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Assiduité, fin de la compensation, coupes budgétaires : les attaques s’enchaînent dans les universités

À Panthéon-Sorbonne, Paul-Valéry à Montpellier ou encore à Bordeaux-Montaigne, les directions d'universités attaquent les droits des étudiants, avec des coupes budgétaires et une hausse de la sélection. Un avant-goût du projet macroniste pour l’enseignement supérieur.

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Assiduité, fin de la compensation, coupes budgétaires : les attaques s'enchaînent dans les universités

En septembre dernier, Emmanuel Macron annonçait les grandes lignes de son projet pour renforcer la néo-libéralisation de l’enseignement supérieur, en prônant la mise en place d’une université à deux vitesses, entre établissements d’élite et centres d’études de seconde zone, directement reliés aux besoins du patronat. Un plan de casse de l’université qui s’est précisé en février avec 900 millions d’euros de coupes budgétaires pour l’Enseignement Supérieur. En l’attente d’une attaque globale du gouvernement et de l’annonce de sa réforme, de nombreuses universités commencent déjà à restreindre drastiquement les droits des étudiants, pressées de faire des économies et de renforcer la sélection.

Des attaques pour renforcer la sélection

À l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, la présidence fera voter prochainement en Conseil de Formation et de Vie Universitaire un texte qui renforce massivement la sélection à l’entrée et au sein de l’université. Le texte qui sera débattu ouvre la voie au « recours au contrôle continu intégral », soit la potentielle suppression des partiels et des rattrapages. Cette réforme pénaliserait en premier lieu les étudiant·es travailleurs et travailleuses qui ne pourront plus valider leur année en contrôle terminal. Le droit à la compensation, qui permet actuellement de valider une année grâce à la moyenne obtenue avec les moyennes de chaque semestre, est également remis en cause. Les différentes filières pourront déterminer individuellement si, oui ou non, elles maintiennent cette compensation. La justification des absences deviendra également beaucoup plus restreinte, ne prenant en compte que des absences pour cause d’hospitalisation, de décès, ou de convocation à un concours.

Le statut d’AJAC (système qui permet à un·e étudiant·e de passer en année supérieure, même s’il ou elle n’a pas validé intégralement l’année en cours) sera également remis en cause à Panthéon-Sorbonne. D’autres universités ont déjà remis en cause ce statut, comme la fac Paul-Valéry de Montpellier, qui a vu ce statut être supprimé en 2021. Ces réformes, qui augmentent la sélection et l’élitisme des filières, pénalisent en premier lieu les étudiant·es les plus précaires, donc forcé·es de travailler, qui parviennent plus difficilement à valider leur année.

À l’université Paris-Nanterre, la présidence a voté en avril dernier la suppression de la semaine de révision avant les partiels du deuxième semestre, pour cause de « manque de personnel ». Encore une fois, cette mesure pénalise les étudiant·es qui doivent travailler en dehors des cours pour payer leur loyer, et qui ont donc moins de temps pour réviser.

La suppression du contrôle terminal, discuté dans les instances de l’université Panthéon-Sorbonne, est une réforme qui est déjà passée à l’université Bordeaux-Montaigne. Depuis le début de l’année 2023, des dizaines de filières ont vu le contrôle terminal et les rattrapages supprimés, pour une validation des cours 100% en contrôle continu. Les licences de philosophie, cinéma, géographie, archéologie ou encore musique ont toutes subies ce changement de modalités d’évaluation. Des stages obligatoires pour valider sa licence de cinéma ont également été mis en place, sans aménagement des emplois du temps. C’est dans cette même université que 28 formations, dont 15 licences, ne permettent pas d’avoir le statut d’étudiant-travailleur. De cette façon, les filières les moins rentables sur le marché du travail et les moins recherchées par le patronat qui sont peu à peu mises de côté, dévalorisées pour préparer le désengagement des universités.

Ces mesures sur les modalités d’examens sont permises par la loi ORE, promue en 2018 par le gouvernement Macron. La réforme, qui a aussi mis en place Parcoursup, a supprimé le cadrage national des licences. Cela permet ainsi aux universités de modifier à leur guise les modalités d’évaluation et renforcer la sélection des étudiants.

