Avec les attentats de Paris, c’est un seuil qui est franchi. La situation est devenue encore plus critique pour les migrants. Ils figurent parmi les premières victimes indirectes de l’évolution dramatique de la situation. Et ce alors que, pour la plupart – du moins les migrant-e-s issu-e-s de Syrie et d’Afghanistan – fuient les même personnes qui ont organisé les attentats commis à Paris le vendredi 13. Double peine, en quelque sorte, pour des hommes, des femmes et des enfants qui veulent échapper à la guerre et la misère et qui se retrouvent de surcroît pointés du doigt parce qu’ils partageraient les mêmes origines que leurs bourreaux.

Car la presse réactionnaire et les gouvernements les plus à droite n’ont pas attendu la publication de « l’histoire du passeport syrien d’un des kamikazes du Stade de France et qui serait rentré dans l’espace Schengen en réalisant le même périple méditerranéen que nombre de réfugiés » pour dénoncer le risque d’entrée de combattants de Daech parmi les « boat-people » du début XXI° siècle. Libero, le journal de la droite berlusconienne, titrait ainsi « islamistes bâtards » dès le lendemain des attentats, sans même attendre les premiers éléments officiels de l’enquête.

Dans la même lignée, la palme de la réaction revient aux néo-ministres polonais de l’ultra-conservateur Parti Droit et Justice (PIS). Ainsi, le ministre des Affaires européennes, Konrad Szymanski, a expliqué que le PIS allait revenir sur la décision du gouvernement libéral précédent d’accueillir 7500 réfugiés dans le cadre du plan européen de répartition car « après les événements tragiques de Paris, la Pologne ne voit pas de possibilité politique d’exécuter la décision de relocalisation de réfugiés ». Son ministre de tutelle Witold Waszczykowski, ministre des Affaires étrangères, lui, a tout simplement affirmé qu’il fallait « atteindre la communauté musulmane, qui hait ce continent et qui veut le détruire [et] contrer les mouvements politiques de gauche qui considèrent qu’il faut sans cesse ouvrir les frontières ».

En Allemagne, ce sont les chrétiens-démocrates bavarois de la CSU, pourtant alliés à la chancelière Meckel, qui sont vent debout contre la politique migratoire actuelle du gouvernement de coalition CDU-CSU-SPD. Selon le ministre des Finances de Bavière, Markus Söde « l’époque de l’immigration incontrôlée et illégale ne peut pas continuer ainsi. Paris a tout changé ».

On comprend mieux, dans ce cadre, non seulement les déclarations les plus outrancières d’un Sarkozy, sur la nécessité de revoir radicalement la politique migratoire de la France, mais aussi les sorties réactionnaires des membres du gouvernement au sujet de la déchéance de nationalité pour les binationaux, tout ceci contribuant à tirer un trait d’équivalence entre les attentats, les migrants et certaines catégories racisées de la population.

Il n’est reste pas moins que la restriction ultérieure de circuler au sein et en surtout en direction du continent, avec un renforcement de l’Europe forteresse, c’est condamner des centaines de milliers de migrants à des traversées plus périlleuses et à une mort possible. Ce sont des milliers d’Aylan que l’Europe et les gouvernements nationaux sont en train de condamner. Et ce juste après le carnage de Paris.