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Casse des services publics

Proxima. Retour sur un projet à l’avant-garde de la casse des services publics toulousains

Au 1er janvier 2024, la Mairie de Toulouse impose à son réseau de services publics une réforme de grande ampleur : « Proxima 2024 ». Menée à marche forcée, cette restructuration néolibérale, s’inscrivant dans la droite ligne des projets de la macronie, va profondément attaquer les conditions de travail des fonctionnaires toulousains et impacter les services publics de la ville.

Don Morrison

23 janvier

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Proxima. Retour sur un projet à l'avant-garde de la casse des services publics toulousains

Crédits Photo : ©dalbera

Le projet de restructuration « Proxima 2024 », qui prend fin le 1er janvier après des mois de mise en place, va profondément modifier l’organisation des administrations et services publics toulousains.

Ce projet, qui découpe la ville en cinq grands territoires, se présente comme un moyen de créer plus de « proximité avec les usagers » et d’« harmoniser les services ». En réalité, il ne fera que détériorer les conditions de travail des 4 000 travailleurs touchés par la restructuration, tout en dégradant le service rendu aux habitants. Derrière Proxima, ce sont des coupes budgétaires, des mutualisations de postes, des reclassements forcés, des externalisations de services ainsi qu’une perte de technicité des métiers qui menacent les services publics toulousains.

Le projet porté par le Maire-Président de la Métropole toulousaine Jean-Luc Moudenc se place à l’avant-garde de la politique gouvernementale de casse des services publics. Après l’application de la loi de transformation de la fonction publique de 2019, dont Jean-Luc Moudenc était un ardent défenseur, la réforme Proxima marque une avancée dans le projet de néolibéralisation des services publics, qui devrait ouvrir la porte à de futures attaques.

Un projet de casse des services publics

Lancé fin 2021, le projet « Proxima 2024 » découle d’une commande des élus de droite de la ville de Toulouse. Déplorant un manque de transversalité entre les différentes directions de la Ville et de la Métropole, le Directeur Général des Services (DGS) Eric Ardouin choisit de répondre par une déconcentration des services. Loin d’une simple réorganisation, le projet est d’envergure : il s’agit de restructurer l’ensemble des services des deux collectivités pour créer cinq nouveaux territoires. Au départ, 3 000 agents sont concernés, puis 3 500, puis finalement, c’est plus de 4 000 agents sont touchés au 1er janvier pour rejoindre l’un des cinq territoires. Objectif affiché : créer plus de proximité avec les habitants, proposer des services plus réactifs, construire plus de transversalité entre les métiers. Un programme reluisant qui exprime la volonté d’« améliorer la qualité des services publics rendus à la population sur nos territoires ».

Dans les faits, le découpage en cinq territoire permet au Maire de déléguer la gestion de ses services, non plus à des directions centralisées en fonction de leur activité (Éducation, Espaces verts, Jeunesse et Sports, Culture...), mais à un nouveau directeur général de territoire qui prend la direction de l’ensemble des services de son périmètre. Ce dernier prend donc la main sur les budgets et sur l’ensemble des équipements et des agents des domaines techniques (entretien, voirie...), des services aux publics (centres sociaux, bibliothèques...), et des services supports (administratif, RH...) qui intègrent son territoire. Évidemment, le projet est mené à moyens constants. Avec une perte de budgets toujours plus conséquente, il s’agit de gagner en efficience tout en rentabilisant le travail des agents avec une surcharge de travail.

La mise en place de Proxima révèle à elle seule la conception et le but politique que s’en sont fait Moudenc et les technocrates architectes du projet. Pendant plus de deux ans, et malgré les discours volontaristes, le travail sur la refonte des services a montré la désorganisation du projet et ses conséquences sur les conditions de travail des agents.

Une mise en place à marche forcée au détriment des agents

Pour accompagner la recomposition des équipes, et notamment pour les agents dont le poste allait être supprimé ou redéployé, le DGS a décidé de mettre en place une bourse au poste (BOP). Présenté comme une opportunité néolibérale d’évolution de carrière ou de mobilité, ce dispositif invitait les agents à devenir « entrepreneur de leur propre carrière » en postulant via un catalogue de postes disponibles au 1er janvier 2024. Loin des avantages promis, la BOP n’a généré que désillusions et souffrance pour les agents concernés.

À la demande des syndicats, un audit a été réalisé par le cabinet toulousain Midi‐CTES, spécialisé dans la santé au travail. Selon ce dernier, « les agents qui se sont projetés sur une éventuelle mobilité professionnelle ont rapidement déchanté à mesure qu’ils comprenaient très justement que le scoring (classement des agents) tel qu’il était paramétré ne permettait pas cette évolution, au même titre que le rapprochement géographique. Sans possibilité de défendre la volonté de mobilité par le biais d’une lettre de motivation ou encore d’un entretien, les agents se retrouvaient « coincés » dans les paramètres de leur métier d’origine ».