Le statut d’Etablissement Public Expérimental pour renforcer l’élitisme et l’ouverture aux entreprises

En plus d’augmenter la sélection dans les universités par tous les moyens, le projet néolibéral de Macron a un deuxième volet : mettre les universités plus directement au service du patronat, ce qui passe par renforcer leur l’attractivité pour les grandes entreprises. C’est par exemple ce que met en avant la présidence de Panthéon-Sorbonne en voulant se positionner comme un établissement de rang européen et international et voulant attirer plus d’étudiant·es étranger·ères, issu·es des CPGE et de grandes écoles. Ces profils seront donc favorisés au détriment d’autres étudiant·es n’ayant pas suivi ces parcours « d’élite ».

La fac Paul-Valéry de Montpellier, qui est l’un des établissements d’enseignement supérieur en France qui reçoit le moins de financements de la part de l’État, subit également ces attaques néolibérales. Pour faire face à ses dettes qui s’élèvent à plusieurs millions d’euros, la présidence a décidé de faire voter prochainement un projet d’EPE (Établissement Public Expérimental), pour augmenter son autonomie par rapport à l’État et ouvrir son budget à davantage d’intérêts privés. Un EPE est une fusion entre une ou plusieurs universités et des écoles diverses, ou encore des centres de recherche.

Ce statut d’EPE permet aux établissements de faire des dérogations au code de l’éducation. Ainsi, tous les droits que possèdent les étudiant·es, par exemple concernant le montant de leurs frais d’inscription, mais également le droit au redoublement ou aux rattrapages, pourraient être remis en cause à moyen-terme.

Cela permet aussi aux directions d’université de restreindre les droits d’organisation, renforcer plus facilement la sélection ou l’ouverture aux entreprises. La fac Paul-Valéry de Montpellier fusionnerait ainsi avec d’autres établissements d’enseignement supérieur, ainsi que des organismes publics comme l’INRAE, des écoles privées, et compte par exemple développer des partenariats avec l’entreprise Ubisoft. Des représentant·es de la multinationald seraient donc invité·es dans les conseils et commissions, avec un droit de regard sur les décisions sans jamais avoir été élu·es par les étudiant·es et personnels. Le statut d’EPE, qui tend à se développer dans de nombreuses universités, favorise donc la mainmise des entreprises sur l’enseignement supérieur, au détriment des conditions d’étude.

Ce statut s’accompagne souvent de rétributions financières supplémentaires ou favorise le financement de formations par des entreprises, sans empêcher pour autant que les universités coupent dans leur budget. C’est notamment le cas à l’Université Paris-Cité, qui dispose du statut EPE et d’aide de l’Etat pour sa « stratégie d’excellence ». Dans ce cadre, elle a reçu 12 millions d’euros pour « Idex » et 31,8 millions de « financements stratégiques » sur la période 2022-2024, ce qui ne l’a pas empêché de réaliser 24 millions d’euros de coupes budgétaires en décembre 2023.

Face à la néolibéralisation des universités : défendre une fac ouverte à toutes et tous

Le projet d’une université néolibérale et pro-patronale cher à la macronie est donc bel et bien en marche. Comme nous l’écrivions en septembre, il ne s’agit plus seulement de fermer les rangs de l’université aux enfants d’ouvriers, aux enfants des quartiers populaires ou encore aux étrangers, qui ont été les premiers visés par la série de réforme du premier quinquennat Macron, mais il s’agit de réaliser un réel tri social par une mise en concurrence des universités entre elles et des étudiant·es entre elles et eux. L’enjeu pour le gouvernement est de faire passer au fur et à mesure ces réformes, université après université, avant une réforme d’ampleur pour mettre en place partout en France son projet de casse de l’université publique au profit du privé, pour conformer l’enseignement au besoin du patronat.

Ce même gouvernement qui multiplie les attaques austéritaires mène dans le même temps une offensive autoritaire sur l’université. La cabale contre les étudiant·es de Sciences Po qui ont dénoncé le génocide à Gaza et les procès en « islamo-gauchisme » cherchent à faire taire toute contestation dans les universités. Une offensive sécuritaire qui cherche à mettre la jeunesse au pas, pour mieux faire passer les attaques anti-sociales et sélectives sur l’université. Il est ainsi nécessaire d’unifier les combats contre les attaques qui pleuvent sur les différentes universités, afin de s’affronter à l’ensemble de leur projet néo-libéral et répressif.

Au Poing Levé, nous nous battons pour une université ouverte à toutes et tous. A rebours des attaques de Retailleau et Macron qui veulent enfoncer les universités dans la précarité, nous revendiquons une hausse massive des moyens alloués à l’enseignement supérieur et la recherche, pour la titularisation de tous les travailleurs précaires. Nous luttons pour la liberté d’organisation et d’expression sur les universités et défendons le droit de dénoncer le génocide en cours à Gaza.


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