Tunis, 17h30. Une explosion retentit sur une artère du centre-ville et souffle un bus de la sécurité présidentielle faisant un bilan provisoire de 12 morts. Huit mois après l’attaque du musée du Bardo, cinq mois après l’attaque commise à la station balnéaire de Sousse, un troisième attentat s’abat ainsi sur la Tunisie, berceau des révolutions arabes de 2011.

Sans tarder, le président Béji Caïd Essebsi a proclamé l’état d’urgence et l’instauration d’un couvre-feu, déjà mis en place en juin dernier suite aux attentats de Sousse. En Tunisie comme en France, l’heure est au renforcement sécuritaire et policier. Et pourtant, cette politique a déjà montré toutes ses limites à l’épreuve des faits. Ni l’état d’urgence de juin dernier ni le renforcement des lois anti-terroristes votées en juillet au Parlement tunisien ne permettent de lutter contre les groupes terroristes et leurs actions sur le terrain. Pis, celles-ci renouent avec les pratiques de l’ancienne dictature de Ben Ali, rétablissent une peine de mort abrogée il y a plus de 25 ans, et réinstaurent l’État policier contre lequel s’est soulevée la population en 2011.

L’instrument de la peur qu’utilisent les terroristes et auquel répond le gouvernement tunisien en déployant toutes les mesures propres à l’État policier ont mis un coup à la remontée des luttes sociales qui ont touché la Tunisie au début du printemps 2015. À presque 4 ans du début de la révolution de jasmin, la situation matérielle des Tunisiens ne s’est pas améliorée. À cela s’ajoute la remise en cause toujours plus profonde, à coup de lois répressives et liberticides, des maigres acquis démocratiques hérités de la chute de Ben Ali. Tout ça alors que le président Essebsi défend sa politique au nom de la « transition démocratique » dans laquelle le pays serait engagé depuis le reflux du processus révolutionnaire et qui est actuellement menacée par le terrorisme. De quoi alimenter la colère de toute une frange de la population, exaspérée par la situation sociale et politique, un sentiment de trahison des directions politiques et d’immobilisme par rapport aux années Ben Ali. Une soif de changement qui, si elle ne trouve pas d’exutoire dans la reprise de la contestation sociale et son issue victorieuse et progressiste pour la classe ouvrière tunisienne, risque fort d’être détournée au profit des causes les plus réactionnaires et barbares dont des organisations comme Daesh se font les hérauts.