loi fédérale en matière d’égalité des sexes. Toutefois, le projet permettrait aux écoles, lycées et université recevant des fonds publics fédéraux d’adopter des règlements excluant les personnes trans des compétitions sportives pour des raisons d’« équité », qu’elles devront justifier selon les disciplines sportives, le niveau de compétition et l’âge des élèves.

Se félicitant de ce projet, Miguel Cardona, secrétaire à l’éducation du gouvernement Biden a déclaré que « chaque élève devrait pouvoir bénéficier pleinement de l’expérience qu’est d’aller à l’école aux États-Unis, y compris de participer à des compétitions sportives, sans discrimination ». Un souhait louable mais qui n’est précisément pas ce que propose son administration : si la loi est adoptée telle quelle, il rendra certes illégal d’énoncer des exclusions générales des personnes trans des compétitions sportives, mais n’empêchera absolument pas des exclusions au cas par cas qui vont continuer à peser sur le moral de jeunes élèves trans américains.

Même en l’absence de lois empêchant les personnes trans de participer à des compétitions sportives, les activités sportives sont souvent organisées de façon très genrée, ce qui peut décourager certains jeunes LGBTI de s’y investir. Ainsi, aux États-Unis, les jeunes transgenres sont environ deux fois moins susceptibles que les jeunes cisgenres et hétérosexuels de participer à des activités sportives dans le cadre de leurs études. Les interdictions au cas par cas proposées par l’administration Biden ne vont certainement pas les rassurer : par exemple un.e élève trans qui aurait participé à des activités sportives au collège devrait arrêter au lycée selon ce qui aura été décidé par son établissement, ou alors ne pourra pas choisir la discipline sportive qu’elle ou il aura choisi...

Autant de discriminations imprévisibles auxquelles les jeunes trans qui veulent faire du sport dans le cadre de leurs études devront se préparer, en supposant aussi que les offensives transphobes ne poussent pas les écoles à trouver des justifications pour exclure les personnes trans des compétitions sportives à tous les niveaux et dans toutes les disciplines. Pire, le texte vient même légitimer des arguments de la droite transphobe, qui agitent par exemple la crainte que des femmes trans ne transitionnent pour voler des bourses universitaires octroyées aux sportives de haut niveau... Comme si il était facile de devenir sportive de haut niveau juste parce qu’on a été assignée homme à la naissance.

Erin Reed, journaliste indépendante et militante trans qui documente les offensives transphobes aux quatre coins des États-Unis depuis des années, a réagi au projet présenté par l’administration Biden : « Je ne peux pas voir ça autrement que comme une trahison. Ce document est pire que de n’avoir rien fait. L’administration prétendra qu’il est « nuancé » et « empêche les exclusions totales », les Républicains pourront s’en servir pour se légitimer, et les écoles s’en serviront pour exclure ». Elle relève de plus que la circulaire proposée légitime les exclusions des élèves trans sur la base de leur sexe à l’état civil, mais aussi d’examens physiques.

Or ces examens physiques qui sont déjà profondément dégradants pour les élèves trans qu’ils servent à exclure ont d’ores et déjà été utilisés aux États-Unis pour remettre en cause la féminité d’athlètes cisgenres, constituant une attaque majeure à la fois sur les personnes trans mais aussi sur les femmes sportives que les transphobes prétendent protéger en excluant les athlètes trans.

Cette capitulation de l’exécutif démocrate démontre qu’il n’est en rien un barrage à la droite conservatrice qui veut imposer des lois réactionnaires : au contraire il s’adapte à ses rhétoriques sur « l’équité » dans les compétitions sportives, qui jouent un rôle important aux États-Unis parce qu’elles déterminent l’octroi de bourses d’études. Pendant ce temps, l’exclusion des personnes trans des compétitions sportives risque très certainement de s’étendre à la pratique péri-scolaire indépendamment des compétitions et va participer à la stigmatisation des élèves trans à l’école, participant ainsi à les marginaliser dans la société.

Il n’y a rien à attendre des Démocrates qui administrent les affaires de la bourgeoisie qui veut faire de l’éducation un privilège et s’adaptent à des extrémistes religieux qui veulent voir disparaître les personnes LGBTI de l’espace public et restaurer des normes de genre réactionnaires. Au contraire, les jeunes, les femmes et les personnes LGBTI doivent lutter aux côtés des travailleurs pour faire reculer la droite réactionnaire et obtenir la gratuité des soins de santé et de l’éducation, des hausses de salaire et le partage du temps de travail qui permettront d’assurer de meilleures conditions de vies pour toutes les personnes opprimées et exploitées.