Magalie*, agente de catégorie C ayant participé à la BOP, livre son expérience : « La BOP a été un mensonge. Je me suis positionné sur un poste en croyant à la fameuse promesse de « mobilité », mais je n’ai jamais pu échanger avec un responsable ou mettre en avant les motivations de ma candidature. J’étais juste un numéro pour eux et leur algorithme. J’ai eu la chance de pouvoir revenir sur mon poste, mais avec la BOP, beaucoup ont dû se positionner sur des postes dont ils ne connaissaient pas bien les missions ou le périmètre, ni même le lieu ou les horaires de travail. Des collègues ont vu au dernier moment leur temps de trajet se multiplier par deux. Comment fait-on quand on a des enfants à récupérer à l’école ? Ce n’est qu’un exemple, on assiste à une restructuration mais tout est flou, on ne comprend rien et on ne sait pas où on va. Tout cela cause beaucoup de stress et de désespoir dans les équipes ».

Mieux, le rapport de Midi‐CTES, sorti en juin 2023, a épinglé le projet Proxima, allant jusqu’à le qualifier de possible « France-Telecom bis ». Même si certaines données essentielles, comme le nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles n’a pas été fourni, le rapport pointe les risques psycho-sociaux du projet sur les agents. Attributions de postes laissant un sentiment d’injustice, risques de conflits hiérarchiques, actions de préventions inopérantes, mises en concurrences des agents, reclassements à marche forcée... Le rapport de 180 pages montre la façon dont ce plan a été mis en place et les conséquences sur les agents.

Il pointe la verticalité de la mise en place du plan Proxima, et note un niveau d’information très inégal entre les agents de catégorie A et les agents de catégories B et C. De même, la promesse de mobilité professionnelle n’a pu être tenue que pour des agents de catégorie A, qui ont, eux, pu connaître une évolution professionnelle. Une politique par en haut, que l’architecte Eric Ardouin a très bien résumée lors d’un séminaire de cadres, en répondant à une question relative au risque pour certains agents de se trouver sans affectation au 1er janvier : « à la fin du marché, quand on a vendu toutes les vaches, il reste les bouses ».

Une restructuration comptable qui va attaquer les agents territoriaux

En 2022, déjà, la CGT Métropole alertait dans un tract : « Ce chantier qui s’ouvre va impacter de nombreux agents dans leur travail quotidien (missions, organisation du travail, lieu de travail, chaîne hiérarchique, cycle de travail, responsabilités, déroulement de carrière...) ». Plus d’un an après, alors que le projet a été mené à son terme à marche forcée, les syndicats ne peuvent que constater les dégâts auprès des agents déjà en souffrance. Et pour cause : mutualisation de missions, fiches de postes élargies, tâches sous-évaluées, changement de locaux - parfois à l’autre bout de la ville, horaires et temps de travail discordants, formations insuffisantes, aucun augmentation de salaire... Autant d’attaques qui vont continuer de casser les conditions de travail des agents.

Il faut préciser que cette restructuration s’est imposée dans un contexte déjà délétère, faisant suite à de nombreuses réorganisations dans les services de la ville de Toulouse, et à la mise en place de la loi de transformation de la fonction publique de 2019, qui prévoyait l’augmentation du temps de travail à 1 607 heures, et ayant conduit à Toulouse à la suppression de 200 postes en 5 ans.

Aujourd’hui, cette restructuration par en haut ne fera qu’augmenter les cadences de travail, y compris pour les agents de catégorie C, qui devront prendre en charge les nouvelles tâches définies par leur direction de territoire afin de devenir des pions multifonctions. Une logique comptable et néo-libérable classique qui consiste à faire porter le poids des sous-effectifs et des coupes budgétaires sur le dos des travailleurs, qui, surmenés, ne seront plus en mesure d’accomplir leurs missions. La qualité du service dégradée permettra dès lors de justifier le passage au privé. Pour couronner le tout, ces attaques s’accompagnent de l’éclatement des équipes et des services, et de l’affaiblissement des équipes représentatives du personnel, une manière de plus de mettre des bâtons dans les roues dans les futurs luttes de travailleurs de la Métropole.

Ainsi, en regroupant les agents des différents services au sein des Directions de territoire, cette restructuration sera pour le Maire l’opportunité de mutualiser et de supprimer toujours plus de postes, d’externaliser toujours plus de services à l’image des transports toulousains, avec pour corollaire l’augmentation de la charge de travail des agents et le délitement du service public. Plus de missions pour moins de moyens, Proxima incarne bien la logique néolibérale de la Mairie, traduisant la politique du gouvernement qui veut en finir avec les services publics.

Alors qu’en septembre dernier, les travailleurs avaient déjà exprimé leur colère contre le projet Proxima, il est important de donner suite à cette mobilisation en préparant une riposte qui se donne l’objectif de rassembler l’ensemble des agents territoriaux autour d’un programme de lutte contre la destruction des services publics et des emplois territoriaux. Ce n’est que par la construction d’un réel rapport de force qu’il sera possible d’arracher des augmentations de salaires ainsi que la fin des attaques sur les conditions de travail de tous les secteurs.


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