Les syndicats n’auront pas tardé à hausser le ton dans le dossier du passage de 35 à 39 heures hebdomadaires à l’usine Smart, basé à Hambac, en Moselle. Le référendum, purement consultatif, par lequel 56 % des salariés ont répondu favorablement à la signature du pacte pour l’emploi à l’horizon 2020, avait marqué un clivage entre ouvriers - qui ont répondu "non" à 61% - et cadres, favorable à 74 %. Pour obtenir ce résultat, la direction n’avait pas hésité à agiter le spectre d’une perte de compétitivité face au site de Novo Mesto, en Slovénie, et à proposer une carotte de 6% d’augmentation de salaire, augmentation qui ne correspond pas au quota d’heures supplémentaires imposé.

« Travailler plus pour gagner moins », les ouvriers de Smart n’en ont pas voulu. En répondant massivement non à l’accord, ils ne se sont pas laissés intimider par le chantage de leur patron, et ont mis la pression sur la CGT et la CFDT. Car il est évident que la réponse ferme et immédiate de l’intersyndicale a été fortement impulsée par les positions de ceux qui constituent la base de ces deux syndicats. Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, a ainsi déclaré ce mardi dans une interview à Libération que la situation à Smart a constitué une « dérogation au code du travail », sans pour autant dénoncer explicitement les pratiques douteuses de l’entreprise, puisque la CGT a encouragé la tenue d’un référendum. Désireuses de ne pas souffler sur les braises d’un possible incendie, les deux centrales tentent de calmer le jeu.

Si cette annonce pourrait laisser penser que l’accord serait mort-né, et la bataille gagnée, elle inaugure au contraire une véritable guerre, au-delà des murs de l’entreprise. Ce référendum, en créant un précédent concernant la limite légale du temps de travail, que le patronat, MEDEF en tête, rêve de voir voler en éclat, ouvrirait la voie à de nouvelles attaques sur le temps de travail légal en France. Le cas Smart, tant suivi par la presse, sert de cobaye pour le patronat pour prendre la température sociale, de test pour anticiper la réaction du monde du travail à la remise en cause des 35 heures. Le résultat relayé par la presse bourgeoise des 56 % de salariés ayant répondu « oui » ouvre effectivement la brèche pour d’autres référendum, dans d’autres entreprises. La mesure s’inscrit totalement dans la démarche de contre-réforme et de casse des acquis des travailleurs afin de faire primer les accords locaux, ceux-là même que prône le gouvernement.

Dans ce contexte, l’attitude de l’intersyndicale chez Smart, pour l’instant farouchement opposée à ce projet, est à scruter avec attention. Il y a fort à parier que les attaques envers les droits des travailleurs ne vont pas s’arrêter à un simple référendum consultatif. Si les positions actuelles de chacune des parties ne tendent pas, dans ce contexte particulier, vers un accord rapide, elles pourraient tout à faire reprendre le chemin des concessions ou pire encore, dans la période à venir, comme en témoigne cette déclaration de Didier Getrey, représentant CFDT au nom de l’intersyndicale : « Nous ne sommes pas opposés à un accord de compétitivité lorsqu’une entreprise va mal, mais ici n’est pas le cas. Aussi, nous participerons à la réunion dans le cadre des NAO concernant les évolutions de salaires, et à rien d’autre ».

La réaction des ouvriers de Smart, en faisant pression sur ses représentants a été le bon réflexe. Une tension qu’il sera primordiale de maintenir pour éviter que ceux-ci ne finissent par accepter la signature de l’accord cher à Philippe Steyer, DRH de l’usine, en échange de concessions minimes.