Quand la police aveugle gratuitement les travailleurs

Ce jeudi, Laurent voyait donc pour la dernière fois avec ses deux yeux : arrivé à 16h45 place de la République, ce secrétaire médical à l’hospitalisation à domicile, syndiqué chez Sud Santé Sociaux de l’AP-HP, il subit avec d’autres militants une charge de police, accompagnée de tirs abondants de grenades de désencerclement et de grenades lacrymogènes. Dans la foule paniquée, Laurent et son voisin sont visiblement touchés par une grenade, qui prend l’œil au premier et blesse les jambes du deuxième. L’usage des armes « non létales » par la police a encore fait ses preuves durant la mobilisation contre la loi travail : en avril, un militant à Rennes perdait son œil après un tir de flashball ; en mai, un journaliste tombe dans le coma après être touché par une grenade, etc. Loin de « maintenir l’ordre » contre celles et ceux qu’ils appellent les « casseurs », ces armes visent avant tout à verrouiller de plus en plus l’espace public, à militariser notre société et réellement maintenir l’ordre et la morale réactionnaire des puissants. Loin d’être non létale, ces armes brisent des vies et cherchent à faire rentrer chez eux tous les révoltés en leur faisant peur.

Loin de le blesser, la police a empêché Laurent d’être soigné !

Le communiqué de Sud Santé Sociaux AP-HP est déjà accablant : si l’on étudie les circonstances, on comprend que le syndiqué, était loin de représenter une quelconque menace. De plus les forces de l’ordre ont utilisé les grenades de désencerclement pour attaquer lors d’une charge, et non disperser une foule qui les menacerait : c’est donc une blessure avec préméditation. Mais l’horreur ne s’arrête pas là : soigné d’abord par les Street Medics, ces équipes médicales auto-gérées qui cherchent à soigner les blessures causées par les forces de l’ordre (et que les forces de l’ordre visent prioritairement), l’homme demande d’être pris en charge par les pompiers aux CRS, qui lui demandent froidement de se calmer… Laurent sera ainsi privé de soins urgents durant près d’une heure, alors que chaque minute compte en pareille circonstance. C’est bel et bien cette attente interminable qui a définitivement ruiné les chances de sauver son oeil.

Une affaire invisibilisée par les médias dominants

Alors que c’est loin d’être la première fois qu’un militant perd un œil au cours d’une opération de « maintien de l’ordre », les médias bien-pensants ne s’occupent guère de ce manifestant qui était venu pour lutter contre la loi travail et son monde. A l’heure où nous écrivons, on ne trouve guère d’articles à l’exception de quelques allusions évasives sur le sujet : « un syndicaliste gravement blessé à l’œil » dit Libération alors qu’il est déjà avéré qu’il a perdu l’usage de son globe oculaire. Ou comment déformer volontairement l’information, et minorer nos blessés, alors que les images du CRS touché par un cocktail Molotov a inondé les canaux d’information, sans montrer les heures de gazages et de matraquages dont les manifestants ont été victimes. Un traitement de l’information à deux vitesses, visant à criminaliser le mouvement social et à intimider les manifestants.

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