Alors que Trump apparaît comme une figure très clivante, en raison, essentiellement, de la psychose paranoïaque qu’il présente, l’opposition démocrate préfère l’attaquer au centre, pour attirer les républicains et les conservateurs déçus de ses extravagances et nombreux excès. Lieu d’invention de « l’extrême centre » les Etats Unis vont donc nous rejouer le duel entre l’opposition « libérale progressiste » et la droite raciste et sexiste sans complexe. Car si les désaccords politiques existent entre démocrates et républicains, notamment sur la politique extérieure et le retour au protectionnisme, c’est en raison de dissensions internes à la bourgeoisie américaine elle-même, qui reste évidemment la seule classe au pouvoir derrière Trump.

Or, en n’adoptant pas une ligne plus à gauche, les démocrates cherchent à se présenter comme une alternative « acceptable » – pour les marchés – à la maison blanche de Trump. Ce qui signifie en premier lieu que les démocrates comptent pour rien tout le mouvement antifasciste qui s’est opposé à plusieurs reprises, et parfois jusqu’à la mort, aux groupuscules néo-nazis et au KKK qui soutiennent ouvertement le président américain. Il se peut que les Etats Unis, qui ont ouvert la voie à d’énormes transformations politiques depuis les années 70, nous montrent encore une fois la route : les partis institutionnels, trop occupés à plaire à la classe dominante et priés d’en respecter les intérêts financiers, correspondent de moins en moins à une partie de la population qui, elle, sait chercher dans la radicalité immédiate ce qui lui manque dans la classe politique.

Bernie Sanders avait réussi à incarner un début de radicalité assez rare aux Etats Unis, preuve en tout cas qu’il existe bien un besoin politique sur la gauche dans un pays où le consensus sur le marché pèse lourd dans les deux principaux partis. Mais typiquement, face à un tel système cloisonné et qui ne se gouverne, au choix, qu’au centre ou à l’extrême droite, la seule opposition possible ne peut être qu’une opposition au système dans son intégralité – il faudra donc plus radical que Sanders, en cherchant à faire converger les nombreuses oppositions anti-trump vers un front unique qui visera le marché, les capitalistes et les représentants qu’ils font élire à la chambre et à la présidence, moyennant de généreux financements de campagne.

A mi-mandat, donc, l’enjeu de ces élections c’est la faisabilité du programme de Trump mais aussi sa capacité à se faire réélire : élections politiciennes s’il en est, et qui consistent, pour le prolétariat américain, à choisir si la main qui les broie doit ou non porter un gant de velours.