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Scandale

Agression sexuelle : la SNCF veut licencier une victime et le syndicaliste qui l’a défendue

La SNCF menace de licenciement Marion et Régis, deux cheminots à Strasbourg, qui ont dénoncé des agissements sexistes subis sur leur lieu de travail il y a quelques mois.

Louisa Eshgham

11 mars

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Agression sexuelle : la SNCF veut licencier une victime et le syndicaliste qui l'a défendue

Crédit photo : Révolution Permanente

En mai dernier Marion, cheminote à Strasbourg, subit une agression sexuelle sur son lieu de travail. Régis, représentant syndical chez SUD-Rail et témoin de la scène, signale immédiatement cette situation afin que des mesures soient prises pour que ce type d’agissements cessent, comme le souhaite sa collègue. C’est à la suite de cette alerte que Régis et Marion sont aujourd’hui menacés de licenciement. Le 5 mars dernier, jour de l’entretien préalable de Régis, un comité féministe et de soutien s’est rendu à Strasbourg. L’occasion pour leurs collègues cheminots de dénoncer l’hypocrisie de la SNCF, qui se vante de lutter contre les violences sexistes et sexuelles tout en réprimant les victimes et leurs soutiens.

A la suite d’une agression sexuelle, la direction de la SNCF menace de licencier... la victime !

En mai 2023, Régis, syndicaliste, est témoin d’agissements sexistes à l’encontre de sa collègue. Immédiatement, il agit et rend compte de la situation subie par Marion pour empêcher qu’elle ou une de ses collègues ne se retrouve dans une situation de danger et afin qu’elle puisse continue à travailler normalement. Aucune demande de sanction en direction du collègue incriminé n’est envoyée à la direction de la SNCF.

Pourtant, la direction ne met aucun dispositif en place pour protéger Marion. Elle refuse également d’entendre Régis en tant que témoin. L’affaire est ainsi passée sous silence, sans que les référents harcèlement des instances représentatives du personnel (CSE) ne soient informés. Pire, le 5 mars Régis est convoqué pour entretien préalable à licenciement. Trois jours plus tard, le 8 mars, journée de lutte pour les droits des femmes, la direction de la SNCF notifie à Marion, à son tour, une convocation à entretien pouvant aller jusqu’au licenciement.

Vers l’extérieur, la SNCF se targue pourtant dans sa communication d’avoir à cœur la protection des victimes de violences sexistes et sexuelles. Un deux poids deux mesures insupportable pour Noura, jeune syndicaliste chez SUD-Rail venue soutenir Régis le 5 mars dernier : « La direction nous demande de faire remonter des cas de violences, notamment sexistes, que nous constaterions, mais il y a ensuite clairement un deux poids deux mesures dans le traitement de ces affaires. La SNCF communique beaucoup sur le fait d’avoir énormément de femmes dans l’entreprise, sur la mixité, mais ce cas nous montre bien que nous ne sommes pas protégées et en tant que victimes, nous ne sommes pas soutenues. »

« On dénonce la répression et l’inaction de la direction face aux affaires d’agression sexuelle dans l’entreprise. On est là en soutien à notre collègue, pour que les droits des femmes soient respectés, que ce soit au travail ou dans la vie de tous les jours.  » ajoute Jennifer, syndiquée chez SUD. Comme le souligne SUD-Rail Alsace dans un communiqué, en dépit de cette communication féministe, la direction n’écoute pas les victimes, quand elle ne les réprime pas simplement, comme dans le cas de Marion. Une situation loin d’être isolée selon le syndicat. « L’omerta qui règne au sein de la SNCF sur la manière dont elle priorise l’institution SNCF plutôt que de défendre ses salariés n’a que trop duré. ».

