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Comment Hollande et Valls ont cousu leur linceul.

Le 17 mai, rebond, rupture et basculement ?

Pierre Reip Avec 220 000 manifestants d’après la CGT et 68000 d’après le gouvernement, la journée nationale de mobilisation du 17 mai marque un rebond par rapport au 12, reflété y compris dans les chiffres fournis par la police, en hausse. L’estimation CGT est quant à elle deux fois supérieure à celle de jeudi dernier. Mais avec le début de la grève reconductible dans les raffineries, le blocage des zones portuaires, et les barrages filtrants des routiers aux abords des grandes villes, c’est surtout l’ambiance générale qui a changé. Il se pourrait bien qu’avec le recours au 49-3, Hollande et Valls aient cousu leur linceul.

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Une fois n’est pas coutume, on pouvait entendre de la musique sur France Info ce mardi 17 mai, en lieu et place de certaines chroniques. La voix off annonce : « en raison d’un appel à la grève émis par plusieurs organisations syndicales portant sur le retrait du projet de loi travail, nous ne sommes pas en mesure de diffuser l’intégralité de nos programmes habituels.Nous vous prions de nous en excuser ».
Quelques minutes auparavant, un syndicaliste était interviewé. Il faisait part de la nécessité, selon lui, de dépasser le cadre des manifestations traditionnelles, en bloquant le pays. Il se montrait dégoûté par l’usage du 49.3, et rappelait, amer, qu’il avait voté François Hollande en 2012.On change de fréquence. Le journal de 18h de France Culture, nous indique, entre autres, que la raffinerie Total de Donges en Loire Atlantique est à l’arrêt avec 92% de grévistes sur 700 salariés. Suit une interview d’un conducteur de bus lors de la manifestation toulousaine : « Depuis le début, je suis là et j’ai le sentiment d’être utile à mon pays. Parce que si ce monsieur vivait avec 1400 euros par mois, peut-être que ce genre de choses, il y réfléchirait à deux fois. J’ai l’impression qu’il ne comprend pas ce qu’il se passe en France. Il suffit d’une petite étincelle pour que tout se décante. Vous savez, à la veille de 68, personne n’aurait dit qu’il y aurait des manifestations monstres et des usines occupées. Le peuple peut toujours se réveiller à n’importe quel moment. »Ces quelques bribes saisies en direct à la radio témoignent que quelque chose a changé dans le pays.

Un peu plus tard, dans la soirée, France Info rapporte les propos du secrétaire général de la CGT. Selon Philippe Martinez, « on va se faire entendre encore plus fort ». Il dit regretter que« Hollande ait les oreilles bouchées ». Suit une interview d’un représentant du personnel de la CGT Capgemini en grève qui rappelle qu’il s’agit d’une entreprise « qui marche très bien » et que « les salariés méritent beaucoup plus que cette maigre augmentation ». Il en appelle ensuite à François Hollande « qui dit qu’il veut limiter le salaire des grands patrons. Et bien, qu’il commence par son ami Paul Hermelin[PDG de Capgemini] parce que ça devient indécent dans ce pays ».

Hollande, justement, était à l’antenne d’Europe 1 hier matin, où il a tenu à afficher sa détermination à maintenir le projet de loi coûte que coûte, se comparant même à Gerhard Schröder. Une première pour un responsable socialiste, tant la figure de l’ancien chancelier social-démocrate allemand fait figure de repoussoir depuis ses très impopulaires réformes du droit du travail. Même son de cloche avec Valls, à l’Assemblée, qui met en garde contre le « risque de faire déraper le pays ».

Il se pourrait bien que les craintes du premier ministre soient fondées. Avec la prolongation de l’état d’urgence ad vitam aeternam, les négociations et concessions bidons sur le projet de loi travail et le recours au 49.3 à l’ouverture même des débats parlementaires, il a contribué lui même, main dans la main avec le chef de l’État, à ce que la rupture soit totale entre le « peuple de gauche » et l’exécutif. Les frondeurs et leur cirque auront contribué de leur côté à ce que cette rupture soit définitive avec le PS lui-même, qui pourrait bien connaître, l’année prochaine, un effondrement. Contrairement au discours officiel qui voudrait que le rejet de la politique gouvernementale et du PS favorise le Front National, force est de constater que la rupture qui est en germe se fait sur la gauche, dans l’action et dans la grève, et qu’elle n’est pour l’instant captée par aucune force politique.

Avec le maintien de la mobilisation dans la rue, les barrages routiers dans tous le pays et le démarrage réussi de la grève reconductible, très suivie dans plusieurs secteurs, notamment l’Ouest du pays, cette journée du 17 mai pourrait bien marquer le début d’un basculement plus profond. Porté par des segments clés du monde du travail, alors que les Nuits Debout se poursuivent, et après un mois et demi d’une mobilisation déclenchée par la jeunesse, l’espoir d’un second round de la mobilisation se concrétise.

Toutes proportions gardées, cette journée en rappelle une autre, survenue il y 49 ans, jour pour jour, le 17 mai 1967. Ce jour-là, la grève contre les pouvoirs spéciaux du général de Gaulle et la volonté de Pompidou de légiférer par ordonnance avait été très suivie. Cette campagne contre les pouvoirs spéciaux avait été le prélude à Mai 68 qui n’est pas tombé du ciel. L’année 1967 était celle qui avait compté le plus grand nombre de jours de grèves depuis le début de la Cinquième République. Et comme dit la chanson des canuts


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