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Répression

« 21h30 en GAV pour une histoire de pancarte », témoignage d’un étudiant interpellé le 6 avril

« Un autre gendarme prend alors la pancarte que j’avais lors de la manif, la prend en photo et demande qu’on m’embarque. » Dans le cadre de la campagne contre la répression lancée par Le Poing Levé, nous relayons le témoignage de Florent, étudiant à l'INSA.

Le Poing Levé

24 mai 2023

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« 21h30 en GAV pour une histoire de pancarte », témoignage d'un étudiant interpellé le 6 avril

Crédits photo : Dorian M

Ce témoignage a été recueilli dans le cadre de la campagne anti-répression menée par le collectif jeune de Révolution Permanente, Le Poing Levé. Pour y participer également et témoigner, vous pouvez remplir ce formulaire.

Le Poing Levé : Bonjour, merci de nous accorder ton témoignage. Peux-tu commencer par te présenter et nous dire si avant ton arrestation, tu t’étais déjà mobilisé ?

Je m’appelle Florent*, j’ai 22 ans et je suis étudiant à l’INSA [école d’ingénieur] à Toulouse. Je me considère aujourd’hui comme apartisan même si j’ai déjà contacté beaucoup de partis différents pour me faire la meilleure opinion possible. Je suis aussi de près l’actualité politique : je regarde les débats parlementaires, je m’intéresse autant aux questions locales qu’internationales. Cependant avant la réforme des retraites, je n’avais manifesté qu’une seule fois, contre la restriction des libertés au moment du Covid. C’est la mobilisation à l’INSA qui m’a réellement poussé à m’engager. C’est avec le 49.3 que la mobilisation à l’INSA a connu une réelle structuration, je me suis pas mal investi à ce moment dans l’organisation des AG et des événements politiques sur le campus ainsi que dans les manifestations appelées par l’intersyndicale. Je ne sais pas si j’aurais participé aux manifestations s’il n’y avait pas eu cette mobilisation à l’INSA.

Le Poing Levé : Peux-tu nous raconter comment s’est passée ton arrestation ?

C’était le 7 avril. Je me suis retrouvé à la fin de la manif à Saint-Cyprien. Je n’ai jamais été violent en manif même si je ne suis pas contre. Mais je pense que les manif c’est fait pour gêner, pour faire du bruit, donc je voulais continuer à la fin de la manif. Je suis allé au Capitole mais les gens sont vite partis, donc je suis rentré, seul, chez moi. Là, je tombe sur un barrage de gendarmes. L’un d’eux me fouille le sac. Un autre gendarme prend alors la pancarte que j’avais lors de la manif, la prend en photo et demande qu’on m’embarque. C’est une pancarte qu’on m’a tendu en manif sur laquelle il y a un photomontage de la réunion de Montoire, où on voit Pétain serrer la main d’Hitler. Les visages sont remplacés par ceux de Macorn et Borne et à côté de la photo on peut lire le slogan « Travail, Famille, Patrie ». Les flics me mettent alors les menottes et m’embarquent au commissariat.

Le Poing Levé : Que t’arrive-t-il une fois au commissariat ?

Sur place après plusieurs heures en garde-à-vue, seul dans ma cellule, l’OPJ appelle le parquet pour demander ma libération. Je suis juste à côté, même pas un mètre j’entends très bien la conversation. C’est à ce moment que j’entends le parquet dire : « Mettez-lui "participation à un groupement en vue de constituer un délit" ». Alors que j’étais seul ! C’est totalement absurde, scandaleux. C’est vraiment le parquet qui a voulu me garder, j’ai compris que c’était une décision politique. Je reste alors la nuit en GAV. Le lendemain, pendant l’audition, on m’a demandé de donner mes empreintes et mon ADN. J’ai refusé. Le policer m’a alors menacé en disant que j’aurai un casier judiciaire, que je ne trouverai pas d’emploi, si je ne les donnais pas. Bref, des techniques d’intimidations, mais je connaissais mes droits alors j’ai refusé et on m’a directement renvoyé en cellule. Pendant ma seconde audition le lendemain, on m’a posé beaucoup de questions sur mon profil personnel, comme pour faire un profil sociologique puis dans un deuxième temps mes appartenances politiques. Il y avait une volonté de savoir si je militais. On m’a aussi demandé si je trouvais que le gouvernement actuel ressemblait à celui de Vichy ? J’ai répondu : « Non, mais il y a une dérive autoritaire et cette arrestation en est la preuve. » Au total, j’ai passé 21h30 en GAV pour une histoire de pancarte et on me colle des charges qui n’ont aucun sens, que ce soit celle pour outrage ou celle de participation à un groupement en vue de constituer un délit. Au final j’aurai une audience le 20 juin.

Le Poing Levé : Ton rapport à l’Etat a-t-il changé depuis ton arrestation ?

C’est vrai qu’après j’étais plus craintif en manif. Je n’ai pas repris de pancartes, je n’allais pas aux actions de blocages. Cependant je suis sûr que je reprendrai dans quelques mois sans y penser. J’ai beaucoup appris en réalité de cette arrestation. C’est le prolongement de ce que je pensais sur le fait que les libertés démocratiques et politiques sont remises en question par les législateurs eux-mêmes. Il y a une réelle dérive autoritaire des gouvernants. D’une certaine manière, ils m’ont poussé à agir : je vais écrire des articles et continuer à témoigner sur ce qu’il m’est arrivé. Plus les années avancent, plus mon expérience de la politique s’incarne en pratique à mesure que le régime se durcit.

Le Poing Levé : Comment vois-tu la suite ?

Je pense que d’ici 5 ou 10 ans, il y aura un changement majeur. On doit changer de manière fondamentale le système sur des bases plus saines. Je ne sais pas sur quel sujet mais je sais que je continuerai à me mobiliser pour être prêt lors de ce changement.

* Le prénom a été modifié

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