Sept mois après les violences policières, le nez d’Adan (nom d’emprunt) est toujours fracturé. Le jeune lycéen de 15 ans respire difficilement. Il doit attendre la fin de sa croissance pour une éventuelle opération. Ce sont plusieurs vidéos devenues virales qui montrent sous plusieurs angles le récit de l’agression quasi irréfutable. Le jeune lycéen noir déjà à terre est pris à parti par un policier. « Lève-toi ! Lève-toi », lui assenait-il. Ceinturé par la suite par deux autres collègues, le policier, casqué, lui décoche un coup de poing en pleine figure. L’adolescent s’effondre. Le gardien de la paix, âgé de 26 ans, comparaissait devant les magistrats, ce jeudi. Poursuivi pour « violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique », il encourait jusqu’à trois ans de prison.

Son procès, initialement prévu le 14 octobre, avait été reporté. Etant donné l’irréfutabilité des faits, même le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, avait été forcé à condamner l’agression. Un « geste inacceptable », ce coup de poing du policier, l’affaire était confié à l’IGPN la « police des polices ». « Je ne tolérerai jamais aucun écart », avait-t-il alors assuré. Pourtant, en fin d’après-midi, le procureur de la République, représentant de l’Etat, a rendu ses réquisitions. À peine, six mois de prison avec sursis ont été requis à l’encontre du policier, qui avait d’ailleurs reconnu lors de sa garde à vue à l’IGPN « avoir usé à tort d’une force disproportionnée ». Telle est la peine exemplaire requise par l’un des représentants de l’Etat, même si le sursis n’est en général pas la règle.

Plus tôt dans la journée, le policier avait affirmé devant les juges qu’il n’avait pas spécifiquement tenté de lui porter un coup au visage, qualifiant son geste de « malheureux concours de circonstances ». A la barre, le gardien de la paix affirmait que lorsque que les policiers ont relevé le jeune homme juste après l’avoir interpellé, il a senti « comme des doigts au niveau de la jugulaire » de son casque. « Je me suis senti en danger », explique-t-il. Pourtant, on a beau visionner la vidéo sous tous les angles, on voit mal le jeune homme groggy, peinant à se relever, se saisir du cou du policier. C’est alors qu’il prétend que le jeune voulait lui porter un coup au niveau du plexus, un geste qu’il dit cette fois-ci « proportionné » au vu de la situation. Un changement notable de version, le geste étant devenu proportionnel selon le policier.

Bien malheureusement, « l’appui sur la nuque » du jeune homme, que tenait l’un de ses collègues, « l’a fait se baisser ». Et le policier n’avait « en aucun cas » la « volonté de le toucher au visage ». Un geste qu’il ne se serait « jamais permis », d’autant plus, se sachant « filmés en permanence ». Un ajout pour le moins maladroit, qui démontre que filmer une agression policière permet de maintenir un certain degré de pression contre l’impunité policière, comme l’a notamment illustré l’affaire Guillaume Vadot. « Je n’avais pas l’intention de porter un coup de poing », finit-il. L’élan pris par son bras démontrait pourtant tout le contraire. Le policier accuse notamment l’adolescent de 15 ans d’avoir jeté un sac de farine, que le policier dit enflammé, dernière chose que récuse l’adolescent.

En clair, un simple jet de farine justifie les violences policières. Son père explique aujourd’hui que son fils a « changé complètement » depuis l’incident. « Il a le regard figé parfois, raconte-t-il. » Il affirme avoir « peur » qu’il se passe « quelque chose. » Il arrive à l’adolescent de se « bloquer » quand il croise des policiers dans la rue. En l’occurrence, nombre d’étudiants, de salariés ont vécu ces violences policières, notamment durant la mobilisation contre la loi Travail, avec parfois des conséquences irréversibles. Une peur de l’institution policière totalement légitime donc. Une peur que la police veut instaurer à un degré plus élevé encore en exigeant la demande pour plus d’impunité policière. De la prison ferme pour les manifestants, des non-lieux pour la police. Cette fois-ci, du sursis exceptionnel, vu le caractère de l’affaire. Le procureur exprimait pourtant dans son réquisitoire qu’« il n’y a aucune impunité envers les fonctionnaires de police »