A l’adresse des sympathisants de gauche et d’une fraction des cadres du PS présents, Valls a donc rejoué, en clôture de l’Université d’été du PS de La Rochelle, la partition du « si vous n’êtes pas d’accord avec mes idées économiques, nous nous rassemblons sur les questions sociétales ». Ne pouvant risquer de se retrouver à droite de la chancelière Angela Merkel, qui a appelé de ses vœux à ce que cessent les attaques contre les centres « d’accueil » des réfugiés dans l’Est de l’Allemagne, Valls a fait le coup du « grand humaniste » en se fendant d’un plaidoyer pour les migrants fuyant les guerres. Pas les autres, évidemment. Le lendemain, lundi 31 août, il était à Calais, prônant le « renforcement des politiques de retour, l’aide aux pays limitrophes à faire face », c’est-à-dire sous-traiter la répression, et « réfléchir au déploiement de gardes-frontières européens », en l’occurrence renforcer l’Europe forteresse. A La Rochelle, également, Valls a réclamé que la gauche soit « fière de ses valeurs », après avoir tancé Emmanuel Macron, devant les journalistes, sur ses déclarations sur la remise en cause des 35 heures. Mais c’était pour mieux donner d’ultérieurs coups de canif dans le Code du Travail, que Hollande et Valls entendent vraiment dynamiter. L’objectif ? Démontrer au Medef qu’en dernière instance, un socialiste impopulaire à l’Elysée est plus efficace qu’un Sarkozy qui l’a été tout autant dès qu’il a voulu réformer… et qui a moins fait que le PS au gouvernement.

Ainsi, comme les salariés des PME connaissent « mal leurs droits », compte-tenu de la « complexité du Code du Travail », pourquoi ne pas permettre le développement, sur la base du volontariat, des négociations entre entreprises et salariés au niveau local sur les questions « d’insertion », « d’emplois des séniors » mais aussi et surtout « d’organisation du travail ». En voilà une bonne idée ! En tout cas, elle a plu à Pierre Gattaz. Là encore, tout en jouant au Premier ministre de gauche, c’est bel et bien le contour de la généralisation des accords d’entreprise et la remise en cause des conventions collectives qui s’est précisé un peu plus à La Rochelle.

Le premier ministre s’est même payé le luxe de faire le modeste et de se présenter comme le meilleur écuyer de Hollande, alors qu’il le dépasse dans les sondages, tout en s’exhibant à la tribune aux côtés de Jean-Cristophe Cambadélis, le premier secrétaire du PS.

Reste, néanmoins, que la route demeure semée d’embûches, pour Valls et Hollande. Et on ne parle même pas du front économique, où la croissance peine toujours à décoller, malgré les savants (mauvais) calculs de Michel Sapin, ni même du fait que le gouvernement surveille comme le lait sur le feu la jeunesse, un mouvement étudiant avant les régionales de décembre pouvant s’avérer catastrophique pour le gouvernement.

D’un strict point de vue politique, au centre-gauche de l’échiquier, la situation est compliquée, catastrophique, même si Valls et Hollande peuvent donner l’impression d’avoir marginalisé tous les « trublions de gauche ». En se séparant en fanfare, ce week-end, de EELV, Jean-Marie Placé et François de Rugy ont contribué à faire de l’ombre à des frondeurs socialistes, déjà bien en peine pour être audibles. Néanmoins, pour un premier ministre qui se veut rassembleur, des écolos déchirés, pouvant tomber dans l’escarcelle de Mélenchon, voilà qui est loin d’être une bonne nouvelle.

Il en va de même pour la « gauche de la gauche ». Valls sait qu’il joue à l’épouvantail et qu’il concentre les critiques, mais qu’en dernière instance, tous appelleront, peu ou prou, à voter PS au second tour, que ce soit aux régionales, cet hiver, ou pour les présidentielles. La multiplication des candidatures (avec un Pierre Laurent qui compte se présenter en Ile-de-France, suivi de la candidate EELV ou de Bruno Coquerel, pour le PG) contribue à fragmenter le spectre de la « gauche de la gauche », certes. Mais cette situation a le fâcheux défaut d’affaiblir d’entrée de jeu le score de « la gauche » face à la droite et au FN. Lionel Jospin, qui n’a pas tout à fait pris sa retraite, répète à l’envi, à ses amis du gouvernement, que l’échec du 21 avril 2002 est imputable à une gauche plurielle qui l’était un peu trop en termes de candidatures…. D’où l’appel à l’unité lancé par Valls à La Rochelle : « la gauche est grande, la gauche est victorieuse quand elle sort de son nombrilisme pour s’adresser à tous, sans exclusive ». Il semble, néanmoins, que Valls ait plus de succès du côté du Medef que de ce côté-là.