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Etats-Unis

Industrie automobile : la grève de l’UAW continue, malgré les attaques du patronat

La grève des travailleurs de l’automobile aux États-Unis entrait dans son 3ème jour ce lundi. Près de 13 000 salariés de Ford, Stellantis et General Motors, syndiqués dans l’UAW (United Auto Workers), luttent pour de meilleurs salaires, la semaine à 32 h et pour revenir sur des décennies de casse de leurs droits salariaux et syndicaux.

Wolfgang Mandelbaum

18 septembre 2023

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Industrie automobile : la grève de l'UAW continue, malgré les attaques du patronat

Luigi Morris / Left Voice

Un troisième jour de conflit qui ne faiblit pas en termes de mobilisation

La grève des salariés de l’automobile ne faiblit pas alors qu’elle entamait ce lundi son 3ème jour. Depuis vendredi soir, quelque 12 700 salariés des usines d’assemblage de Wentzville, Missouri (GM), Toledo, Ohio (Stellantis) et Wayne, Michigan (Ford), se sont mis en grève après un vote favorable à 97 % fin août ; pour le moment juste une fraction des 150 000 ouvriers des « Big Three », bien que la situation puisse évoluer rapidement.

Cette lutte a le potentiel pour être historique par son ampleur et sa radicalité, dans un secteur qui depuis des décennies a vu ses conditions de travail se dégrader année après année, et notamment depuis la crise de 2008 qui a mis fin à l’indexation des augmentations des salaires sur l’inflation.

Le patronat des Big Three refuse de céder et agite la menace des licenciements

Une hausse de salaires de 20 % sur une période de 4 ans et demi a été proposée par Stellantis lors de négociations samedi, après des propositions semblables de FM et Ford. Des concessions bien en deçà des revendications de l’UAW, qui demande une hausse des salaires de 40 %, soit une hausse comparable à celles des PDG des constructeurs automobiles sur les quatre dernières années. Si une telle revendication salariale peut apparaître radicale, elle demeure limitée si l’on prend en considération les pertes salariales subies par les ouvriers de l’automobile depuis la crise de 2008.

La direction des « Big Three » et le syndicat se réunissent à nouveau à la table des négociations lundi. Cependant, il est peu probable que les patrons, davantage enclins à réprimer la grève qu’à céder, se plient aux revendications des grévistes.

Les patrons des entreprises concernées ont en effet d’ores-et-déjà contre-attaqué en mettant en place des mesures pour exercer une pression sur les grévistes et briser la grève. Dans une entreprise Ford du Michigan, 600 travailleurs ont été mis à pied de manière indéfinie « en raison de l’impact de la grève », tandis que dans une entreprise GM du Kansas, l’employeur a menacé d’interruption de travail 2000 employés ; dans les deux cas, ces arrêts de travail seront non payés, parce que dus à une grève et non à d’autres facteurs.

Le président de l’UAW, Shawn Fain, a dénoncé cette tactique, prévenant qu’elle ne « fonctionnerait pas » :

Si les Big Three décident de licencier des employés qui ne sont pas en grève, c’est qu’ils essaient de mettre la pression sur nos membres pour qu’ils acceptent moins. [...] Avec leurs profits records, ils n’ont pas besoin de licencier un seul employé. En fait, ils pourraient doubler le salaire de chaque ouvrier de l’automobile sans augmenter le prix des voitures et continuer à engranger des milliards de dollars.

Face à tout cela, les membres de l’UAW pourront faire usage de la caisse de grève conséquente (825 millions d’euros). Si une caisse de grève avoisinant le milliard de dollars peu paraître impressionnant, il ne s’agit pas non plus d’une panacée, puisqu’elle couvre entre 25 et 60 % des salaires moyens, et sa durée de vie est estimée à trois mois dans le cas d’une mise en grève de l’ensemble des syndiqués.

Le président de l’UAW, Shawn Fain, s’exprime devant l’usine d’assemblage Ford à Détroit, Michigan.

En plus de ces licenciements, de nombreux travailleurs intérimaires ont vu leurs heures réduites, et les sanctions se sont multipliées : « Un travailleur a signalé avoir reçu une sanction pour s’être enregistré à 5 h 59 pour un poste commençant à six heures. Un autre a déclaré que 10 travailleurs ont été escortés hors de l’entreprise par la direction. »

Ces actions punitives constituent un message clair aux travailleurs : restez à votre poste, fermez-la ; si vous envisagez de faire grève, vous risquez votre poste. Ces intimidations à l’égard des ouvriers des usines qui ne sont pas encore en grève visent à les monter contre leurs collègues grévistes en faisant porter sur eux la responsabilité de leurs conditions de travail dégradées. Une preuve de plus de la nécessité d’étendre rapidement le mouvement de grève à l’ensemble des usines des géants automobiles, afin de prévenir toute tentative des employeurs visant à diviser les grévistes.

Vers une grève historique ?

Pour le moment la direction de l’UAW a décidé de n’étendre la grève qu’à trois des sites des trois plus gros constructeurs automobiles. De ce fait, la grève de l’industrie automobile ne concerne qu’une toute petite partie des travailleurs de l’automobile syndiqués dans l’UAW. Avec ses 146 000 adhérents, celle-ci a les forces pour organiser une grève réellement historique, sans précédent. Les revendications de l’UAW sont certes radicales, mais pour obtenir une véritable victoire contre les géants internationaux de l’automobile, un plan de bataille décidé par la base est nécessaire pour construire un véritable rapport de force avec les trois grandes entreprises.

Il est donc impératif que la grève s’étende à l’ensemble des usines des géants de l’automobile. Mais pour arriver à cette fin, il ne faudra pas probablement pas compter sur Shawn Fain, qui par sa position à la tête d’un des plus gros syndicats industriels, proche de l’establishment démocrate, n’est pas à même de mener la bataille jusqu’au bout. Joe Biden a déjà montré qu’il veut à tout prix contrôler le mouvement : il doit jouer un périlleux jeu d’équilibriste, entre ne pas écorner davantage son image de briseur de grève (il s’était décrit comme le président le plus pro-syndicats des présidents de l’histoire…) et servir aux besoins du grand patronat américain qui lui reproche déjà son attitude ambivalente, malgré les multiples grèves brisées par son travail.

Alors que la campagne présidentielle pour 2024 a bel et bien commencé, les travailleurs de l’automobile doivent continuer leur lutte en indépendance des partis politiques institutionnels, qui essaient de récupérer le mouvement. Ils pourraient alors incarner un fer de lance pour l’ensemble des secteurs combatifs aux États-Unis qui ont montré leur disposition à lutter pour les salaires et l’amélioration de leurs conditions de vie ces dernières années.


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