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« Mettre fin au statu quo »

Licenciements des fonctionnaires : le plan « sans tabou » de Guérini pour en finir avec le statut

Mardi avait lieu la première concertation entre le gouvernement et les directions syndicales autour de la future réforme de la fonction publique. Parmi les principales annonces de Guérini, des mesures telles que la rémunération au mérite, le renforcement de la « mobilité » et la facilitation des licenciements pour insuffisance professionnelle.

Léo Stella

10 avril

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Licenciements des fonctionnaires : le plan « sans tabou » de Guérini pour en finir avec le statut

Mardi avait lieu [la première réunion de concertation du gouvernement avec l’ensemble des directions syndicales de la fonction publique, à l’exception de FO qui a refusé de participer, autour de la future réforme. A cette occasion, Stanislas Guérini a clarifié les futures attaques. Cinq ans après la première réforme de la fonction publique par le gouvernement Macron qui avait permis la mise en place de la contractualisation massive et des 1607 heures annuelles, le gouvernement compte cette fois s’attaquer au statut de fonctionnaire, contre lequel le ministre a annoncé une batterie de mesures dans la lignée des propositions sur la rémunération au mérite.

Le ministre a envoyé en amont de la réunion un document qui précisait les principaux axes : imposer la rémunération au mérite, favoriser la « mobilité » entre les différents secteurs, mais surtout renforcer juridiquement la possibilité de licencier pour faute professionnelle. Ce dernier point attaque les fondements même du statut, qui était la garantie d’un emploi à vie. Dans un entretien au Parisien, Guérini justifie à plusieurs reprises sa mesure néolibérale : « [L]e statut de la fonction publique, ce n’est pas le statu quo, ce n’est pas l’égalitarisme. Il faut le faire évoluer, le moderniser. On a des agents pleinement dans le XXIe siècle, mais un système qui est parfois resté bloqué dans les années 1980. » Il serait temps selon le ministre de lever « le tabou du licenciement dans la fonction publique ».

Des propos clairs sur l’envie du gouvernement d’en finir avec le statut de fonctionnaire pour se rapprocher du modèle du privé. Pour cela, Guérini compte donner une assise juridique plus solide à la possibilité pour les employeurs publics de licencier des agents pour « insuffisance professionnelle » tout en dressant une échelle de sanctions qui irait du « rappel à l’ordre jusqu’au licenciement ». Si la répression et les licenciements de facto de fonctionnaires se sont multipliées ces dernières années, notamment à des fins disciplinaires, cette brèche signerait donc la fin de la relative garantie qu’avaient les fonctionnaires quant à leur emploi, tout en donnant un pouvoir aux employeurs publics sur des agents soumis à la réussite de leurs objectifs sous peine de sanctions. Le ministre compte aussi sur ce nouvel outil de pression pour favoriser la « mobilité », c’est-à-dire les mutations, entre les trois branches de la fonction publique (État, hospitalière et territoriale) afin de combler d’éventuels sous-effectifs ou besoins.

Cette mesure néo-libérale s’accompagne d’autres attaques qui visent le statut de fonctionnaire sous tous ses angles. La piste de la suppression des catégories d’agents (A, B et C) et leurs grilles salariales s’accompagne de l’idée de les remplacer par la « rémunération au mérite » comme facteur central de la rémunération des fonctionnaires. Alors que le traitement d’un fonctionnaire fait en principe l’objet d’une évolution identique selon le grade et l’ancienneté, le gouvernement, par la mise en place d’une logique méritocratique et individuelle, compte donner tout pouvoir à l’employeur. Ce dernier, que ce soit dans la fonction public d’État, hospitalière ou territoriale, pourra selon son bon vouloir décider de mieux rémunérer (ou non) les agents qu’il désire, et imposer le rythme de travail et les règles permettant d’espérer gagner un meilleur traitement. Cette mesure ouvre plusieurs portes pour réprimer ou mettre au pas les travailleurs. La chasse à l’absentéisme par exemple est ainsi une des pistes évoquées par Guérini, à la fois comme facteur pour recevoir un meilleur traitement et comme critère de potentielles sanctions pour insuffisance professionnelle.

La future réforme Guérini et notamment la facilitation des licenciements s’inscrit dans le discours austéritaire du gouvernement. La fin du statut de fonctionnaire et donc le possible dégraissage de la masse salariale des agents répond aussi à une demande historique du patronat et de la droite. Mardi matin sur RMC, le patron du Medef, Patrick Martin, dénonçait ainsi les « sureffectifs flagrants » de la fonction publique comparé aux « voisins immédiats » de la France, « l’Allemagne par exemple ». De la même manière, Eric Ciotti et plusieurs pontes des LR, dans le cadre de la courses aux coupures budgétaires avec le gouvernement, préconisent mettre « fin à l’emploi à vie » via la révision du statut.

A la suite de la réunion avec Guérini, les directions syndicales ont de leur côté dénoncé une réforme « dogmatique » qui s’attaque au statut des fonctionnaires tout en pointant le manque de « possibilités de discuter » avec le gouvernement et l’absence de la question salariale. En réponse, la CGT a déposé des préavis de grève pour les travailleurs de la fonction publique courant du 15 avril au 15 septembre, en pointant la possibilités d’actions durant les JO. Cependant, ce coup de pression de la part de la CGT, déjà évoqué par Sophie Binet mi-mars, ne constitue pas encore une réponse à la hauteur des attaques du gouvernement en l’absence de plan de bataille clair. Alors que les différentes centrales syndicales comptent participer aux prochaines réunions avec le ministre en mai et juin tout en espérant un dialogue social plus constructif, il est plus qu’urgent de poser concrètement la question de la riposte à bâtir face à un gouvernement qui est à l’offensive.

Ce dernier a montré qu’il compte attaquer durement et à marche forcée les travailleurs de la fonction publique avec une réforme XXL. Face à cela, l’heure n’est plus aux interpellations et aux « coups de pressions » mais bien à la création d’un réel rapport de force articulé à un plan de bataille construit auprès des différents secteurs des services publics. Seule cette solution sera en réelle capacité de faire reculer le gouvernement sur sa future réforme, mais aussi de permettre aux travailleurs de la fonction publique de passer à l’offensive et d’arracher de véritables augmentations salariales.


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