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Traquer les salariés

Amazon condamné à 32 millions d’euros d’amende pour « surveillance des salariés »

Mardi dernier, la CNIL a condamné Amazon à une amende de 32 millions d’euros pour avoir espionné ses employés via les scanners utilisés dans les entrepôts. Le système visait à traquer chaque minute de pause prise par les salariés. Un nouveau scandale pour le géant du commerce en ligne.

2 février

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Amazon condamné à 32 millions d'euros d'amende pour « surveillance des salariés »

Crédits photo : Wikimedia Commons

Amazon France Logistique a été condamné à une amende de 32 millions d’euros par la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) pour avoir utilisé un système de surveillance qui contrôlait étroitement les mouvements de ses travailleurs afin d’« évaluer leur performance ». Les scanners utilisés par Amazon (propriété de Jeff Bezos, troisième fortune mondiale), alertaient l’entreprise en cas d’inactivité de plus de dix minutes ou de traitement « à la seconde près » d’un colis ou d’un paquet, ainsi qu’en cas de numérisation trop rapide ou trop lente des colis.

Le système de surveillance se basait sur les scanners avec lesquels les travailleurs gèrent les colis qu’ils expédient. L’entreprise suit ainsi chaque travailleur, et, entre autres, sa localisation dans les entrepôts, le nombre de colis qu’il enregistre, s’il est absent de son poste et pour combien de temps. Des informations utilisées par l’entreprise pour enregistrer les « performances » de chaque travailleur, en utilisant ce système comme un instrument de contrôle des salariés.

Dans la décision rendue la semaine dernière à l’encontre du géant américain du commerce électronique, la CNIL estime que « de tels systèmes maintenaient les salariés sous une surveillance étroite pour toutes les tâches effectuées avec des scanners et faisaient ainsi peser sur eux une pression continue. » La CNIL justifie le montant de l’amende, entre autres, par « le nombre important » de travailleurs concernés, « plusieurs milliers », et par le fait que les obligations qui leur sont imposées par cette surveillance informatique contribuent « directement » aux bénéfices de l’entreprise, lui permettant « de bénéficier d’un avantage concurrentiel par rapport aux autres entreprises du secteur de la vente en ligne ».

La CNIL a également relevé le fait que les employés n’étaient pas clairement et pleinement informés de la surveillance et que les données étaient conservées pendant 31 jours. En tout état de cause, les travailleurs avaient le sentiment d’être espionnés car ils étaient tenus pour responsables s’ils s’absentaient de leur poste ou s’ils scannaient les colis « trop lentement ». Le système de surveillance contrôlait également le temps qu’il leur fallait pour entrer dans l’entrepôt et commencer à travailler.

Ce n’est pas la première fois que l’entreprise de Bezos est visée pour ses pratiques de flicage et de pression à la « performance » des salariés. De nombreuses plaintes ont été déposées au sujet du rythme de travail imposé par l’entreprise, des employés étant contraints, par exemple, d’uriner dans des bouteilles en plastique pour ne pas ralentir la chaîne de livraison. En France, un rapport publié en novembre dernier pointe ainsi des « conditions de travail délétères » dans les entrepôts, avec un doublement du nombre d’accidents du travail avec arrêt entre 2021 et 2022, soit 1 132 incidents contre 482 l’année précédente !

Les travailleurs du monde entier ont également dénoncé la politique antisyndicale de l’entreprise, qui cherche par tous les moyens à empêcher ses travailleurs de s’organiser. Cela va de l’infiltration des entrepôts par des espions, comme cela s’est produit en Pologne en 2019, à l’embauche d’avocats pour intimider les employés de diverses manières afin de contrecarrer les efforts de syndicalisation.

Jeff Bezos, fondateur d’Amazon, a bâti sa fortune sur l’exploitation brutale des travailleurs, le mépris du droit du travail et sur l’évasion fiscale. Face aux pressions et aux conditions de travail imposées par l’entreprise, les travailleurs des entrepôts du monde entier se sont à plusieurs reprise organisés et mis en grève pour lutter pour leurs droits, y compris lors des journées clés pour l’entreprise, telles que le Black Friday. En novembre dernier, c’est ainsi plusieurs milliers de salariés qui, dans une trentaine de pays, se sont mis en grève pour de meilleurs salaires et conditions de travail.


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