La Chorale populaire de Paris a 80 ans

Fondée sur l’initiative de l’Association des Ecrivains et Artistes Révolutionnaires en 1935, la Chorale de Paris est la première à chanter, en français, «  le Chant des Marais » écrit par les premiers prisonniers des camps de concentration nazis. Les choristes accueillent des enfants de Républicains espagnols.
La chorale est interdite en 1939 mais continue son activité jusqu’en 1941, sous couvert de la Ligue des Droits de L’Homme. Ses fondateurs, Peters Rosset et Suzanne Cointe, très certainement membres du réseau Orchestre Rouge, connaissent un sort tragique. Lui, arrêté comme Juif, a disparu. Elle, a été décapitée en Allemagne.
En 1947-1948, la chorale soutient les mineurs en grève avec « Le Chant pour les Mineurs  » de Serge Nigg. De 1946 à 1954, la Chorale lutte contre l’intervention française en Indochine et chante « Les Enfants d’Hanoï ». En 1968, faute d’essence ou de moyens de transport, elle limite son soutien aux grévistes à Paris : Imprimerie Nationale, magasins du Printemps…
En 1988, Lucien Barbier, militant syndical, est assassiné lors d’une manifestation à Amiens. La Chorale Populaire de Paris s’associe au cortège qui l’accompagne et chante « La Marche Funèbre Russe  ».
Plus récemment elle est présente dans les manifestations contre la guerre en Irak, ou contre le CPE.

Le vendredi 27 novembre, en plein état d’urgence, la chorale maintient sa soirée anniversaire dans les locaux de la CGT à Montreuil, en présence de 250 personnes. A l’entrée du hall, trois photos posées sur une table rendent hommage à trois camarades victimes des attentats du 13 novembre. En ouverture, les participants sont invités à chanter «  non pas la marseillaise » mais « Paris en Fête  ».

L’un des couplets prend une résonnance particulière :

A République et dans les commissariats, les manifestants chantent

Pris dans la souricière que leur ont tendue les CRS, qui les tiennent quatre heures durant bouclés sur la place de la République et les acculent contre les murs de la garde républicaine, les manifestants se soudent les uns aux autres en enlaçant leurs bras et chantent l’internationale. Les flics ont beau décimer les rangs en arrachant un à un des jeunes et des moins jeunes, des hommes et des femmes à chaque fois les rangs se reconstituent et le chant les aide à tenir.

Embarqués dans les cars, sans savoir où ils vont, assis ou debout, ballotés par les flics qui conduisent comme des brutes, ils mènent grand tapage sans cesser de chanter l’Internationale. Une manifestante raconte : « Juste après notre interpellation, nous sommes rentrés dans un bus des CRS avec plus de 40 personnes. Ambiance survoltée, nombreux slogans, l’Internationale chantée en chœur, avec tous les couplets (s’il vous plait !) et qui mettait l’ambiance dans la rue avec de nombreuses personnes qui nous acclamaient et chantaient avec nous ».

Puis c’est le temps de la garde à vue, aux quatre coins de la région parisienne, dans des commissariats bondés et sous l’œil agacé des flics débordés, noyés dans leurs paperasses. Premier temps, serrés comme des sardines dans des espaces confinés, les militants en garde à vue sont plus occupés à tenter de respirer qu’à chanter. Les interrogatoires se déroulent avec des camarades « peu causants » qui se contentent de décliner leur identité.

Les interrogatoires terminés, commence la longue nuit… Grandes ou petites les cellules sont inconfortables, puantes, dans des conditions sanitaires épouvantables. Lumières insupportables ouvertes toute la nuit. Et c’est alors que le chant prend sa revanche. Dans un commissariat parisien, les manifestants en garde à vue ont chanté toute la nuit. C’est dans les cellules des femmes que ça a commencé. « Ca a été très important pour tenir » dit l’un d’entre eux. « L’Internationale » et «  Le temps des cerises » ont été de véritables défis à l’état d’urgence et à ses serviteurs zélés.

Le chant ouvrier, patrimoine de notre classe

« Des révoltes ouvrières et paysannes au début de l’époque moderne, au mouvement anti-CPE, du Chant des ouvriers de Pierre Dupont en 1846 à la Rage du peuple de Keny Arkana en 2006, les chansons ont toujours accompagné ceux qui luttent. Elles expriment les espoirs, les injustices, les rêves et la révolte des opprimés dans tous les pays, à chaque époque ». C’est ce que met en avant le « Carnet de chants de Lutte » édité par le NPA et c’est ce que nos prochaines manifestations n’ont pas fini de chanter.