La direction lance une enquête à l’encontre de Régis, syndicaliste depuis 25 ans

Pour Régis, c’est un « signalement anonyme » à son encontre, suite à son propre signalement, qui a permis à la direction d’ouvrir une enquête. Une aubaine pour la SNCF, qui saute sur l’occasion pour tenter de se débarrasser d’un agent qui dérange par son syndicalisme combatif. La direction de l’entreprise n’avait pas réagi à propos de Marion, elle ne lésinera pas sur les moyens pour Régis, mandatant un cabinet privé pour « enquêter » contre lui et interroger, les uns après les autres, ses collègues, qui se verront "interdire" par le directeur de ligne de discuter de "l’affaire".

A l’issue de "l’enquête", il est notamment reproché à Régis d’être trop souvent en gare lors de permanence, de poser trop de Demandes de Concertation Immédiate (DCI) à la direction pour faire remonter des sujets qui sont en lien avec les conditions de travail des cheminots qu’il est censé représenter ou encore d’être trop souvent en délégation syndicale. Un supposé « harcèlement » à l’encontre du collègue dont il a dénoncé les agissements lui est également incriminé. En bref, c’est bien l’exercice de son mandat syndical et son appui à une victime au sein de l’entreprise qui sont visés. Menacé de licenciement, Régis, à force d’insistance, parvient néanmoins à imposer qu’une enquête concernant l’agression subie par Marion soit également ouverte. Menée par le même cabinet privé, en parallèle des entretiens décrits plus haut, elle n’aboutit à rien. Ou plutôt, elle conclue sur le fait que Régis et Marion auraient tout simplement menti, inventant des faits dans le seul but de nuire à un collègue innocent.

Contre la répression de Marion et Régis, de nombreux soutiens exigent l’abandon des sanctions

C’est pour dénoncer ces méthodes anti-syndicales, patriarcales et violentes qu’un comité de soutien féministe s’est rassemblé le mardi 5 mars afin d’accompagner Régis le jour de son entretien. Une trentaine d’agents ont envahi la salle où allait se tenir l’entretien préalable à sanction. Parmi, eux plusieurs militantes brandissent des pancartes avec des slogans tels que «  contrôle ton regard, pas mes fringues  », «  mon corps mon choix ma liberté  ».

Par cette action, les soutiens entendent rappeler à la direction de la SNCF qu’elle ne peut mettre sous le tapis les faits dénoncés et qu’ils ne laisseront pas passer une telle répression, visant à réduire au silence les victimes et à intimider les syndicalistes. Le directeur de ligne est interpellé : « vous ne seriez même pas capable de reconnaitre la victime, pourtant présente dans la salle, puisque vous ne l’avez jamais entendue ! ». L’ancienne référente harcèlement du TER Grand-Est prend la parole pour dénoncer une « gestion scandaleuse ».

Pour les soutiens, en plus des enjeux « féministes », il s’agit également de s’opposer à la répression d’un syndicaliste qui dérange et à la mise en place d’un dossier à charge monté de toute pièce. Une situation qui fait écho à de nombreuses autres, puisque ces derniers mois, et depuis la fin du mouvement contre la réforme des retraites, les employeurs multiplient les tentatives de licenciements de syndicalistes. C’est par exemple le cas de Christian Porta, délégué CGT chez Neuhauser, actuellement menacé de licenciement par le groupe InVivo, pour avoir « harcelé » sa direction, c’est-à-dire fait son travail de syndicaliste

Comme l’explique Régis, « Le syndicalisme est une forme de contre-pouvoir dans l’entreprise et ils espèrent que s’ils arrivent à en faire taire un, les suivants se tairont également. » En réponse à la convocation à entretien reçue le 8 mars par Marion, un nouveau rassemblement est appelé vendredi 15 mars, à Strasbourg, devant la gare à 10h30. Un appel qui devrait réunir à nouveau plusieurs organisations politiques et syndicales, ainsi que des cheminotes et des cheminots venus de partout en France, dans le but de faire reculer la direction de la SNCF et de faire de cette cynique « affaire » un exemple de lutte contre la répression syndicale et le mépris à l’égard des victimes de violences sexistes et sexuelles.


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