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Mobilisés contre la sous-traitance et pour la sécurité au travail

Interview. Les agents de piste d’Air France toujours en lutte à Roissy. La direction paye des sous-traitants pour casser leur mouvement

Propos recueillis par Flora Carpentier

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Il y a quinze jours, nous avons publié une première interview d’un agent de piste d’Air France, alors qu’un mouvement de grève avait spontanément paralysé le chargement et le déchargement des avions. Alors que la direction d’Air France prend bien soin de ne pas communiquer sur cette mobilisation en cours depuis le 20 mars, aucun média ne souhaite prendre le risque d’aller à l’encontre de l’image de la compagnie aérienne. Pourtant, le mouvement tient bon et se renforce sur les pistes de l’aéroport de Roissy. Vendredi dernier, environ 250 travailleurs de toutes les pistes et terminaux se sont rassemblés dans la cantine de l’aéroport, en présence de Miguel Fortea, secrétaire général CGT Air France, pour discuter des suites du mouvement.

Constatant des pertes d’auditions liées à une surexposition au bruit des avions, des centaines d’agents de piste exercent actuellement un droit de retrait pour dénoncer le danger grave et imminent (DGI) que représente le port de casques non conformes. Ce mouvement s’inscrit dans une bataille depuis de longs mois pour la reconnaissance de la pénibilité du métier :

« D’un côté on sait qu’on est les prochains dans le viseur du plan de licenciement d’Air France, s’exprime un agent de piste mobilisé, syndiqué CGT ; et d’un autre côté, on exerce un métier avec des critères de pénibilité : travail de nuit, port de charges lourdes, pollutions atmosphériques, pollution sonore, etc. On a quasiment tous les critères de pénibilité, des statuts et des maladies professionnelles à faire reconnaître. Pour donner un exemple, la direction avait déclaré à l’inspection du travail qu’il n’y avait pas de travail de nuit à Roissy, alors quand l’inspectrice est venue à notre appel en décembre pour contrôler Air France sur le travail de nuit, elle s’est régalée : elle a contrôlé plus de 150 travailleurs exerçant une activité de nuit sur l’aéroport et tous les travailleurs lui ont dit que ça faisait des années que ça se passait comme ça. »

« Quand les cadres veulent s’improviser pistards, ils font n’importe quoi »


Les conséquences de cet arrêt de travail sont phénoménales : 20.000 bagages en retard de livraison, des vols retardés ou suspendus, et même des incidents diplomatiques. La direction a bien tenté de remplacer les pistards par des cadres de la compagnie, mais leur absence de qualifications pour les métiers de piste n’a engendré que plus de dégâts et de pertes de bagages :

« Il y a des gens qui sont depuis 4 jours dans leur hôtel et qui n’ont toujours pas leurs bagages. Il y a des chefs d’entreprises qui venaient de partout en France et partout dans le monde pour un déjeuner d’affaires à Paris, ils étaient là pour un ou deux jours, avec leurs documents pour signer leurs contrats dans leurs bagages, et leurs bagages ont été perdus.

Parce que les cadres, quand ils veulent faire notre métier, quand ils veulent s’improviser pistards, ils font n’importe quoi. Il faut connaître le métier, nous on connaît les subtilités. Parce que quand tout va bien, tout passe. Mais quand il y a un problème, quand il y a un orage comme l’autre jour, nous on sait gérer ça. S’il y a une panne de trieur par exemple, c’est pareil. Nous on sait qu’on va stocker les bagages ailleurs et ensuite on va savoir les localiser. Mais là ce qu’ont fait les cadres, c’est qu’ils ont tout laissé en plan, comme les avions arrivaient, n’étaient pas déchargés et que les bagages s’accumulaient, ils les ont mis dans un coin. Donc ensuite c’était impossible de remettre la main sur les bagages des gens. On a eu un cas comme ça avec un diplomate d’Afrique du Sud qui était prêt à attendre le temps qu’il fallait pour avoir son bagage. Et comme personne ne savait où il était, il s’est plaint à son ambassade, qui a appelé le quai d’Orsay, et le quai d’Orsay a demandé des comptes au ministère des transports. Et là c’est redescendu vers Air France. L’aéroport est tellement sans dessus-dessous que même si on reprenait le boulot aujourd’hui, il faudrait au moins deux mois et demi pour que les choses rentrent dans l’ordre.

Et malgré tout ça, on ne parle pas de nous dans les médias. Votre premier article est super bien tombé. On avait l’impression qu’on criait et que personne ne nous entendait ».

Et pour cause, la direction voudrait faire croire que la mobilisation des agents de piste n’a pas d’impact. L’enjeu est multiple : ne surtout pas ternir son image, déjà bien entamée avec l’arrachage de chemises et le plan de licenciement que celui-ci a dévoilé au grand jour ; éviter à tout prix que la clientèle annule ses billets ou renonce à acheter des vols ; tenter de décourager les travailleurs mobilisés, en faisant croire que leur mouvement est vain et inutile.

Air France manœuvre pour casser le mouvement des agents de piste


Pourtant, la direction d’Air France démontre depuis le 20 mars son impuissance face à la mobilisation déterminée des agents de piste. Après avoir tenté de faire faire le travail par des cadres de la compagnie, cette semaine la direction d’Air France vient de faire une nouvelle preuve de faiblesse face au mouvement, en allant solliciter des salariés du sous-traitant AGF pour réaliser le travail des agents en droit de retrait.

« Ils payent triple des sous-traitants pour venir casser notre mouvement, sans même passer par le CE, il n’y a pas eu de CHSCT, la direction passe complètement outre les procédures. Mais nous on le sait parce qu’on a des camarades d’AGF qui ont refusé d’aller travailler sous nos avions. La direction a cherché des volontaires, mais il y en a qui ont répondu ‘Nous si c’est pour casser le mouvement des copains d’Air France, c’est pas la peine’. Mais évidemment, si on propose à des gars de gagner en un jour ce qu’ils gagnent d’habitude en trois jours de travail, alors qu’il y en a beaucoup qui croulent sous les dettes, ils vont sauter sur l’occasion.

C’est scandaleux parce qu’ils cherchent à nous diviser entre les travailleurs d’Air France et les sous-traitants. Et c’est vrai que nous on est vus comme des privilégiés. Mais mon combat c’est de leur dire que comme ils occupent des postes que les gars d’Air France faisaient avant, si on arrivait un jour à créer un vrai mouvement où le patronat aurait peur de nous, peut-être qu’on arriverait à les réintégrer dans nos effectifs. Je bataille depuis longtemps pour ça.

Le gros danger là, c’est que la direction cherche à profiter du mouvement pour accélérer la mise en sous-traitance, même en passant au-dessus des procédures légales. A côté de ça, ils ont annoncé verbalement qu’ils contestaient le droit de retrait considéré comme abusif. Ils vont tout essayer. Donc c’est évident qu’on ne peut pas laisser passer ça, on ne peut pas permettre que des sous-traitants viennent faire notre boulot alors qu’on est en droit de retrait. Là, les salariés d’Air France sont remontés, et on prévoit déjà des actions dans les jours à venir. »


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