En plein cœur de la société New-Yorkaise des années 50, le film dresse un tableau en velours de l’histoire d’amour entre deux femmes. Thérèse (Rooney Mara), jeune vendeuse de jouet stagiaire dans un grand centre commercial, qui rêvait déjà à l’âge de quatre ans d’avoir un train plutôt qu’une poupée à Noël. Et la séduisante Carol (Kate Blanchet), riche bourgeoise presque deux fois plus âgée qu’elle, épouse au foyer en instance de divorce avec un mari qui l’aime mal, et mère intérieurement déchirée par la bataille qui les oppose tous deux pour la garde de leur ravissante fillette. Le premier regard échangé au milieu de la cohue des magasins de jouets à l’approche de Noël signe les prémices d’un amour qui ne cessera de s’ancrer plus en profondeur. Il bouleversera la vie de Thérèse, vie qui ne commencera réellement qu’à partir de ce jour et qui sera marquée par une volonté d’ascension sociale en puissance, influencée inconsciemment par son ainé. Pleinement sûre d’elle, Carol participera tout au long du film à l’acceptation de l’attirance sexuelle et au dépassement des barrières psychiques et sociales de sa jeune protégée pour qui elle est un modèle.
- So ? You like it.
[ - Mon mari ne veut pas que je fume
- Et alors ? Tu aimes ça.]
Cette dernière phrase, prononcée avec nonchalance par Carol à une connaissance dont elle allume la cigarette, reflète parfaitement sa volonté émancipatrice, en lui suggérant que ce n’est pas parce que son mari ne veut pas qu’elle le fasse qu’elle ne doit pas le faire, ou que son envie devrait cesser.
Les 120mn du film ne sont pas dédiées à relater la passion amoureuse liant les deux femmes, mais bien plus le chemin qui mènera les deux héroïnes à celle-ci. Le goût n’est pas au suspens, mais bien plus à la progression. De plus, si la priorité du film n’est pas non plus donné au voyeurisme, sa grande pudeur ne l’empêche en rien d’être doté de scènes très érotiques, allant de la « déposition » de gant en cuir sur un comptoir, d’une main frôlant l’épaule, à un peignoir qui lentement se dénoue...
« People like this »
L’homosexualité étant encore considérée à cette époque comme une pathologie que l’on devait nécessairement soigner, voici donc comment sont caractérisés les hommes qui tombent amoureux d’hommes, ou les femmes qui tombent amoureuses de femmes, lorsque ce sujet tabou peut-être évoqué. Ou plutôt la seule fois où il ne sera pas étouffé par le silence de la gêne, ou encore totalement détourné. C’est à cette source que le film puise toute sa force : l’intolérance. Force de l’auteur aussi, qui la dénonce précisément, en suggérant que les passions s’inscrivent au-delà de la norme, une norme qui ne reflète finalement que le produit d’une construction sociale.