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Diffusé sur France 2 ce mardi soir

A propos de "Quartier Impopulaire", le documentaire qui a donné la parole aux habitants du Mirail

Ce mardi soir en seconde partie de soirée était diffusé, sur France 2, et dans le cadre de l'émission Infrarouge, un documentaire en immersion dans le quartier du Mirail à Toulouse. Durant 1h20, François Chilowicz - le réalisateur - a donné la parole aux habitants de ce quartier de la ville rose, après un travail de terrain de plus de deux ans. Retour critique sur un documentaire assez rare sur les ondes télévisuelles. Julian Vadis

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La parole aux "banlieusards" : Un atout majeur de "Quartier Impopulaire"

Un travail d’immersion de deux ans avant le tournage, de longues séquences donnant la parole aux habitants du quartier. Il s’agit sans doute là des deux plus grandes qualités de "Quartier Impopulaire". En effet, le documentaire de François Chilowicz a cette énorme qualité de donner réellement la parole aux populations stigmatisées. Le cadre général fait montre d’une réelle volonté de retranscrire la réalité du quotidien du Mirail, du point de vue des principaux intéressés. Une qualité rare pour un documentaire diffusé sur une grande chaîne de télévision publique, France 2, bien qu’à un horaire tardif (de 23h10 à 0h30)..

Loin d’un simple reportage, "Quartier Impopulaire" tente d’apporter, avec plus ou moins de succès, une vision globale de la réalité des quartiers, notamment de leur statut de ghettos mis à la marge de la société. Plusieurs préjugés sont inlassablement battus en brèche, de la voix même des interviewés, sur divers sujets : Criminalité, trafics de drogue ou encore la fameuse "zone grise" entre "Français" et population "immigrée" et "musulmane" ou assimilée comme telle.

Focus sur la religion. Entre déconstruction du racisme et limites objectives

Si de nombreux sujets sont abordés lors du documentaire, son axe général tourne autour de la question religieuse, et particulièrement la religion musulmane. Si le chômage de masse dans les quartiers, l’inégalité face à la justice ou encore la question du complotisme sont abordés, les questions de François Chilowicz ramènent inlassablement le débat à la question de l’Islam. Une méthode qui, au fil du reportage, fait apparaître une réelle limite, voire tombe dans un travers dénoncé, dans leur propos, par les personnes interrogées : Celle d’une injonction à la justification.

En effet, dans le contexte du documentaire (entre 2013 et 2015), les habitants du Mirail argumentent, du fait des questions, sur la question du terrorisme. De nombreuses interventions reviennent, à raison, sur le fait que l’Islam n’a rien à voir avec Daesh et le terrorisme en général. Sur la stigmatisation des quartiers ? "A force de se faire taper dessus, c’est sûr, on est chauds. Mais pas au point d’aller tuer des enfants". Face au "Je suis Charlie" ? Mise en avant du fait que la religion est devenue une "barrière de sécurité". Face au chômage ? L’islam est présenté comme une soupape qui permet de maintenir le calme dans les quartiers. Il s’agit là du défaut majeur du documentaire. Alors que les interviewés sont exaspérés de "devoir toujours se justifier", le documentaire se veut être une tribune ... justificative.

Bien sur, il s’agit d’une limite partielle. Dans le contexte islamophobe actuel, le fait qu’un reportage donne la parole à celles et ceux qui subissent cette stigmatisation et qu’il aborde, sur la fin, la répression policière abusive est en soi assez progressiste, mais ce parti pris ne permet pas d’aborder des questions de fond plus en profondeur. On regrette en effet de ne pas trouver plus d’éléments sur la misère du quartier, le racisme institutionnel (tribunal, police etc...), le chômage de masse ou bien encore sur l’abandon pur et simple d’un service public de qualité. En bref, la limite principale du documentaire est d’être trop centré sur une période courte et un sujet bien précis alors qu’en définitive cela fait des décennies que les quartiers populaires vivent sous un quasi état d’urgence.

Coup de gueule contre la programmation de France 2

Si le documentaire "Quartier Impopulaire" possède de grandes qualités et quelques défauts, la programmation de France 2 a été, quant à elle, assez révoltante. Outre le fait que ce documentaire ait été diffusé tardivement, le second documentaire de l’émission Infrarouge diffusé à la suite de "Quartier Impopulaire" était résolument différent. "Janvier 2015, au cœur des attaques" proposait ainsi un contenu centré sur l’attaque de Charlie Hebdo, interviewant les survivants, misant sur le sensationnel (à la limite du morbide, avec des plans où l’on pouvait entendre distinctement les coups de feu, ou encore où l’on voit l’exécution du policier par les terroristes) et où l’image d’un terroriste hurlant dans la rue " allahou akbar" et "On a vengé le prophète Mohamed" sont ressassées plusieurs fois tout au long du documentaire.

S’il est évident que ces faits ont eu lieu, et que les victimes de la barbarie terroriste sont réelles, le fait est que le documentaire en lui même donne un effet puissamment stigmatisant et visant à discréditer la parole des personnes interrogées dans "Quartier Impopulaire". Chassez le naturel, il revient au galop, l’adage convient parfaitement à France 2, qui par sa programmation entretient et reproduit les causes de la stigmatisation des quartiers et l’islamophobie qui règne aujourd’hui un peu partout dans l’hexagone.


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